Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sainte-Claire Deville (Henri)

Chimiste français (île Saint Thomas, Antilles, 1818 - Boulogne-sur-Seine 1881).


Le père de Sainte-Claire Deville, d’origine périgourdine, propriétaire et armateur, occupe dans l’île Saint Thomas, alors possession danoise, une situation importante. Il a un autre fils plus âgé, Charles (1814-1876), qui deviendra un géologue réputé. Les deux frères sont, encore tout jeunes, envoyés à Paris pour s’initier à la culture française. Henri, devenu bachelier, se destine à la carrière médicale et devient, en 1843, docteur en médecine. Mais, en même temps, auditeur passionné de Jacques Thenard (1777-1857) à la Sorbonne, il se découvre un goût marqué pour la chimie. Il installe rue de la Harpe, à ses frais, un petit laboratoire et, pendant plusieurs années, il y poursuit de patientes recherches qui lui permettent de présenter une thèse de doctorat ès sciences.

Il est alors chargé de l’organisation de la faculté des sciences créée en 1844 à Besançon ; il y obtient la chaire de chimie, avec le titre de doyen. En 1851, il est appelé à Paris comme maître de conférences à l’École normale supérieure, et c’est dorénavant dans le laboratoire de cette école que va s’écouler sa vie. Il y passe même ses dimanches, réunissant autour de lui élèves et amis, devant lesquels il effectue ses expériences, dans une atmosphère de franche camaraderie. Deux ans plus tard, il succède à Jean-Baptiste Dumas* comme professeur de chimie à la faculté des sciences de Paris.

En 1861, Sainte-Claire Deville est élu membre de l’Académie des sciences (section de minéralogie).

Sainte-Claire Deville compte parmi les plus grands chimistes du xixe s., et ses travaux intéressent toutes les branches de la chimie. Ses premières recherches, effectuées dans son laboratoire privé, portent sur l’essence de térébenthine et les résines, dont il établit la constitution ; à cette occasion, il découvre le toluène.

En 1849, il prouve, contre l’opinion générale, que les monoacides peuvent avoir des anhydrides ; il isole en effet l’anhydride nitrique en chauffant du nitrate d’argent dans un courant de chlore.

En 1854, il met au point, au laboratoire de l’École normale, la méthode qui va permettre la première préparation industrielle de l’aluminium. Ce métal, si abondant dans la nature, mais qui n’était alors connu que sous forme d’une poudre grise péniblement isolée par l’Allemand Friedrich Wöhler (1800-1882), va figurer à l’Exposition universelle de 1855 comme une des plus précieuses conquêtes de la science et de l’industrie. Par la suite, Sainte-Claire Deville étend le même procédé à la préparation du bore, du silicium, du magnésium, du titane. Il étudie les propriétés de ces nouveaux éléments, et la chimie minérale s’enrichit de nombreux faits nouveaux.

Les hautes températures nécessaires lui sont fournies par le chalumeau oxhydrique, et, grâce à celui-ci, il réalise la fusion du platine et prépare le platine iridié, aussitôt employé à la fabrication des prototypes du mètre et du kilogramme.

Ces travaux l’amènent à une importante découverte, d’ordre théorique : la dissociation, à température élevée, de nombreuses combinaisons stables, comme l’eau, le gaz carbonique, le gaz chlorhydrique, le gaz sulfureux et l’anhydride sulfurique. Grâce à l’emploi d’un dispositif ingénieux, son « tube chaud et froid », il montre le premier que certaines réactions chimiques sont limitées par les réactions inverses.

R. T.

Saint Empire romain germanique

Empire fondé par Otton le Grand (962) et dissous en 1806.


Le Saint Empire romain germanique est une institution typiquement médiévale. Associant l’Allemagne et une partie de l’Italie, il entendait continuer l’Empire carolingien, qui, de 800 à 924, avait prétendu ressusciter l’Empire romain (v. Carolingiens). Très tôt, les empereurs du Saint Empire alléguèrent que l’Empire devait regrouper toute la chrétienté : l’empereur avait reçu de Dieu la mission spéciale de gouverner le monde. Cette prétention au « dominium mundi » se heurta dès le xie s. à la conception de la théocratie pontificale, illustrée par Grégoire VII et ses Dictatus papae.

Les empereurs les plus brillants — les trois Ottons, les Saliens Henri III et Henri IV, les Hohenstaufen* (ou Staufen) Frédéric Ier* Barberousse, Henri IV et Frédéric II* — firent rayonner à travers la chrétienté la gloire de l’Empire. Cependant, jamais leur domination territoriale ne déborda au-delà de l’Allemagne et des territoires de l’Italie septentrionale et centrale. En Allemagne même, leur autorité ne parvint pas à s’imposer, malgré les efforts d’Henri IV ou de Frédéric Ier Barberousse. Les empereurs ne purent, à la différence des Capétiens en France, imposer un système héréditaire de transmission de la couronne ; l’élection reste à la merci des princes électeurs. D’autre part, les empereurs s’épuisent à lutter contre l’insoumission des princes, puis des villes.

L’échec de Frédéric II ruine les rêves des Staufen de dominer l’Italie. Dès lors, malgré les folles tentatives d’Henri VII, l’Empire se replie sur l’Allemagne. La Bulle d’or de 1356 symbolise l’organisation de ce nouvel Empire, où s’impose le prestige de la famille Habsbourg*. Les rivalités internes et l’opposition du royaume de France ne permettent pas aux Habsbourg de rendre à l’Empire son éclat. En 1648, les traités de Westphalie mènent au démantèlement de l’Empire. Désormais, le titre d’empereur est un titre prestigieux mais creux. L’ascension de la Prusse fait perdre aux Habsbourg leur prédominance en Allemagne. En 1806, devant les nouveaux bouleversements provoqués dans l’Empire par la Révolution française puis Napoléon Ier, les Habsbourg renoncent à leur titre impérial. Ainsi disparaissait sans gloire le Saint Empire romain germanique, vieille institution médiévale lentement dégénérée.


Naissance du Saint Empire


Le couronnement d’Otton Ier

La mort de Bérenger Ier de Frioul (924) marque officiellement la fin de l’Empire carolingien ; mais depuis la fin du ixe s., cet Empire avait perdu toute cohésion. Charles III* le Gros († 888) est le dernier empereur qui, après avoir été couronné par le pape, ait théoriquement régné sur toutes les parties de l’Empire. Cependant, le souvenir de l’Empire carolingien subsiste dans les esprits. La figure et la légende de Charlemagne restent vivantes : le chroniqueur Widukind, moine de l’abbaye de Corvey, présente en 918 le nouveau roi de Germanie, Henri Ier, duc de Saxe, connue le plus apte, selon son prédécesseur Conrad Ier, à préserver « l’intérêt général de l’ensemble du royaume des Francs ». C’est dans cette ligne que se place le fils d’Henri, Otton* (912-973, roi de Germanie en 936), pour exploiter le prestige que lui vaut sa victoire sur les envahisseurs hongrois à la bataille de Lechfeld en 955. Il intervient d’autre part en Italie pour déjouer les intrigues de Bérenger II, petit-fils de Bérenger Ier de Frioul, et, en 960, le pape Jean XII le sollicite de mettre fin à la tyrannie de Bérenger, dont Otton avait fait un vice-roi pour l’Italie. Au mois d’août 961, profitant du calme qui règne en Germanie, Otton se rend en Italie. Il n’y rencontre aucune résistance, et, après avoir négocié avec Jean XII, il reçoit la couronne impériale le 2 février 962.