Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

L’activité de Pierre Ier est énorme. D’esprit pratique, l’empereur encourage l’instruction et les sciences ; il envoie des jeunes étudier à l’étranger et crée des écoles pour former des spécialistes. En 1703 paraît le premier imprimé russe, les Vedomosti (Nouvelles). Les sciences se développent. La géographie progresse : en 1697, c’est l’expédition au Kamtchatka ; en 1711, une autre expédition atteint les Kouriles. En janvier 1725, Pierre Ier envoie Vitus Béring (ou Behring) [1681-1741], explorer la Voie maritime du nord. On dresse des cartes, on prospecte des mines. Au mois de janvier 1724, un oukase signé du tsar institue l’Académie des sciences.


Les révolutions de palais

Pierre meurt en janvier 1725 ; les vieilles querelles reprennent, mais la Russie, désormais, ne peut plus être exclue des questions européennes.

Les « révolutions de palais » se succèdent. Catherine Ier, dernière femme de Pierre, devient impératrice (1725-1727) ; A. D. Menchikov gouverne. Sous Pierre II (1727-1730), fils du tsarévitch Alexis, la vieille aristocratie moscovite revient au pouvoir avec les princes Dolgorouki, soutenus par le Haut Conseil secret, créé en 1726. En 1730, Anna Ivanovna, nièce de Pierre Ier, nommée impératrice (1730-1740), dissout le Conseil. Le pouvoir est entre les mains du « parti allemand », c’est-à-dire de l’aristocratie balte. Les régions de la Caspienne retournent à la Perse. La guerre russo-turque de 1735-1739 rend Azov à la Russie à la suite du traité de Belgrade et les terres moldaves à la Turquie. Le seul véritable succès de cette période est la soumission du khān de la Petite Horde des Kazakhs.

La condition du peuple est plus grave que jamais. Les mesures prises par Ernest Jean Biron (1690-1772), favori d’Anna, aggravent la vie de la population ; 12 p. 100 des soldats désertent, les jacqueries éclatent dans le Sud et le Sud-Est, et la noblesse écartée du pouvoir murmure. En octobre 1740, Anna meurt.

Le 25 novembre 1741, une révolution de palais met sur le trône Élisabeth Petrovna (1741-1762), fille de Pierre Ier. La nouvelle impératrice rétablit le Sénat dans ses attributions, l’armée revient au statut de 1716, et la marine est restaurée. Les paysans seigneuriaux n’appartiennent plus à l’État, mais à leurs maîtres. Le servage s’aggrave.


Le développement économique

L’économie nationale russe se renforce, et la spécialisation des régions s’accentue. Dans le Centre, on adopte l’assolement triennal. La grande industrie est stimulée par la mise en valeur du sous-sol bachkir (sud de l’Oural). Vers 1750, la production des usines privées est deux fois et demie supérieure à celle des usines d’État. À partir de 1744, les patrons s’approprient de la main-d’œuvre en achetant des villages entiers. En 1754, trente-cinq ans avant la France et cent ans avant l’Allemagne, les droits de douane intérieurs sont supprimés. La Banque nationale de prêt, fondée en 1754, accorde des crédits aux nobles et aux marchands.

L’École d’officiers de l’armée de terre est créée en 1732, et l’École des cadets de la marine en 1752. Leur accès est réservé à la noblesse. En 1755, l’université de Moscou est fondée par M. V. Lomonossov*. Les cours ont lieu en russe à partir de 1767.


Pierre III

Élisabeth désigne comme successeur son cousin, le duc de Holstein-Gottorp, le futur Pierre III. Borné, fantasque, ayant un grand mépris pour les Russes, celui-ci admire le roi de Prusse Frédéric II*.

En 1756 commence la guerre de Sept* Ans. L’Autriche, la France, la Russie, la Suède et la Saxe sont opposées à la Prusse, soutenue par l’Angleterre. En 1758, les Russes infligent plusieurs défaites à la Prusse. Le 1er août 1759 (12 août, nouveau style), Frédéric II est vaincu à Kunersdorf par les Russes et les Autrichiens. En 1760, les Russes arrivent à Berlin. Mais, le 25 décembre 1761 (5 janv. 1762, nouveau style), Élisabeth meurt, et Pierre III se retourne contre ses alliés de la veille. Un traité rend à Frédéric tous les territoires conquis par les Russes. Le mécontentement est général ; les frères Orlov préparent un complot des officiers de la garde, qui amène Catherine II*, femme de Pierre III, sur le trône le 28 juin 1762. Pierre III est assassiné peu après.


Les transformations de la seconde moitié du xviiie siècle

Dans la seconde moitié du xviiie s., le visage de la Russie se modifie. Si le pays reste agricole, les usines emploient une grande quantité de main-d’œuvre venue de la campagne. La population des villes augmente, et la séparation entre le travail agricole et le travail industriel s’accentue. La vie des paysans est aggravée par les corvées de trois, de quatre, voire de cinq jours par semaine (suivant les régions) et par l’augmentation des redevances en argent. L’industrie du coton, de la toile (région de Moscou, Kostroma, Iaroslavl) et de la soie ainsi que la métallurgie se développent. En 1804, on compte 1 200 grandes manufactures, contre 663 en 1767.

Le gouvernement ne néglige pas l’exploitation agricole seigneuriale. Sous Catherine II (1762-1796), 850 000 paysans sont « distribués » aux propriétaires fonciers. Un oukase de 1783 rend définitif le servage dans l’Ukraine de la rive gauche du Dniepr ; l’oukase de 1765 donne aux propriétaires le droit d’envoyer leurs serfs au bagne ; un autre de 1767 interdit aux serfs de porter plainte contre leur maître. En 1786, une banque est fondée pour accorder des crédits aux nobles. Les transactions commerciales sont favorisées.

L’appareil d’État ne change guère, et la haute noblesse détient les principaux postes. Quelques idées progressistes de Catherine (elle correspondait avec Voltaire et Diderot) n’auront pas de suite. La guerre russo-turque de 1768 sert de prétexte pour arrêter toute réforme, et les serfs, qui forment la moitié de la population du pays, continuent à connaître un sort très pénible.