Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Athènes (suite)

L’agglomération athénienne est aujourd’hui continue depuis le piémont du Pentélique jusqu’au littoral. Mais la surface du sol est inégalement occupée. De vastes espaces périphériques et incultes qui ne portent encore aucune construction appartiennent déjà aux citadins ou à de futurs citadins, qui s’y sont rendus propriétaires de menues parcelles ; restent vides pareillement diverses emprises monastiques, les champs de manœuvre de la caserne de blindés de Ghoudhí au pied de l’Hymette, etc. Et dans la ville elle-même subsistent des lacunes : anciennes carrières d’argile de la basse terrasse du Kifissós, terrains vagues rendus impropres à l’habitation par les usines voisines dans le secteur d’Ághios Ioánnis Réndis. Il faut y ajouter, au cœur de la ville, les enclaves archéologiques de l’Acropole, de l’Agora antique et de la colline de Filópappos, dont la présence compense à peine la rareté des espaces verts.

En dépit de l’extension rapidement prise par le périmètre construit, ce n’est que depuis 1960 que quelques grands axes équipés pour la circulation rapide ont été aménagés. Il s’agit, d’une part, d’un système de voies de dégagement qui s’écartent du triangle central à partir de ses sommets de Sýndaghma et d’Omónia, et, d’autre part, de voies express tracées du nord au sud en direction du littoral, et qui suivent le cours de l’Ilissós à l’est et du Kifissós à l’ouest, dont les lits, devenus depuis longtemps de véritables égouts, ont été couverts à cette occasion. Ces grandes voies urbaines s’articulent sur les amorces des deux autoroutes de Thessalonique et de Pátras, qui pénètrent en Attique par le nord et par l’ouest respectivement. Malgré les améliorations ainsi apportées à l’infrastructure des transports, et bien que la journée de travail soit continue pour bon nombre d’entre eux, les Athéniens doivent consacrer beaucoup de temps aux trajets du domicile au lieu de travail ; la majorité emprunte pour ce faire l’unique ligne de métro ou les services d’autobus.

L’histoire de la ville

Athènes n’était à l’époque achéenne qu’une bourgade. Son isolement la sauva quand les envahisseurs doriens firent mourir Mycènes et Tirynthe. C’est durant les « siècles obscurs » qui suivirent les invasions que se produisit l’unification de l’Attique jusqu’alors divisée en une multitude d’États : la légende voulut y voir la main du roi d’Athènes Thésée. En tout cas, chaque année les fêtes des panathénées célébraient le souvenir de l’acte qui sut faire un État homogène de communautés rivales.

Le territoire groupé autour de la métropole est à l’échelle de la cité grecque exceptionnellement vaste (2 600 km2 environ), mais il est pauvre. En effet, les montagnes occupent plus d’un tiers de la superficie du pays, le littoral est pratiquement impropre à la culture, seules sont véritablement fertiles les petites plaines de la Mésogée. Aussi, tout au long de son histoire, Athènes dut-elle importer des céréales qu’elle échangeait contre de l’huile, du vin, des produits industriels. Fort heureusement, le sous-sol était plus exploitable, de nombreuses carrières produisaient du marbre, on trouvait au Laurion du plomb argentifère. Par ailleurs, la côte découpée favorisait la navigation et la pêche.

Malgré ces insuffisances, ou peut-être à cause d’elles puisqu’elles poussèrent les Athéniens à s’ouvrir au monde extérieur, Athènes va prendre du poids dans la vie internationale ; dès le viie s. av. J.-C., sa flotte était considérée. Néanmoins, il fallut attendre l’époque de Pisistrate* pour que la cité devienne, après être passée par une période de crises sociales et politiques que ni Dracon ni Solon* ne purent apaiser de façon définitive, une véritable puissance et un centre de rayonnement intellectuel. Clisthène* en 507 av. J.-C. instaura la démocratie, organisa l’Attique pour que nul ne puisse contrecarrer ses progrès ; c’était donner à Athènes des institutions qui, améliorées au ve s. par les efforts d’Ephialtès et surtout de Périclès*, devaient faire d’elle l’État le plus influent de Grèce.

Profitant du prestige acquis durant les guerres médiques*, Athènes avait pu construire au cours du ve s. av. J.-C. un empire, source d’une prospérité qui suscita haines et jalousies. Ses rivaux Spartiates finirent, au cours de la guerre dite « du Péloponnèse » (431-404 av. J.-C.), par l’écraser et lui imposer le gouvernement oligarchique des « Trente ».

Athènes sut très vite se reprendre : dès 403 av. J.-C., Thrasybule rétablissait la démocratie ; en 399 av. J.-C., la cité montrait, par la mort de Socrate*, qu’elle voulait que les lois règnent de nouveau sur les esprits et sur les âmes. Mais si elle réussit à secouer le joug de Sparte, à reconstruire un empire, si sa civilisation resta brillante et raffinée, la politique devint le jeu des factions, Démosthène* ne put donner à la cité assez de cœur pour qu’elle se lance à fond dans la lutte contre Philippe*, le roi de Macédoine, désireux d’abattre les grandes puissances pour réaliser à son profit l’unité des Grecs. Aussi fut-elle, avec ses alliés, vaincue à Chéronée (338 av. J.-C.) et tenue ainsi de se soumettre à la politique définie par Philippe, puis, après qu’elle eut tenté de secouer le joug, par Alexandre* le Grand.

La cité n’en mourut point : Alexandre, qui n’avait pas hésité à raser Thèbes, ne toucha pas à la plus célèbre, la plus belle des cités ; sa démocratie ne fut pas renversée, mais, quoique puissante encore, elle ne pouvait se targuer d’être vraiment indépendante. Elle perdit Démosthène, devenu le symbole de ses libertés, les riches prirent le pouvoir, une nouvelle Constitution remplaçant les « lois antiques ».

Durant l’époque hellénistique, la ville perdit toute influence véritable sur le plan politique (néanmoins, on la craignait encore) ; en revanche, elle resta le centre de la culture hellène, les philosophes s’y rassemblaient, les rois la couvraient d’honneurs. La conquête romaine, après 168, ne modifia pas cette situation ; l’élite des Romains cultivés vénérait une ville qui n’avait plus d’ambitions (un sursaut de nationalisme lui fit pourtant embrasser avec chaleur le parti de Mithridate*, et Sulla en 86 av. J.-C. dut en faire le siège avant de pouvoir détruire à jamais ses arsenaux et ses murailles) : elle demeurait dans le monde antique l’école de la philosophie ; elle était le centre de la sagesse grecque. Aussi n’est-il pas étonnant que, lors de son passage en 49, saint Paul n’ait pu, malgré son habileté, séduire « cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ».

Athènes partagea les tribulations de la décadence romaine. Sous Gallien, Goths et Hérules l’occupèrent et la saccagèrent ; mais, en 396, Alaric, superstitieux, n’osa pas l’attaquer.