Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Savoie (suite)

Les relations extérieures

Les comtes de Savoie recherchent des alliances de prestige, mais ils sont parfois victimes de celles-ci. Il en est ainsi à la mort, en 1091, de l’énergique Adélaïde de Suse, qui, depuis le décès de son mari, a réellement gouverné le comté au nom de leurs fils Pierre Ier (comte de 1057 ou 1060 à 1078) et Amédée II (comte de 1076 à 1080) ainsi que de leur petit-fils Humbert II (comte de 1080 à 1103). À cette date, l’empereur Henri IV enlève en effet au comté, en tant qu’époux de Berthe, l’essentiel de ses possessions italiennes, à l’exception de Suse et d’Aoste. En donnant en 1115 sa sœur Adélaïde, ou Alix, en mariage à Louis VI le Gros, Amédée III (comte de 1103 à 1148) provoque l’intervention, dans les affaires savoyardes, du Capétien, désireux de revendiquer la dot de sa femme. Enfin, en épousant vers 1133 Mathilde d’Albon, fille du dauphin du Viennois Guigues III, il n’empêche pas ce dernier d’attaquer ses possessions, prélude à un long conflit qui se poursuit en fait jusqu’à l’incorporation de cette principauté au royaume de France au xive s.

Le comte de Savoie, vainqueur de Guigues IV (tué à La Bussière en 1142), fidèle partisan, par ailleurs, du pape Alexandre III, entre naturellement en conflit avec le protecteur impérial des dauphins, Frédéric Ier Barberousse. Humbert III (comte de 1148 à 1189) n’autorise celui-ci à repasser les Alpes en 1168, au retour de son expédition romaine, qu’au prix d’humiliantes concessions, dont le Hohenstaufen se venge peu après en brûlant Suse et en déclarant l’évêque de Belley en 1175 et l’archevêque de Tarentaise un peu plus tard vassaux immédiats de l’Empire, situation dont veulent se prévaloir à leur tour les évêques de Lausanne, de Sion, de Genève et de Turin.

En cette fin de xiie s., de vastes enclaves échappent à l’autorité centrale : le comté de Genève et la seigneurie de Faucigny, qui isolent le Chablais du reste de la principauté, à l’intérieur de laquelle s’affirme de plus en plus nettement la volonté d’indépendance des prélats, parmi lesquels seuls ceux d’Aoste et de Saint-Jean-de-Maurienne acceptent encore de se reconnaître vassaux directs du comté.


Le renouveau religieux et économique

D’abord limité au bas pays savoyard par les bénédictins de Cluny, qui s’établissent au Bourget-du-lac en 1030 et qui ne pénètrent à l’intérieur du massif qu’à la fin du xie s. (Contamine-sur-Arve en Faucigny, Bellevaux dans les Bauges), le mouvement monastique ne se diffuse réellement dans les hautes vallées alpestres qu’au xiie s. Cette pénétration se fait d’abord à l’instigation de l’ordre de Cîteaux, auquel adhère en 1135 l’abbaye Notre-Dame-d’Aulps, en Chablais, qui a déjà essaimé à Hautecombe. Puis les chanoines réguliers de Saint-Augustin fondent au début du xiie s. l’abbaye d’Abondance, en Chablais, dont les moines favorisent bientôt la réforme de l’abbaye de Saint-Maurice-d’Agaune, ou vont peupler l’hospice du Grand-Saint-Bernard et sa dépendance, le prieuré de Meillerie. Enfin les Chartreux s’installent dans la gorge de Vallon, en Chablais, et dans celle du Béol, près de Cluses (Chartreuse du Reposoir, 1151).

Ces fondations religieuses, établies à la limite des alpages et des forêts montagnardes, là où la terre n’est pas encore appropriée, pratiquent une véritable colonisation intérieure en étroite union avec les communautés agro-pastorales, dont la population croît alors rapidement et qu’elles font bénéficier d’un renouveau économique caractérisé notamment par la multiplication des défrichements, la construction de moulins sur les cours d’eau, l’extension du vignoble et l’essor de la métallurgie.


L’essor territorial de la puissance savoyarde (1189-1440)


La recherche de la cohésion territoriale (1189-1355)

Thomas Ier (comte de 1189 à 1233), « second fondateur de la Savoie », est rétabli dans ses droits en Valais par l’empereur Henri VI. Il facilite alors l’élection à l’Empire d’un autre Hohenstaufen, Philippe de Souabe, aux dépens d’Otton IV de Brunswick, notamment en battant en 1211 à Ulrichen l’un de ses adversaires, Berthold V de Zähringen, dont la famille a reçu les avoueries des évêchés de Genève, de Lausanne et de Sion. Aussi réclame-t-il la concession de Moudon, dans le pays de Vaud ; de plus, après avoir reconquis Pignerol, il se fait octroyer en outre les villes de Chieri et de Tortona, très proches de Turin, ainsi que le titre de « vicaire impérial de la Lombardie », ce qui lui permet de récupérer l’essentiel de l’héritage d’Adélaïde de Suse. Ayant ainsi reconstitué et étendu la principauté familiale dans la diversité de ses composantes, il lui donne enfin un centre en achetant en 1232 au vicomte Berlion la ville de Chambéry, dont il fait sa capitale.

Il pratique en outre une habile politique matrimoniale. Il unit sa dynastie, par l’intermédiaire de ses huit fils et de ses quatre filles, aux plus puissantes familles d’Europe, Béatrice de Savoie épousant en particulier en 1220 Raimond Bérenger IV (ou V), comte de Provence, dont les quatre filles s’unissent à leur tour, entre 1234 et 1246, aux rois de France, d’Angleterre, de Germanie et de Sicile. Mais, son fils aîné et premier successeur, Amédée IV (comte de 1233 à 1253), ayant dû céder en apanage toutes ses possessions situées à l’est des Alpes à son frère cadet, Thomas II, comte de Piémont (de 1245 à 1259), l’expansion vers l’est de la principauté devient alors impossible et le restera jusqu’à la réincorporation, en 1418, de ces territoires au domaine savoyard, faute de descendants mâles. Et comme, d’autre part, l’intervention capétienne à Lyon limite à l’ouest les ambitions savoyardes, c’est vers le nord exclusivement que ces dernières se développent dès lors.

Après la mort prématurée du fils d’Amédée IV, Boniface (comte de 1253 à 1263), l’oncle de ce dernier, Pierre II (comte de 1263 à 1268), incorpore le Faucigny, dot de sa femme Agnès, aux États de la maison de Savoie et tente d’étendre son influencé à Genève en accordant son appui aux partisans d’un régime communal, dont l’institution est combattue par l’évêque, qui ne dépend que de l’Empereur. Mais la mort de Pierre II sans héritiers mâles entraîne le partage de ses États. Tandis que l’essentiel de sa succession revient à son frère Philippe Ier (comte de 1268 à 1285), qui acquiert définitivement Turin, le Faucigny, augmenté du Beaufortin, revient à sa fille Béatrice († 1310), épouse de Guigues VII, dauphin de Viennois. Installée au cœur de l’État savoyard, bien secondée par le dauphin Humbert Ier de La Tour du Pin, l’énergique princesse Béatrice, surnommée la « Grande Dauphine », s’allie à l’évêque et au comte de Genève ainsi qu’à l’empereur Rodolphe Ier de Habsbourg pour bloquer en Suisse alémanique sa progression menaçante.