Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

Les agents du rayonnement

Cette politique d’indépendance, liée à une alliance étroite avec la Yougoslavie, suppose une force morale peu commune de la part des dirigeants et requiert l’adhésion du peuple roumain. Elle a pour effet d’ouvrir le pays aux influences culturelles occidentales et admet un endettement à l’égard des devises occidentales (comme la Yougoslavie), ou un effort accru en vue de s’en procurer. La Roumanie exporte des bois, des produits chimiques et a créé des agences internationales de commerce aux noms expressifs : Azoexport, Color, Romenergo. Elle multiplie les contacts et les colloques. La foire de Bucarest a été ouverte pour la première fois en 1970 et fut fréquentée par quatre-vingts firmes étrangères, la majorité venant de l’Europe occidentale. La Roumanie participe à plus de cinquante foires et expositions sur tous les continents. Mais elle a d’autres sources de revenus.

La voie danubienne, longtemps léthargique, s’est animée. Le Danube roumain a une longueur de plus de 1 000 km. Or, le tonnage transporté n’atteint pas encore les 5 Mt, et 15 p. 100 du trafic sont d’intérêt international. La flotte roumaine ne vient, sans doute, qu’au cinquième rang des flottes danubiennes. Le trafic des ports traditionnels, tels que Turnu Severin, Giurgiu, Brăila, exprime les tendances d’une économie archaïque (bois, céréales, matériaux de construction). Or, la situation change rapidement. Le port de mer de Sulina, ensablé, doit être libéré par le creusement d’un nouveau chenal. Le bras de Sulina est parfaitement entretenu. Tulcea ajoutera à son combinat de poissons une usine d’aluminium. Galaţi reçoit déjà des cargos internationaux chargés de minerais de fer. Turnu Măgurele a vu son trafic passer de moins de 0,5 en 1970 à 2,5 Mt en 1975. Le barrage des Portes de Fer a porté le tirant d’eau des navires à 3 m, supprimé le fameux canal latéral de Şip et admis, jusqu’à Belgrade au moins, des cargos de port en lourd de 5 000 t. Le tonnage, donc les redevances doivent s’accroître sensiblement au cours du plan 1971-1975.

Constanţa, port de mer somnolent, devient importateur de minerais et recevra aussi du pétrole. La marine roumaine ne franchissait guère les limites de la mer Noire ; elle prend place en Méditerranée et dans l’Atlantique ; le port en lourd de ses navires, construits dans les chantiers nationaux ou achetés à l’étranger, a dû passer d’un peu plus d’un demi-million de tonnes en 1970 à 1,36 Mt en 1975. Constanţa est agrandi par le creusement de nouveaux bassins. Son propre chantier naval pourra lancer des minéraliers de 150 000 t. Les lignes régulières en direction de l’Europe atlantique s’accroissent. Les chalutiers fréquentent les parages lointains. D’ores et déjà, plus du tiers du trafic est assuré sur le bras de Sulina par des navires battant pavillon étranger. Le trafic de Galaţi doit dépasser 5 Mt. Constanţa a dépassé pour la première fois 12 Mt en 1970.

Le tourisme représente une ressource encore insuffisamment exploitée. Les effectifs restent au niveau de la Bulgarie (de 2 à 3 millions d’étrangers, de 4 à 5 millions attendus en 1975), et le revenu net ne s’est élevé qu’à 60 millions de dollars en 1970. La part des touristes occidentaux, porteurs de devises fortes, au premier rang desquels se placent les Allemands, ne représente pas le tiers du total. Mais le développement de Mamaia, station internationale, le glissement, au sud de Constanţa, des grands ensembles accroissent la capacité. À l’imitation de la Hongrie et de la Bulgarie, c’est la chaîne américaine Intercontinental qui a construit à Bucarest un hôtel de prestige. Le petit aéroport de Constanţa exploite désormais des lignes directes avec l’étranger. L’Office national de tourisme, O. N. T. Carpaţi, ouvre des succursales dans les pays occidentaux. La montagne doit être aménagée (Argeş, Făgăraş) ; les stations thermales et les monastères du nord de la Moldavie peuvent recevoir des proportions plus fortes d’étrangers grâce à une bonne publicité. Il existe des possibilités de croisière sur le Danube au départ de l’Autriche. Les villes-relais de province peuvent accueillir un nombre plus élevé de touristes.

Ce rajeunissement d’une économie paysanne a été marqué en 1970 et en 1971 par des initiatives spectaculaires : inauguration du nouvel aéroport d’Otopeni, près de Bucarest, d’une capacité de plus d’un million de voyageurs par an ; entrée en fonction du Djerdap et des laminoirs de Galaţi. Le plan 1971-1975 peut apparaître ambitieux ; il prévoyait : une production de plus de 10 Mt d’acier en 1975, un rythme de croissance industrielle de l’ordre de 9 p. 100 par an, le doublement ou le triplement de la production de matériel électronique, de fibres et de caoutchouc synthétique, d’engrais, le triplement de l’aluminium, sans que, pour autant, soient modifiées les orientations profondes de la planification, qui attribue encore les trois quarts des investissements à l’énergie, à la chimie et à la mécanique ; le développement de la construction avec près de 100 000 appartements urbains chaque année ; l’augmentation de la production agricole de plusieurs points par an. Les biens de consommation seront prioritaires : la Roumanie doit cesser d’être le pays du Comecon le moins « motorisé » grâce à une production variée d’automobiles qui devrait dépasser les 50 000 unités par an.

On assiste donc depuis 1960 à une véritable renaissance d’un pays européen moyen par sa taille et resté dans l’ombre depuis 1945, à une expansion accélérée de toutes les branches d’une économie moderne depuis 1970. Ce n’est pas le moindre paradoxe d’un État qui a su compenser les désavantages de sa position géographique.

A. B.

➙ Bucarest / Comecon / Danube / Dobroudja.

 V. Cucu et A. Roşu, Bibliographie géographique de la Roumanie, 1944-1964 (en roumain, Bucarest, 1964). / T. Morariu, V. Cucu et I. Velcea, Géographie de la Roumanie (Bucarest, 1966). / N. A. Rădulescu, I. Velcea et N. Petrescu, Géographie agricole de la Roumanie (en roumain, Bucarest, 1968). / V. Mihailescu, Géographie physique de la Roumanie (en roumain, résumé en fr., Bucarest, 1969). / La Roumanie économique et culturelle (Droz, Genève, 1970). / M. Louyot, Roumanie (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1973). / A. Blanc, la Roumanie. Le fait national dans une économie socialiste (Bordas, 1974). / I. Ratin, la Roumanie d’aujourd’hui (Grassin, 1975).