Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Russie (suite)

À la fin du xvie s. et au début du xviie, la nouvelle noblesse accapare le monopole de la propriété foncière, les terres octroyées devenant des biens héréditaires. On assiste à une nouvelle aggravation du servage. La noblesse récente accroît son pouvoir politique en évinçant les boyards et les princes de vieille souche dans l’Administration et l’armée. En 1682, le droit de préséance est aboli : le mérite prédomine sur le rang.

Dans les villes et leurs faubourgs, l’aggravation des antagonismes sociaux provoque des remous. La décision d’imposer la gabelle (triplement du prix du sel) prise par Morozov est tellement impopulaire que le gouvernement recule. Les révoltes éclatent en chaîne en 1648 à Moscou (B. I. Morozov est écarté du pouvoir), à Veliki Oustioug, à Tcherdyne, à Kozlov, à Voronej et à Koursk. Le Zemski Sobor est convoqué en 1649 afin d’établir un nouveau Code. Sur 340 sièges, 153 reviennent à la noblesse récente. Les pouvoirs des délégués sont non seulement sauvegardés, mais renforcés. La personne du tsar devient pratiquement inviolable. Le servage atteint sa forme définitive : les paysans sont définitivement attachés à la terre. Loin d’apaiser le peuple, ces mesures déclenchent les insurrections de Pskov et de Novgorod (févr.-mars 1650). Elles sont matées par le gouvernement, qui a besoin d’avoir les mains libres pour parachever la réunion de la Biélorussie et de l’Ukraine à la Russie.


Les guerres avec la Pologne

Une première tentative (1632-1634) pour reprendre Smolensk n’aboutit qu’au traité de Polianovka (1634). Ladislas IV, roi de Pologne, ne restitue que Sierpc et sa région, mais renonce à ses prétentions sur le trône de Russie. La guerre russo-polonaise de 1654-1667 rend aux Russes Smolensk et l’Ukraine de la rive gauche du Dniepr, avec Kiev. Cette victoire s’explique surtout par l’hostilité du peuple aux propriétaires polonais, aggravée par l’oppression religieuse en Ukraine. Les paysans en fuite constituent dans l’île de Khortitsa la setch des Zaporogues et, sous la conduite de leur hetman Bogdan Khmelnitski (1595-1657), mènent depuis 1648 leur propre lutte de libération contre les Polonais. En même temps, des pourparlers s’engagent à Moscou. En 1653, le Zemski Sobor accepte les propositions de Khmelnitski, intègre l’Ukraine à la Russie et déclare la guerre à la Pologne. Le 8 janvier 1654, l’Ukraine reconnaît la suzeraineté de la Russie, qui lui accorde une certaine autonomie.

De 1654 à 1667, une guerre épuisante avec la Pologne est encore compliquée par l’intervention de la Suède. En 1667, les deux pays, ayant fait la paix séparément avec la Suède, concluent la trêve d’Androussovo pour treize ans et demi. La Russie garde Smolensk et l’Ukraine de la rive gauche du Dniepr avec Kiev, mais l’Ukraine de la rive droite et la Biélorussie restent à la Rzeczpospolita. En 1661, le traité de Kardis garantit à la Suède le littoral russe du golfe de Finlande. En 1686, la « Paix éternelle » entre la Russie et la Pologne confirme la trêve de 1667.


Stenka Razine

Le pays est épuisé et le peuple, accablé d’impôts, se soulève. L’une des plus sanglantes révoltes a lieu à Moscou le 25 juillet 1662. Les paysans, en dépit des châtiments, fuient en masse vers le bassin du Don (de 1663 à 1667, dans la région de Riazan, 8 000 serfs seront ramenés de force), où se constitue une organisation militaire dite « Troupe du Don ». Stepan Timofeïevitch, dit Stenka Razine (v. 1630-1671), prend la tête des « va-nu-pieds » et des mécontents en 1667. Il soulève toute la région de la Volga et l’est de l’Ukraine. Mais les troupes gouvernementales sous la direction du prince Iouri Nikititch Bariatinski l’emportent sur les forces paysannes et sur les Cosaques*. Razine est exécuté le 6 juin 1671. La repression sera terrible.


La monarchie absolue dans la première moitié du xviiie siècle


Pierre Ier le Grand

Pierre Ier (1682-1725) consacre tout son règne aux réformes en vue de la consolidation intérieure et extérieure de l’État. Au début de son règne, en 1682, ont lieu le soulèvement des streltsy, provoqué par les Miloslavski (parents de la première femme d’Alexis) et sa demi-sœur aînée, Sophie, ainsi que le partage du trône entre Pierre et Ivan V (fils du premier lit d’Alexis). Pierre et sa mère s’exilent au village de Preobrajenskoïe. Là s’organisent les deux futurs régiments de Pierre, qui prendront le nom de Preobrajenski et de Semenovski, et qui mettront en échec la princesse Sophie et son gouvernement. Tous les partisans des Narychkine (parents de la seconde femme d’Alexis, dont Pierre est le fils) se groupent autour de lui. Pierre, passionné et curieux, complète son instruction. De sa retraite à Preobrajenskoïe date son amitié avec Aleksandr Danilovitch Menchikov (1672-1729) et les habitants du quartier étranger, dont François Lefort et Patrick Gordon.

Deux campagnes désastreuses du favori de Sophie, le prince Vassili Vassilievitch Galitzine (ou Golitsyn, 1643-1714), contre les Tatars de Crimée en 1687 et en 1689 ont tempéré l’aide de ses partisans. Le 8 août 1689, Sophie tente, mais en vain, un nouveau coup de force contre Pierre et capitule le 7 septembre. Narychkine, au pouvoir, centralise et bureaucratise l’appareil d’État. Les réformes de 1699 renforcent la monarchie absolue. En politique extérieure, le plus urgent est de veiller aux attaques des Tatars de Crimée contre les frontières méridionales. Pierre, dont l’obsession est d’avoir une fenêtre sur la mer, entreprend à Voronej la mise en chantier d’une flotte : c’est celle-ci qui prendra Azov en 1695-96. Le tsar cherche à rétablir la « Sainte Ligue » antiturque avec la Pologne, l’Autriche et Venise. Les conditions politiques n’y sont pas favorables (menaces de guerre dues à la succession d’Espagne). Pierre voyage en Hollande, en Angleterre et en Autriche ; en 1698, il rencontre à Rawa-Ruska (Rava-Rousskaïa) l’Électeur de Saxe, Auguste II, roi de Pologne, et y discute d’une lutte commune contre la Suède. De retour à Moscou, conquis par l’Europe, il veut transformer la Russie. Des oukases interdisent le port de la barbe et des vêtements russes à la mode ancienne. Le tsar crée une armée permanente et une marine. En 1721, il institue le collège dit « Saint-Synode ».