Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Schmitt (Florent) (suite)

Entre le Psaume XLVII (op. 38) et la Tragédie de Salomé (op. 50) s’intercalent des œuvres pour piano comme les Pièces romantiques, les Humoresques, mais aussi des mélodies, parmi lesquelles Ils ont tué trois petites filles sur un poème de Maeterlinck (Quatre Lieder), qui rappelle le Noël des enfants qui n’ont plus de maison de Debussy.

La Tragédie de Salomé (première audition le 9 nov. 1907 sous la direction d’Inghelbrecht, avec la danseuse Loïe Fuller) apparut dans une première version, pour orchestre réduit, puis (Concerts Colonne, 8 janv. 1911) dans une version pour grand orchestre, plus connue. Inspirée par le poème de Robert d’Humières, toute la partition est dominée par un esprit de continuité, une tension sans cesse soutenue, un orchestre éblouissant. On en retiendra les plus beaux moments : le « Prélude », la « Danse des perles », les « Enchantements sur la mer » (d’une teinte debussyste), la tragique « Danse des éclairs », enfin la « Danse de l’effroi », qui déchaîne une sorte de cataclysme infernal.

C’est en 1908 que le quintette pour piano et cordes est achevé : sa composition a été menée parallèlement avec la Tragédie de Salomé et on peut remarquer certaines affinités entre les deux ouvrages. Il constitue la première des grandes œuvres de musique de chambre du compositeur et connut un succès éclatant (première audition le 27 mars 1908 à la Société nationale de musique par le quatuor F. Touche et Maurice Dumesnil). Malgré un développement très complexe, cette œuvre reflète une richesse de moyens contrôlée par un souci de construction classique.

Parmi les œuvres pour piano écrites avant 1910, les Musiques foraines à quatre mains demeurent dans le sillage de Chabrier, tout à fait différentes des musiques intimes, très poétiques mais moins audacieuses que les Nuits romaines ; dans cette dernière œuvre, l’auteur s’est soudain révélé le pionnier d’une nouvelle écriture pianistique, particulièrement dans les Lucioles, qui firent dire à Ravel qu’elles lui avaient frayé le chemin des Miroirs. En cette écriture pianistique somptueuse, précise, on sent l’admiration de l’auteur pour Chopin et Chabrier.

Toute la production pianistique de F. Schmitt s’avérera de conception orchestrale. Le musicien a d’ailleurs instrumenté une grande partie de ses œuvres pour piano : « Ce confortable et décevant piano qui n’est après tout — disons haut ce que tous pensent bas — qu’un pis-aller admirable, certes, mais pis-aller tout de même » (F. Schmitt). Ses titres évoquent très souvent des souvenirs de voyages comme les Feuillets de voyage, les Reflets d’Allemagne, les Trois Rapsodies. L’intrusion d’éléments exotiques à la mode à cette époque apparaît constamment dans sa musique, et la délicieuse Semaine du petit elfe Ferme-l’Œil évoque avec beaucoup de grâce quelques-uns des contes d’Andersen.

Composées en 1913 et 1917, les Ombres se sont imposées comme l’une des partitions pour piano les plus accomplies de leur auteur.

La Symphonie concertante pour piano et orchestre étonnera le public par sa véhémence, voire son agressivité lors de sa première audition aux Concerts Colonne.

Dans la musique de Schmitt pour orchestre, on retrouve le même désir de l’auteur d’évoquer de lointaines civilisations : la Danse des Devadasis, les Dionysiaques, la Légende pour alto et orchestre, Antoine et Cléopâtre, Salammbô, Oriane la sans-égale (ou Oriane et le prince d’Amour). Son orchestre s’adapte à cette luxuriance orientale par les agrégats sonores les plus éclatants, les plus denses.

Par contre, un tout autre visage apparaît dans les œuvres enjouées, malicieuses comme le Fonctionnaire MCMXII, sous-titré « inaction en musique », la Sonate libre en deux parties enchaînées, les Chants alizés, Çançunik, etc., où le côté truculent, le penchant pour la boutade, le calembour explosent et rapprochent Schmitt de Satie.

Quant à la musique de chambre, après le quintette, la Suite en rocaille pour flûte, trio à cordes et harpe dédiée à Haydn ouvre une ère nouvelle dans laquelle s’inscrivent la Sonatine en trio, À tour d’anches, la suite pour flûte et piano, le sextuor de clarinettes, les Chants alizés pour quintette à vent et enfin les deux sommets de sa musique de chambre : le trio à cordes (op. 105) et le quatuor à cordes (op. 112).

Le quatuor en « sol » dièse (que l’auteur n’a pas osé inscrire comme opus 111 en souvenir de la fameuse sonate de Beethoven), joué pour la première fois en 1948 par le Quatuor Calvet, se compose de quatre mouvements : « Rêve », « Jeu », « In memoriam », « Élan ».

Une dernière fois, Schmitt fera sonner l’orchestre dans la symphonie (festival de Strasbourg, 15 juin 1958). Cette œuvre, par sa pondération classique, par la hardiesse de son vocabulaire, est l’harmonieux aboutissement d’une longue expérience. Car Schmitt est resté toute sa vie tel qu’il s’est défini dès le début du siècle : musicien indépendant, travailleur acharné, n’hésitant pas à peiner des journées entières sur un accord, mais dont l’esprit caustique, critique même (il écrivit longtemps dans le journal le Temps), l’a toujours empêché de se prendre au sérieux.

Il a remis le ton épique à la mode dans la musique française, qui se méfiait à cette époque de toute emphase, et a ouvert la voie à Milhaud* et à Honegger*.

J. G.

Schöffer (Nicolas)

Plasticien et théoricien d’art français d’origine hongroise (Kalocsa, 1912).


Il étudie la sculpture à l’Académie des beaux-arts de Budapest, puis à Paris, où il vit depuis 1936.

Héritier des recherches luminocinétiques (v. cinétique [art]) d’après la Première Guerre mondiale, il associe l’espace, matière première de la sculpture, et le dynamisme, conquête essentielle de la civilisation technicienne, sous le vocable de « spatiodynamisme ». Il exprime ses idées, à partir de 1948, dans un certain nombre de textes qui ont été regroupés en 1970 sous le titre le Nouvel Esprit artistique. Matériellement, ses œuvres se composent d’une ossature orthogonale de tiges métalliques entrecoupée de plans (plaques de Plexiglas, de métal poli). Les jeux de reflets obtenus quand le dispositif tourne sur lui-même font naître le « luminodynamisme », dont les théories sont développées à partir de 1957 ; les sources lumineuses pourront être artificielles ou naturelles. Se succèdent alors des appareils de plus en plus complexes, permettant des déroulements visuels colorés en correspondance avec les effets sonores de la musique, tels le Luminoscope (qui sera fabriqué industriellement en 1968) ou le Téléluminoscope.