Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

santé (suite)

Un autre exemple est fourni par le cas de certaines populations d’Afrique, d’Extrême-Orient et des rives de la Méditerranée qui manquent d’une certaine enzyme du globule rouge et risquent ainsi une anémie dangereuse en cas d’absorption de certains médicaments, notamment d’un médicament antipaludéen, ou de quelques cuillerées de soupe de fèves ; le mal est transmissible par les seules femmes, comme l’hémophilie et le daltonisme. Les pouvoirs publics doivent-ils encourager le métissage des premières et imposer la stérilisation des femmes dans les secondes ?

Dans le même ordre d’idées, l’interdiction du mariage de personnes de facteurs Rhésus différents avait un moment été envisagée, mais, du fait des progrès des connaissances, on est arrivé à la conclusion qu’aujourd’hui de tels mariages ne présentent vraiment d’inconvénient grave que dans un cas sur vingt.

R. M.


La lutte pour l’environnement

Mais d’importants risques pour la santé publique peuvent également résulter des conditions de nutrition des populations ainsi que des atteintes portées à l’environnement* par certains modes de vie, les spéculations immobilières, les déchets industriels, les pesticides* et les engrais utilisés pour améliorer les rendements agricoles (ces produits et ces rendements excessifs aboutissent probablement à la détérioration des sols). La garantie de la santé implique donc une information et une éducation des consommateurs et des producteurs, un accroissement considérable des interdictions d’emploi de certains additifs aux produits alimentaires et, partant, du contrôle des services des fraudes*, sans oublier les réglementations visant à rendre inoffensifs les déchets des industries et l’usage de certaines sources d’énergie trop polluantes. Il convient également sans doute de protéger le consommateur contre la publicité faite en faveur de produits et d’appareils vendus en vue de permettre le développement des individus ou de leur assurer une meilleure forme physique alors que leur emploi inconsidéré, sans contrôle médical, peut en faire des infirmes à vie.


Hygiène et antibiotiques

L’importance des facteurs psychiques en matière de santé devrait également conduire à une prise en charge beaucoup plus large par la collectivité des dépenses faites en vue de corriger diverses déficiences physiques par des exercices adéquats ou des opérations de chirurgie esthétique, lesquelles ne sont d’ailleurs pas toujours exemptes de danger. Mais dans quelle mesure distinguer entre les interventions vraiment justifiées et celles qui résultent de modes plus ou moins stupides dont, cependant, l’impossibilité physique de les respecter est susceptible de provoquer des troubles psychiques ? Dans la mesure où le développement de l’hygiène* constitue un moyen efficace de prévenir certaines maladies, les pouvoirs publics sont amenés à entreprendre des travaux publics coûteux et à encourager certains travaux privés. Mais le développement de l’hygiène ne risque-t-il pas d’affaiblir l’organisme humain et de le rendre plus sensible au contact accidentel avec des bactéries dangereuses (H. G. Wells, dans un célèbre roman d’anticipation, imagine que les Terriens sont sauvés de l’invasion des Martiens lorsque ceux-ci, habitués à un milieu stérile, succombent à la présence dans l’atmosphère terrestre des bactéries avec lesquelles les Terriens vivent habituellement) ? L’usage intensif des antibiotiques* a conduit à l’apparition dans certaines salles d’hôpitaux d’une « maladie verte » résultant du pullulement de microbes devenus résistants à ces mêmes antibiotiques. La destruction systématique de certains parasites (moustiques pour le paludisme, puces pour la peste, poux pour le typhus, etc.) s’impose, mais est susceptible de créer des transformations du milieu naturel dont certaines paraissent parfois dangereuses pour l’avenir de l’homme, l’abus de l’emploi des pesticides accroissant les inconvénients de cette destruction ; il n’est pas impossible que dans l’avenir la biochimie permette d’obtenir une immunité qui rendrait superflue, sinon pour des raisons de confort (non négligeables d’ailleurs), la destruction totale de divers groupes d’insectes.


La prévention des accidents

En ce qui concerne les accidents*, des mesures de prévention nombreuses et systématiques ont été prises ; malgré certaines réticences, le caractère répressif de ces dispositions est assez peu discuté tant qu’on reste dans le domaine des accidents du travail ; il n’en est pas de même en matière de circulation routière. La généralisation de l’usage de véhicules à moteur par des gens de toutes catégories sociales est certainement responsable du grand développement des égoïsmes naturels : on tend à considérer tout frein émanant des autorités et s’accompagnant de répression comme un obstacle sur le chemin de la libération de toute aliénation sociale ; en conséquence, l’imprudence, la présomption, l’outrecuidance et un infantilisme irresponsable tuent et rendent invalides des milliers de personnes chaque année.

La prévention et les tentatives faites pour réduire les effets de nombreux autres types d’accidents imputables à la négligence ou à l’ignorance rendent nécessaires bien d’autres mesures : sécurité des lieux recevant du public, contrôle des constructions, prévention des incendies de forêts, des inondations, des accidents de montagne ou bien de la mer, des asphyxies, des chutes, des empoisonnements, etc.

D’une manière générale, la prévention de l’accident et de la maladie implique d’une part des investissements publics importants (routes, adductions d’eau, tout-à-l’égout, équipements de lutte contre l’incendie, bassins et canaux, centres de recherche, de diagnostic et de soins, etc.) et d’autre part des transformations du comportement social des individus impliquant notamment d’importantes restrictions aux libres comportements individuels. « Il y a gros à parier que les solutions proposées seront de nature collective et anti-individualiste », écrit le professeur Hamburger, qui ajoute : « S’il se trouvait qu’un conflit dût éclater entre certaines facultés de l’individu d’une part et l’organisation nécessaire à la vie de l’espèce d’autre part, le biologiste ne peut manquer d’avoir des doutes sur la victoire de l’individu. »