Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

scénaristes (suite)

Aux États-Unis, les scénaristes furent dès l’arrivée du parlant pris sous contrat par les grands studios, où l’on spécialisa chacun selon ses dons : Dudley Nichols et Nunnally Johnson, qui écrivirent quelques-uns des meilleurs films de John Ford*, travaillèrent à la Fox ; Ben Hecht à la RKO ; Dalton Trumbo à la Warner ; Michael Wilson à la Paramount ; Borden Chase à la Universal. Certains furent spécialistes de la comédie, comme par exemple Garson Kanin (né en 1912), qui écrivit plusieurs films de George Cukor (Madame porte la culotte, 1949), d’autres s’illustrèrent dans le drame, comme Niven Busch (né en 1903), à qui l’on doit notamment La foule hurle (d’Howard Hawks, 1932) ou le Cavalier du désert (de William Wyler, 1940). Charles Brackett forma équipe avec Billy Wilder, Ben Barzman avec Joseph Losey, Lamar Trotti avec John Ford ou Henry King.

En Italie, le rôle des scénaristes prit une importance capitale au déclin de l’ère fasciste. Vittorio De Sica* n’aurait sans doute pas « créé » le néo-réalisme sans Cesare Zavattini ; Roberto Rossellini* ne l’aurait certainement pas transcendé sans son fidèle Sergio Amidei (né en 1904), avec qui il écrivit Rome ville ouverte (1945), Païsa (1946) ou Stromboli (1950). Encore aujourd’hui, c’est dans la péninsule que l’on trouve le plus d’équipes de scénaristes. Presque chaque réalisateur en a une ou deux à sa disposition, qu’il alterne, un film sur deux. Age (né en 1919) et Marco Scarpelli (né en 1918) ne travaillent qu’ensemble, notamment pour Dino Risi (les Monstres, 1963), Pietro Germi (Séduite et abandonnée, 1964, Ces messieurs-dames, 1966). Ruggero Maccari (né en 1919) a beaucoup écrit de comédies avec Ettore Scola (né en 1931), pour Dino Risi (le Fanfaron, 1961) ou Antonio Pietrangeli (Adua et ses compagnes, 1960, Je la connaissais bien, 1965). Sans parler des innombrables « duettistes » venus du cabaret et qui écrivent des milliers de sketches pour des acteurs comiques (Franco Franchi et Ciccio Ingrassia, par exemple) dont la réputation n’a jamais passé les frontières italiennes.

Si les grands cinéastes italiens ont aujourd’hui comme hier leurs scénaristes fidèles, Enrico Medioli pour L. Visconti*, Bernardino Zapponi pour F. Fellini*, Tonino Guerra pour M. Antonioni*, l’arrivée en France de la Nouvelle Vague* a contribué pendant un certain temps à reléguer la fonction de scénariste au second plan. J.-L. Godard*, F. Truffaut ou J. Demy écrivent leurs films eux-mêmes, mais, à cette règle, de notables exceptions : A. Resnais* ne s’adresse qu’à de prestigieux écrivains (Marguerite Duras* pour Hiroshima mon amour [1959], Alain Robbe-Grillet* pour l’Année dernière à Marienbad, 1961) et C. Chabrol écrit ses premiers films avec le romancier Paul Gégauff, tandis que Philippe de Broca fait appel à l’écrivain Daniel Boulanger, M. Deville à Nina Companeez, qui est également sa monteuse.

Depuis le déclin d’Hollywood, l’éclatement des grandes compagnies de production en une multitude de compagnies indépendantes, les scénaristes ne sont plus sous contrat, mais les équipes demeurent, forgées par l’amitié ou les affinités intellectuelles et sentimentales. Les grandes vedettes, comme par le passé, ont leur scénariste attitré (Harry Julian Fink ou James Lee Barret pour John Wayne, Irving Ravetch pour Paul Newman), mais cela demeure, tout de même, une exception.

En France et en Angleterre, la nouvelle génération des scénaristes s’occupe également de théâtre : Harold Pinter* a écrit quelques-uns des plus beaux films de Joseph Losey (The Servant, 1963 ; Accident, 1966 ; le Messager, 1971), parallèlement à son œuvre de dramaturge. En France, Francis Veber ou Jean-Loup Dabadie écrivent des pièces de théâtre, ce qui n’est au fond que le contrecoup des années 50/60 aux États-Unis, à l’époque où Arthur Miller*, Tennessee Williams* et surtout Paddy Chayefsky (qui fit équipe avec Delbert Mann avant de s’associer avec Arthur Hiller, travaillant ainsi avec deux générations successives de cinéastes issus de la télévision) écrivaient directement pour le cinéma ou adaptaient leurs pièces.

Actuellement toutefois, s’il semble qu’en Amérique une nouvelle vague de scénaristes soit en train d’éclore, il faut bien dire que l’appellation de scénariste ne donne plus à celui qui en est gratifié la toute-puissance que la fonction donnait autrefois. Henri Jeanson ou Jacques Prévert, avec leurs tics et leur rayonnement, créèrent en leur temps une sorte de mythe qui n’a plus cours. Aujourd’hui, d’une manière générale et à quelques exceptions près, le scénariste n’est plus une vedette ni un créateur isolé. L’œuvre collective qu’est un film n’a fait qu’y gagner.

M. G.

 R. Corliss, The Hollywood Screenwriters (New York, 1972).


Quelques grands scénaristes

Abréviations : cosc., coscénariste ; ad., adaptateur ; coad., coadaptateur ; codi., codialoguiste ; di., dialoguiste.


Jean Aurenche,

scénariste français (Pierrelatte 1904). S’il collabora épisodiquement avec Jean Anouilh, Marcel Achard, Henri Jeanson et René Wheeler, c’est essentiellement avec l’écrivain Pierre Bost (Lasalle 1901 - Paris 1975) qu’il signa ses plus célèbres scénarios et adaptations, notamment pour Claude Autant-Lara (Douce, 1943 ; le Diable au corps, 1947 ; Occupe-toi d’Amélie, 1948 ; l’Auberge Rouge, 1957 ; la Traversée de Paris, 1956), René Clément (Au-delà des grilles, 1948 ; Jeux interdits, 1952 ; Gervaise, 1956), Jean Delannoy (la Symphonie pastorale, 1946 ; Dieu a besoin des hommes, 1950), Yves Allégret (les Orgueilleux, 1953), Bertrand Tavernier (l’Horloger de Saint-Paul, 1973).


Ben Barzman,

scénariste et écrivain canadien (Toronto 1910). Il a surtout travaillé avec Joseph Losey (le Garçon aux cheveux verts [cosc.], 1948 ; Temps sans pitié, 1956 ; l’Enquête de l’inspecteur Morgan [cosc.], 1959 ; les Damnés [cosc.], 1961), mais également avec Edward Dmytryk (Donnez-nous aujourd’hui, 1949), Jules Dassin (Celui qui doit mourir, 1957), Anthony Mann (la Chute de l’Empire romain, 1963).


Charles Brackett,