Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

santé des armées (Service de) (suite)

Le Service de santé et les guerres mondiales

L’ampleur encore inconnue des effectifs mis en œuvre, l’importance de leur « conservation » malgré la violence des combats posent dès 1914 des problèmes au service de santé dans sa mission de traitement des blessés comme dans son rôle de gardien de l’hygiène pour un volume aussi important de troupes en campagne. Du poste de secours de l’avant à l’ambulance et à l’hôpital, une véritable chaîne de traitement des blessés est organisée par les médecins des formations combattantes et les directeurs du Service de santé des grandes unités. Brancardiers, infirmiers, médecins civils et militaires confondus sous le même uniforme, équipe chirurgicale mobile, sections sanitaires automobiles, personnel des trains sanitaires (185 trains en 1918) rivalisent de dévouement au service de leurs camarades dans cette guerre inhumaine.

Au cours des campagnes de libération de 1943 à 1945, le Service de santé s’adapte aux conditions nouvelles de la guerre de mouvement, et, en 1942, le groupe sanitaire divisionnaire fait place au bataillon médical de modèle américain, qui porte au plus près de la ligne de feu un élément de réanimation, d’intervention et d’évacuation des blessés. Bien que le personnel du Service de santé (92 000 hommes en 1918) soit considéré comme non combattant par les conventions de Genève, il paiera un lourd tribut en tués et blessés durant ces deux conflits mondiaux. De 1914 à 1918, plus de 3 millions de blessés recevront ses soins, 120 000 blessés et 380 000 malades en 1939-40, 190 000 blessés et malades en 1944-45.


Le Service de santé des armées

En 1948, la nécessité de coordonner les différents corps de santé militaires aboutit à la création d’une Direction centrale des services de santé des armées. Elle coiffe, à côté des services de santé militaire, naval et des troupes coloniales, celui de l’armée de l’air, composé initialement de personnel détaché des autres corps de santé et qui n’a conquis son autonomie qu’en 1940. Toutefois, si des règles analogues sont adoptées pour le recrutement et la formation de ce personnel, les concours hospitaliers et scientifiques qui lui sont ouverts ne sont unifiés qu’en 1962, et les médecins et pharmaciens militaires demeurent attachés à leurs armées respectives jusqu’en 1968. Leurs études se font dans les deux écoles de Lyon et de Bordeaux, où ils suivent les cours de ces deux facultés de médecine et de pharmacie et subissent les mêmes examens que leurs camarades civils. Après leur doctorat, ils effectuent tous un premier stage à l’école d’application du Val-de-Grâce à Paris, puis un deuxième stage qui est fonction de l’armée dans laquelle ils ont choisi de servir : à Marseille pour l’armée de terre (y compris les troupes de marine), à Toulon pour la marine et à Paris pour l’armée de l’air. Enfin, dernière étape de l’évolution entamée en 1948, la loi du 31 juillet 1968 regroupe tous les anciens corps des services de santé dans les nouveaux corps militaires des médecins des armées et des pharmaciens-chimistes des armées, dotés désormais d’une hiérarchie unique et assistés des personnels militaires féminins, des officiers d’administration, des officiers techniciens et des sous-officiers du Service de santé des armées. Les deux écoles de Lyon et de Bordeaux prennent en 1971 l’appellation commune d’École du service de santé des armées, et, à l’issue de leur avant-dernière année d’études, leurs élèves peuvent choisir l’armée qui convient le mieux à leurs aspirations.

Sur le plan technique, le Service de santé a cherché à s’adapter aux conditions nouvelles de la guerre, notamment à la protection du danger nucléaire et à l’évolution rapide de la médecine. Une importance de plus en plus grande est donnée au domaine de la recherche et de l’enseignement, tandis qu’un effort considérable est entrepris pour rénover l’infrastructure hospitalière, marqué par la reconstruction de l’hôpital Bégin à Saint-Mandé en 1970 et la modernisation de divers services (Val-de-Grâce à Paris, Desgenettes à Lyon).

Ces transformations se sont accomplies au milieu de grandes difficultés, car le Service de santé est accaparé de 1946 à 1962 par les longues campagnes d’Indochine et d’Algérie. Le type de guerre qui y est mené conduit à remplacer le bataillon médical, devenu trop lourd, par les compagnies médicales de division ou de brigade, plus mobiles et adaptables aux circonstances les plus diverses. Née en Indochine, l’antenne chirurgicale (ou l’hôpital chirurgical avancé), d’un encombrement réduit au minimum, permet de traiter les blessés de première urgence au plus près de la zone de combat. Au même moment, le perfectionnement des transports aériens, où l’avion sanitaire est relayé depuis 1950 par l’hélicoptère, autorise les évacuations de deuxième et troisième urgence à beaucoup plus grande distance, donc en dehors des zones perturbées par la guerre.

À ses activités médico-militaires, le Service de santé des armées ajoute de plus en plus des tâches d’ordre humanitaire, que ce soit au titre de la coopération dans les nouveaux États du tiers monde ou, lors des grandes catastrophes, par l’envoi d’un élément médical d’intervention rapide. Depuis 1968, il détache au bénéfice de la circulation routière en France des équipes médicales militaires qui ont reçu une instruction spécialisée dans la réanimation et la traumatologie d’urgence.

Service de santé et recherche scientifique

De tout temps, les armées ont été un milieu propice à l’observation des réactions des hommes dans des collectivités soumises à certaines contraintes. Aussi a-t-on toujours trouvé dans les rangs des médecins militaires de nombreux pionniers et chercheurs, tels F. Maillot (1804-1894, travaux sur le paludisme, emploi de la quinine), J. Villemin (1827-1892, travaux sur la tuberculose), A. Laveran (1845-1922, découverte de l’hématozoaire du paludisme), H. Vincent (1862-1950, découverte d’un vaccin contre la typhoïde et d’un sérum contre la gangrène), C. A. H. Dopter (1875-1950, travaux sur la méningite et la dysenterie), H. Laborit (né en 1914, travaux sur l’hibernation), J. Fontan (1849-1931, qui pratiqua le premier en France, en 1900, la suture de plaies du cœur)...