Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

La Russie a pris des proportions considérables dans la première moitié du xixe s. La Finlande* a été annexée en 1809, la Géorgie à partir de 1801. En 1828, les Russes reçoivent le nord de l’Azerbaïdjan et l’est de l’Arménie. En 1846, le Kazakhstan est rattaché à la Russie, à l’exception de Boukhara, de Khiva et de Kokand. En Extrême-Orient, Sakhaline est occupée à partir des années 50. Ne sachant que faire de l’Alaska*, la Russie le vend aux États-Unis en 1867 pour 7 millions de dollars.


La Russie tsariste gendarme de l’Europe

Pendant le règne de Paul Ier (1796-1801), des émeutes paysannes éclatent dans trente-deux gouvernements : elles sont sauvagement réprimées. Le servage atteint les côtes de la mer Noire et du Caucase du Nord. Comme sa mère, le tsar lutte énergiquement contre toute « contagion française ». L’importation des livres étrangers est interdite.

En politique extérieure, Paul Ier s’efforce de faire jouer un rôle à la Russie en Europe, en particulier dans le bassin méditerranéen, et prend part à la deuxième coalition contre le Directoire*. En 1799, l’amiral Ouchakov libère l’île de Corfou et les îles Ioniennes. L’été de cette même année voit les marins russes à Naples, puis à Rome. Souvorov libère le nord de l’Italie et bat Moreau et Joubert. Mais la deuxième coalition est défaite et Paul Ier se rapproche de la France. Il fait le projet d’envoyer quarante régiments de Cosaques du Don pour une campagne en Inde.

Détesté de tous (la noblesse est mécontente de sa rupture avec l’Angleterre, qui entrave les rapports commerciaux), il est assassiné dans la nuit du 12 mars 1801 à la suite d’une conspiration de nobles. Son fils aîné, Alexandre Ier, a trempé dans le complot.

Alexandre Ier* (1801-1825) déclare gouverner « selon la loi et le cœur de Catherine II ». L’autocratie et le servage cependant demeurent. Un oukase de 1803 permet aux serfs de se libérer en rachetant leur terre ; or le projet ne sera pratiquement pas appliqué. Alexandre Ier forme avec quatre de ses amis un Comité secret. Leurs idées et leurs intentions sont généreuses (ils sont partisans de la libération des serfs), mais elles sont jugées prématurées et inapplicables. Conseillé par Mikhaïl Mikhaïlovitch Speranski (1772-1839), le tsar institue en 1810 un Conseil d’Empire, qui ne restera, cependant, qu’un organe consultatif. Speranski, jugé dangereux pour ses idées avancées, tombe en disgrâce en 1812. Le régime d’Alekseï Andreïevitch Araktcheïev (1769-1834) s’établit dans le pays : la Russie se couvre de colonies militaires, et toutes les idées avancées sont censurées. Pouchkine est exilé, et les meilleurs professeurs sont renvoyés de l’Université. L’intelligentsia prend la direction de l’opposition politique.


La « guerre patriotique »

Les guerres de coalition de 1805, de 1806 et de 1807 contre Napoléon Ier se terminent mal pour la Russie, qui est forcée de signer en juillet 1807 le traité de Tilsit (v. Empire [premier]). Le 12 (24, nouveau style) juin 1812, les troupes françaises traversent le Niémen. Un élan patriotique s’empare du peuple et de la jeune noblesse, qui organisent la lutte. Le 26 août (7 sept.), Mikhaïl Illarionovitch Koutouzov (1745-1813) décide de livrer bataille à Napoléon à Borodino (à 100 km de Moscou), mais il doit reculer. Le 2 (14) septembre, Napoléon est au Kremlin, et Moscou brûle. Koutouzov barre la route de Kalouga à Napoléon, qui est obligé de reprendre la route de Smolensk. L’armée napoléonienne est détruite au passage de la Berezina. La France capitule en 1814.


Le soulèvement des « décabristes »

Les jeunes officiers qui ont parcouru l’Europe avec les armées coalisées souffrent du contraste qui existe entre le prestige militaire de l’Empire russe et l’archaïsme des institutions politiques et sociales. En 1816, l’« Union du salut » est fondée par de jeunes officiers acquis aux idées constitutionnelles. En 1821, la « Société du Sud », créée en Ukraine par le colonel Pavel Ivanovitch Pestel (1793-1826) et, à Saint-Pétersbourg, la « Société du Nord » préparent un coup d’État et établissent des plans pour la transformation du régime social russe. Alexandre Ier meurt le 19 novembre (1er déc.) 1825. Le 14 (26) décembre au matin, 3 000 soldats mutins conduits par les frères Bestoujev se retrouvent sur la place du Sénat, mais leur manœuvre est freinée par les indécisions et les défections. Le peuple prend parti pour les mutins. La situation est critique, et le tsar ordonne de tirer au canon sur la foule. La répression est sévère : cinq décabristes sont exécutés, et plus de cent sont envoyés au bagne en Sibérie. La portée historique du mouvement est très importante. « Les canons de la place Isaak ont réveillé toute une génération », écrit A. I. Herzen.


L’« apogée de l’autocratie »

Cet apogée correspond au règne de Nicolas Ier* (1825-1855). La police et la censure règnent, et la main du tsar est partout. Celui-ci forme le corps des gendarmes et le IIIe département de sa chancellerie personnelle, commandé par le tristement célèbre général Aleksandr Khristoforovitch Benkendorf (1783-1844). Pourtant, les mécontents manifestent (1830-31) à Sébastopol et dans les colonies militaires de Nijni-Novgorod. Des épidémies de peste et de choléra aggravent la situation. Dans les années 20 et 30, un mouvement paysan animé par Oustin Iakimovitch Karmaliouk (1787-1835) s’accompagne d’un élan national en Biélorussie et en Ukraine. En 1841, la Gouoïe géorgienne se révolte et, vers 1845, c’est le tour de villages lettons et estoniens. Une force nouvelle apparaît : de 1826 à 1855, on compte 170 soulèvements ouvriers dans les usines.

Pour calmer le mécontentement, Nicolas Ier prend des demi-mesures : l’oukase de 1842 permet aux paysans de se servir de la terre du seigneur en échange de corvées, mais, sur 10 millions de serfs, 24 000 seulement en bénéficieront. Une commission secrète chargée de réformer l’administration des terres de l’État accroît le système bureaucratique. Enfin, Speranski, revenu au gouvernement, est chargé de réunir les lois en deux ouvrages : le Code des lois et le Recueil complet des lois.