Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sans-culottes (suite)

 D. Guérin, la Lutte des classes sous la Ire République, bourgeois et « bras nus », 1793-1797 (Éd. sociales, 1946 ; 2 vol. ; nouv. éd., Gallimard, 1968). / A. Soboul, les Sans-Culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire (Clavreuil, 1958 ; nouv. éd. abrégée, Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire en l’an II, 1793-1794, Flammarion, 1973).

Sansovino (les)

Architectes et sculpteurs italiens : Andrea Contucci dit il Sansovino (Monte San Savino, prov. d’Arezzo, 1460 - id. 1529) et son élève Jacopo Tatti (Florence 1486 - Venise 1570), qui prit le même surnom.


Andrea Sansovino, envoyé à Florence aux frais du podestat de sa ville natale, fut élève du peintre et sculpteur Antonio del Pollaiolo*. Ses premières œuvres sont des décors sculptés en terre cuite et des travaux pour Giuliano da Sangallo*. Il s’intéressait déjà à l’architecture, car il fut chargé en 1491 d’étudier un palais pour le Portugal, projet qui l’occupa dix ans. Pas totalement, car on le trouve dès 1493 sur le chantier du baptistère de Florence, où il va, en 1502-1504, compléter l’œuvre de Ghiberti* en couronnant la « Porte du paradis » d’un Baptême du Christ. En 1502, il réalise aussi la façade et les fonts du baptistère de Volterra ; puis succède à Matteo Civitali (1436-1501) à la cathédrale de Gênes, complétant la chapelle Saint-Jean-Baptiste d’une statue du Précurseur et d’une Madone qui affirment sa maîtrise.

Ici comme dans ses bas-reliefs s’épanouissent les tendances florentines : tout plan heurté comme toute mièvrerie disparaissent, la forme est recherchée pour elle-même et atteint une pureté proche de l’antique. Ce n’est certes pas le frémissement qui anime déjà Michel-Ange* ; néanmoins, le pape Jules II tient les deux hommes dans une estime égale, et c’est Andrea qu’il charge des grands mausolées du chœur de Santa Maria del Popolo, le sanctuaire romain préféré de sa famille.

Appelé à diriger les travaux de la basilique de Lorette vers 1510, Andrea s’y consacre dix-sept ans durant, élevant les portiques du palais apostolique, dirigeant la sculpture du brillant écrin de marbre imaginé par Bramante* pour la Santa Casa ; et de ce qui risquait d’être un exercice de style, il parvient à préserver l’unité sans tomber dans la froideur.

Disciple d’Andrea et fidèle jusqu’à porter son nom, Jacopo Sansovino l’avait accompagné à Rome en 1506. Ses premières sculptures sont d’un humanisme toscan teinté des nouveautés dues à Michel-Ange comme d’une leçon d’archéologie acquise à restaurer des antiques et à en couler des épreuves en bronze. Son Bacchus du musée national du Bargello à Florence (1514) est caractéristique à cet égard ; mais la comparaison entre une Vierge d’Andrea (1512) et sa propre Madonna del Parto (1519) à Sant’Agostino de Rome montrerait combien il entend rester proche de son maître.

Il va cependant, à l’appel de Léon X, se consacrer à l’architecture, remanier San Marcello et commencer San Giovanni dei Fiorentini ; mais le sac de Rome, en 1527, le pousse à se fixer à Venise, où l’invitent son ami l’Arétin* et le peintre Titien*. Grâce à eux, sans doute aussi à son habileté en affaires, il devient protomaestro de la basilique vénitienne. À ce titre, il réalise de 1537 à 1544 six bas-reliefs de la Vie de saint Marc, les fonts baptismaux, puis, entre 1546 et 1569, une Mise au tombeau et une Résurrection. C’est comme sculpteur encore qu’on le trouve au palais des Doges (Vierge de la chapelle, cheminées, Mars et Neptune — auxquels l’escalier des Géants doit son nom, en 1554 —, escalier d’Or de 1559) ou à San Salvatore (autels et tombeaux). Mais lorsqu’il élève la façade de cette même église, ou remanie celle de la Scuola di San Marco, c’est, par contre, l’architecte qui s’exprime ; de même à San Francesco della Vigna (1534), ou à San Giuliano (1553) avec son élève Alessandro Vittoria (1525-1608). Un architecte plasticien, cependant, qui excelle à faire vibrer dans une atmosphère incomparable les ordonnances romaines et qui, au palais Corner (1537-1556), y ajoute le modelé puissant des demeures florentines pour créer le plus majestueux frontispice du Grand Canal.

En un temps où la république de Venise veut se donner l’illusion d’une puissance qui lui échappe, elle ne saurait trouver meilleur metteur en scène pour modeler, à partir de 1537, son seul véritable espace urbain : la place Saint-Marc et son balcon sur la mer, la Piazzetta. En avant du palais de la Monnaie (cette Zecca qu’il ouvre sur le quai), Sansovino dresse la bibliothèque (Libreria) face au palais des Doges. Pour faire équilibre à la polychromie des vieux édifices, il compose des ombres fortes : arcades doriques, étage ionique aux archivoltes reposant sur un petit ordre, selon une disposition que Palladio* reprendra. Des guirlandes de la frise aux statues, tout exprime le faste et la richesse. Dans le retour nord de cette galerie s’inscrit déjà la volonté d’aligner la face méridionale de la place ; mais Sansovino va plus loin, il réunit l’axe vertical du campanile à l’escalier des Géants par un axe horizontal et en matérialise l’articulation par un arc de triomphe, la loggetta. Par là se trouve harmonisé un ensemble de volumes et de lignes assez disparates jusqu’alors. L’œuvre fut complétée par Vincenzo Scamozzi (1552-1616), en particulier avec les Nouvelles Procuraties, surélevées de 1584 à 1616 (avant d’être terminées par Longhena*) et conçues dans un même souci décoratif opposé au purisme de Palladio, pour qui Scamozzi n’avait que mépris.

Ne nous fions du reste pas trop aux contradictions apparentes d’un art vénitien qui, dépouillé ou fleuri, puisait aux mêmes sources. Jusqu’en plein xixe s., l’art de Sansovino a connu un succès égal à celui du maître de Vicence ; triste fortune, car il fut alors interprété jusqu’à la caricature (pas seulement dans les façades en fonte d’un James Bogardus), et ces copies abusives faussent encore aujourd’hui notre jugement.

H. P.

 L. Pittoni, Jacopo Sansovino (Venise, 1909). / G. Lorenzetti, Itinerario Sansoviriano a Venezia (Venise, 1929). / G. H. Huntley, Andrea Sansovino, Sculptor and Architect of the Italian Renaissance (Cambridge, Mass., 1935 ; nouv. éd., Westport, Connect., 1972).