Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

saint (suite)

À l’époque des persécutions, il arrive aussi qu’un témoin écrive le récit d’un martyre auquel il avait assisté. C’est par une lettre adressée aux Églises d’Asie qu’on connaît saint Pothin, sainte Blandine et leurs compagnons, mis à mort à Lyon en 177. Ces récits n’ont pas la rigueur des procès-verbaux des greffiers, mais ce sont des documents de premier ordre, qui font connaître à la fois les événements et les réactions des assistants.

Pas plus que les procès-verbaux, les récits des contemporains ne pouvaient satisfaire tout le monde ; certains furent repris et amplifiés, et malheureusement, la plupart du temps, le texte original est perdu. Parce qu’il existe des Passions de martyrs dans lesquelles la critique a pu distinguer un fond authentique et des amplifications légendaires, des historiens optimistes ont espéré retrouver dans toutes les anciennes Passions de martyrs des traces de documents contemporains, mais leurs efforts n’ont pas abouti. Et cela ne doit pas étonner, car on sait que, dans les périodes troublées, bien des héros ont disparu sans autres témoins de leur mort que leurs bourreaux, qui n’ont habituellement aucune envie de consigner des souvenirs précis en l’honneur de leurs victimes.

Quand le pape Damase (366-384) organisa les visites de tombes des martyrs dans les catacombes romaines, il composa des inscriptions où il se contenta d’éloges assez vagues. Le peuple romain avait d’autres exigences : des écrivains se mirent à l’œuvre et composèrent de longues Passions, où ils mirent en scène, avec des martyrs déjà célèbres, d’autres qui l’étaient beaucoup moins et des personnages complètement ignorés, soit qu’ils aient lu leurs noms sur des tombeaux, soit qu’ils les aient simplement inventés. Tous ces récits se ressemblent d’autant plus que le plagiat semblait aux auteurs une garantie de véracité. Les péripéties sont peu variées, les discours interminables et les supplices affreux ; les prodiges qui abondent sont le plus souvent invraisemblables ou même ridicules. Les auteurs ont évidemment voulu exalter leurs héros et la puissance de Dieu, mais aucun n’a réussi à écrire un chef-d’œuvre littéraire. La poésie des vieilles légendes, à laquelle on fait parfois allusion, n’a jamais existé que dans l’imagination de ceux qui ne les ont pas lues, les épisodes vraiment pittoresques ou intéressants sont rares, la mentalité de tels écrivains est fort éloignée de la nôtre. On aurait tort de les prendre tous pour des faussaires : certains ont utilisé des traditions orales, l’état des lieux, des inscriptions, la disposition des tombes, mais, alors qu’ils étaient convaincus qu’ils retrouvaient l’histoire, ils la travestissaient complètement.

Les vies des saints non martyrs peuvent ne pas avoir plus de valeur historique que beaucoup de Passions de martyrs. Là encore, les auteurs pensent glorifier leurs héros en multipliant les prodiges, mettent en scène des personnages au mépris des règles les plus élémentaires de la chronologie, adaptent sans aucun scrupule des anecdotes déjà racontées sur d’autres saints. La critique doit s’exercer sur ces récits, mais sans tomber dans des systèmes qui ne valent pas mieux que les clichés légendaires. Il est arrivé que des légendes de saints aient été écrites pour défendre des intérêts matériels ou pour attirer les pèlerins, mais on a eu tort d’abuser de cette explication : on peut écrire une légende pour soutenir ses intérêts, on peut le faire tout simplement pour glorifier un saint vénéré, pour le plaisir de composer un beau récit, pour présenter ce qu’on croit sincèrement être la vérité, même si on se trompe. Il ne faudrait d’ailleurs pas exagérer la naïveté de nos ancêtres et supposer qu’ils étaient prêts à abandonner leurs droits sous la menace de châtiments divins ou pour imiter des personnages de légende.

Sans être complètement légendaires, beaucoup de vies de saints appellent de sérieuses mises au point, parce qu’elles ont été rédigées dans un milieu fidèle au souvenir du saint, mais en un temps différent.

Dégager l’histoire réelle de l’hagiographie, au sens édifiant du terme, n’est pas seulement très difficile ; cette opération se heurte à ceux qui se posent en défenseurs de la tradition héritée du saint lui-même. On sait quelles difficultés rencontrent les historiens, qui rappellent des épisodes volontairement passés sous silence ou qui publient les écrits authentiques des saints en face d’éditions retouchées ; on leur objecte que l’histoire officielle serait plus proche de la réalité que les documents !

J. D.

J. D.

 H. Delehaye, les Légendes hagiographiques (Vromant, Bruxelles, 1905 ; 3e éd., 1927). / F. G. Holweck, A Biographical Dictionary of the Saints (Londres, 1924). / A. J. Festugière, la Sainteté (P. U. F., 1942). / H. Günter, Psychologie der Legende, Studien zu einer wissenschaftlichen Heiligen-Geschichte (Fribourg, 1949). / R. Aigrain, l’Hagiographie, ses sources, ses méthodes, son histoire (Bloud et Gay, 1953). / A. P. Frutaz, Le Sezione storice della Sacra Congregazione dei Riti, origini e metodo di lavoro (Rome, 1963). / P. Delooz, Sociologie et canonisation (Nijhoff, La Haye, 1969). / J. P. Torrell, Inutile Sainteté ? L’homme dans le miroir de Dieu (Éd. du Centurion, 1971). / P. Pierrard, Dictionnaire des prénoms et des saints (Larousse, 1974).

Saint-Aubin (les)

Famille d’artistes français du xviiie s., originaire du Beauvaisis, région que Germain de Saint-Aubin (1657-1734) quitta pour s’installer brodeur à Paris.


Son fils, Gabriel-Germain (Paris 1696 - id. 1756), brodeur du roi, eut quinze enfants, dont quatre devaient laisser un nom dans les arts.

L’aîné, Charles Germain (Paris 1721 - id. 1786), historiographe de la famille, commença par travailler dans l’atelier de son père. En 1745, il s’établit à son compte et devint, en quelques années, le premier modéliste en broderie de Paris. Il fit preuve d’une imagination inépuisable dans ce domaine, ainsi qu’en témoignent les dessins conservés dans les bibliothèques de l’Institut de France et de l’École nationale des beaux-arts, et le Recueil de chiffres gravé d’après lui par Marillier. En 1770, il écrivit un Mémoire sur l’art du brodeur qui fut publié par l’Académie des sciences dans sa Description des arts et métiers. Les dessins en étaient gravés par son frère Augustin.