Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Ruhr (la)

En allem. Ruhrgebiet, région de l’Allemagne fédérale (Rhénanie-du-Nord-Westphalie).


La région tire son nom de la petite rivière Ruhr (affluent de droite du Rhin), qui coule au pied du Massif schisteux rhénan et qui traverse une zone où les couches de houille affleurent en partie. À partir du xixe s. le nom s’appliqua à une région de plus en plus étendue, au fur et à mesure que l’extraction de la houille progressait vers le nord. Il est donc assez difficile de délimiter exactement la Ruhr. La localisation couramment retenue est celle qui découle des limites de l’organisme d’aménagement : Siedlungsverband Ruhrkohlenbezirk (S. R., ou Ruhrsiedlungsverband), dont le siège est à Essen. Le S. R. comprend dix-huit arrondissements urbains et six arrondissements ruraux. Il déborde sur la rive gauche du Rhin (région de Moers et de Geldern). Ainsi délimitée, la Ruhr couvre 4 590 km2 (moins qu’un département français) avec une population de 5,8 millions d’habitants, soit une densité de 1 245 habitants au kilomètre carré. En 1850, cette zone ne comptait que 0,4 million d’habitants. En réalité, il devient de plus en plus difficile de séparer la Ruhr proprement dite des régions voisines de Düsseldorf*, de Cologne*, de Wuppertal, de Mönchengladbach, voire de la zone d’Aix-la-Chapelle*. Les imbrications économiques, financières, humaines, culturelles sont telles que l’expression « Ruhr » devient un concept dynamique et envahissant.


La houille et l’acier furent les piliers de la Ruhr

Selon son acception classique, le bassin de la Ruhr s’étend sur 110 km d’est en ouest, de Dortmund jusqu’à Moers, et sur 30 km du sud au nord, de Mülheim à Recklinghausen. Dans cette zone, les villes de plus de 100 000 habitants regroupent 3,5 millions de personnes. On se trouve ici au cœur du pays houiller. L’ensemble des couches de charbon représente, selon les endroits, de 55 à 80 veines, totalisant jusqu’à 80 m d’épaisseur. En 1927, les réserves ont été évaluées à 188 milliards de tonnes. En réalité, le charbon est encore plus abondant, puisqu’on le retrouve à une profondeur de 2 800 m. Les conditions économiques obligent, toutefois, d’arrêter l’extraction à une profondeur de 1 200 m. Il s’y ajoute l’augmentation de la température, qui est de 3 °C par tranche de 100 m. Les couches plongent vers le nord. Elles sont accidentées de failles, ce qui rend l’exploitation souvent délicate. L’intérêt du gisement vient de l’abondance et surtout de la grande variété des charbons : les qualités vont de la houille grasse à l’anthracite, en passant par les fines à coke. C’est cette dernière particularité qui explique l’installation précoce d’une puissante sidérurgie sur le bassin houiller. L’extraction commença au sud. Elle se fit par des galeries creusées à flanc de coteau. En 1800, la production s’élevait à 0,17 Mt. L’extraction ne devait cesser de progresser vers le nord à la suite de l’épuisement des gisements méridionaux. Ainsi, l’axe houiller Essen-Bochum-Dortmund a vu l’extraction progressivement abandonnée, nécessitant une précoce reconversion. À l’heure actuelle, les sièges les plus importants se situent entre Emscher et Lippe, à Oberhausen, à Gelsenkirchen, à Recklinghausen, à Lünen. La limite des zones concédées s’arrêtait au parallèle d’Essen-Bochum en 1850. En 1937, cette limite débordait au nord la rivière Lippe, s’arrêtant à une dizaine de kilomètres au sud de Münster, en Westphalie. Elle a aussi gagné les arrondissements de Geldern et de Moers, à l’ouest du Rhin, montrant combien le dynamisme industriel de la Ruhr déborde la région primitive.

La crise charbonnière n’a pas épargné la Ruhr. L’arrivée du pétrole et du gaz de Groningue au cœur du pays minier a accentué les difficultés. De 1958 à 1972, on a fermé 68 puits, représentant une production, l’année précédant la fermeture, de 41 Mt ; 92 400 emplois ont été ainsi supprimés. Avec les mesures de restructuration qui ont touché l’ensemble des houillères de la Ruhr, les effectifs globaux de ces dernières sont tombés de 388 000 salariés en 1961 à 186 000 en 1972.

Ce sont les effectifs du fond qui ont été les plus touchés ; entre les deux dates précitées, ils sont passés de 231 000 à 103 000 salariés. Le problème a été d’une grande acuité entre 1965 et 1971. Les villes et les zones où l’extraction du charbon était l’activité dominante, voire exclusive, ont été durement touchées. Mais un programme de reconversion, mis au point par le Land Rhénanie-du-Nord-Westphalie et l’État fédéral, devait rapidement amener une amélioration de la situation. La Ruhr n’était pas à sa première reconversion. Dès la fin du xixe s., il avait fallu introduire des industries nouvelles dans les districts du sud. Les grands konzerns s’y étaient employés d’ailleurs eux-mêmes. La crise a amené un regroupement de presque tous les producteurs de houille dans une nouvelle société créée en 1968, la Ruhrkohle AG, qui contrôle 90 p. 100 de l’extraction. La situation financière de cette société n’est pas brillante et nécessite une aide du gouvernement fédéral. Malgré la régression de l’extraction, la Ruhr reste de loin la première région productrice de la République fédérale d’Allemagne. Pour l’actuel territoire de cette dernière, l’extraction s’était élevée à 151 Mt en 1938, dont 127 Mt pour la Ruhr. En 1971, la Ruhr a encore fourni 90 Mt sur un total national de 110 Mt. La crise mondiale des produits énergétiques fera que les autorités ne laisseront pas tomber trop bas, pour des raisons de sécurité nationale, l’extraction de ce bassin. Cela est aussi lié en partie aux besoins en coke de la sidérurgie allemande. Il est d’ailleurs significatif que la production de coke a moins reculé que l’extraction du charbon. En effet, la Ruhr a produit 34,5 Mt de coke en 1938 et 30 Mt en 1971. Les rendements ont progressé d’une manière considérable. La moyenne d’extraction (fond et jour) par ouvrier et par jour s’est élevée de 1 702 kg en 1957 à 3 748 kg en 1972.