Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saba (Umberto) (suite)

Trieste et une femme — Lina, qu’il épousa en 1911 et à la mort de qui il ne survécut que quelques mois —, ce titre de Saba, résume les deux grands amours d’une vie vouée à la fidélité. L’œuvre du poète est également peuplée de tendres figures d’enfants dont on ne sait s’ils sont objet de désir ou de nostalgie. Saba ne quitta jamais Trieste que forcé : pour son service militaire (à Salerne, 1907-08) — d’où naîtront les Versi militari, recueillis plus tard dans le Canzoniere —, pendant la Première Guerre mondiale et à la veille de la Seconde pour fuir (à Paris, à Rome et à Florence) la persécution raciale du régime fasciste. Il dut alors vendre la librairie antiquaire qui l’avait fait vivre jusque-là.

Ses débuts poétiques, plutôt précoces, passèrent inaperçus : Il Mio Primo Libro di poesie (1903, réédité en 1911) ; Il Mio Secondo Libro di versi : coi miei occhi (1912), accueilli avec réticence par le groupe florentin de La Voce, qui l’avait pourtant édité ; Preludio e canzonette (1923) ; Autobiografia (1924) ; I Prigioni (1924). Le mérite de la véritable découverte de Saba revient à la revue florentine Solaria (grâce en particulier aux mémorables articles du meilleur exégète de Saba : Giacomo Debenedetti), qui lui consacra un numéro spécial et publia Preludio e fughe (1928), que suivirent Parole (1934), Ultime Cose (1944), Mediterranee (1947) et Uccelli (1950).

Dès 1921, Saba avait rassemblé ses précédents recueils et ses dernières poésies dans le Canzoniere, successivement augmenté en 1945, et dans l’édition définitive, posthume, de 1961. Dans Storia e cronistoria del Canzoniere (1948), lui-même, en troisième personne, il soumet toute son œuvre, pièce après pièce, au commentaire le plus minutieusement anecdotique, le plus ironique, le plus perspicace et, à juste titre, le plus immodeste (non sans quelque, malicieuse revanche à l’égard du « célèbre philosophe » Benedetto Croce*, qui avait jugé de haut ses premiers poèmes). Les petites proses de Scorciatoie e raccontini (1946), d’autre part, fourmillent de saisissants aphorismes et de portraits d’une extrême vivacité.

L’intelligence critique de ces textes fait écho à l’intelligence aiguë des formes élémentaires de la vie qui illumine les brèves « chansons » de Saba, sans doute plus fascinantes que, par exemple, l’ample et ambitieuse Sixième Fugue, à propos de laquelle la critique a évoque Goethe et Verdi. Il faut, enfin, être reconnaissant à Saba, après des siècles de littérature anthropomorphique sottement acharnée à dénaturer les animaux, d’avoir rendu à l’homme, dans d’inoubliables métaphores, la tendresse dolente des bêtes et rappeler au moins, pour ne citer que les plus célèbres, ses croquis de soldats-chiots, son autoportrait en « chèvre sémite » et la litanie amoureuse qu’il adresse à sa femme-poularde-génisse-chienne-lapine-hirondelle-fourmi-abeille (« Je te retrouve ainsi dans toutes / les femelles de tous / les calmes animaux qui rapprochent de Dieu ; / et dans nulle autre femme » [A mia moglie]).

J.-M. G.

 G. Debenedetti, Saggi critici. Serie prima (Florence, 1929) ; Saggi critici. Nuova serie (Rome, 1945 ; 2e éd., Milan, 1955). / F. Portinari, Umberto Saba (Milan, 1963 ; 2e éd., 1967). / E. Caccia, Lettura e storia di Saba (Milan, 1967). / R. Aymone, Saba e la psicoanalisi (Naples, 1971).

sable et schiste bitumineux

Structures géologiques sableuses ou schisteuses affleurantes ou proches de la surface du sol emprisonnant sous forme solide des hydrocarbures lourds.



Les réserves

Les gisements de sables et de schistes bitumineux constituent à l’échelle mondiale la « grande réserve » de pétrole. Les sables de l’Athabaska, dans le nord-est de l’Alberta*, au Canada, contiennent à eux seuls plus de 100 000 Mt de bitume récupérable, sans compter d’autres vastes gisements, comme ceux du Venezuela ou de Madagascar. Les schistes pétroliers du bassin supérieur du Colorado, aux États-Unis, recèlent, de leur côté, 200 000 Mt d’huile. Sachant que la consommation globale de produits pétroliers est actuellement de l’ordre de 3 000 Mt chaque année, on voit que les seules réserves de sables et de schistes bitumineux de l’Amérique du Nord suffiraient à couvrir nos présents besoins pendant un siècle.


L’exploitation du sable

Une usine expérimentale fonctionne déjà depuis plusieurs années à Fort McMurray (Alberta) pour mettre au point les procédés et en vérifier l’économie réelle.

L’extraction du sable se fait à ciel ouvert par des excavatrices à l’allure de 100 000 t par jour ; les hydrocarbures contenus, plus lourds que ceux que l’on trouve dans le pétrole brut classique, puisque leur densité se situe entre 0,85 et 1,51, sont très visqueux, pâteux et souvent solides à l’état normal ; on commence donc par un lavage du sable à l’eau chaude, ou par un étuvage, pour séparer et récupérer l’huile. Celle dernière est distillée, puis hydrogénée afin d’obtenir un pétrole brut synthétique, analogue au produit naturel, susceptible d’être expédié et traité dans les raffineries ordinaires. La capacité de production est de 7 000 t par jour, avec un prix de revient qui reste sensiblement plus élevé que celui des gisements conventionnels de situation comparable.


L’exploitation du schiste

La récupération de l’huile de schiste, contrairement à celle des sables bitumineux, est une industrie très ancienne, particulièrement mise au point en Écosse entre 1850 et 1860 ainsi qu’en France près d’Autun, récemment abandonnée après avoir résisté pendant plus d’un siècle à la concurrence du pétrole importé.

Le schiste, qui est une roche sédimentaire à structure feuilletée, se laisse assez facilement miner soit à ciel ouvert, soit par excavation souterraine. La calcination du minerai, après concassage et tamisage, se fait dans des cornues à une température pouvant atteindre 500 °C, de manière à libérer la partie volatile des hydrocarbures sous forme de vapeurs, qui, recueillies et condensées, constituent l’huile de schiste. L’opération est favorisée par une injection de vapeur d’eau ; le rendement obtenu est de l’ordre de 10 p. 100 en poids de la quantité de roche traitée ; le résidu restant dans la cornue retient les fractions les plus lourdes du bitume, soit de 6 à 8 p. 100 de carbone. L’huile de schiste est ensuite distillée, comme un pétrole brut, pour donner les produits habituels : essence, kérosène (pétrole lampant), gas-oil, et fuel-oil (mazout). La raffinerie d’Autun produisait ainsi jusqu’à 120 000 t par an de produits convenablement épurés et même d’huiles lubrifiantes.