Roosevelt (Franklin Delano) (suite)
F. D. Roosevelt n’a pas manqué d’ennemis : les républicains, qui défendent alors les intérêts des conservateurs, les fascistes de tous horizons, la Cour suprême jusqu’en 1937, la minorité de l’extrême gauche, tous ont souligné l’incohérence de sa politique, tous ont rappelé qu’en 1939 les États-Unis comptaient encore 9 500 000 chômeurs, que le produit national brut n’avait pas, en prix courants et malgré la dévaluation de 1934, retrouvé le niveau de 1929. C’est la production de guerre qui tirera les États-Unis du gouffre où la crise les avait plongés. Mais F. D. Roosevelt a fourni à son pays les moyens politiques et économiques, la confiance nécessaire pour affronter le conflit mondial et en tirer les plus grands profits.
Longtemps, en effet, l’opinion américaine s’est désintéressée des événements d’Europe — un peu moins de la situation en Extrême-Orient. Bien plus, elle a approuvé les précautions qui ont été prises de 1935 à 1937 pour éviter que le pays ne soit entraîné dans une nouvelle guerre. L’isolationnisme est alors triomphant. Roosevelt lui-même ne peut que se plier à la volonté de ses concitoyens. Mais, dès 1937, il manifeste son inquiétude : son discours d’octobre recommande de mettre en quarantaine les agresseurs ; la marine reçoit du renfort, l’armée ne compte en 1939 que 200 000 hommes. Le président suggère une conférence mondiale sur la limitation des armements ; sa voix n’est pas entendue ; il ne dispose pas des forces suffisantes pour empêcher l’Allemagne de déclencher la guerre. De 1939 à 1941, son rôle devient plus actif : F. D. Roosevelt ne cache pas ses sympathies pour les démocraties occidentales ; après la défaite de la France, il franchit un nouveau pas : l’Amérique prend des mesures de défense, consent à échanger de vieux destroyers contre des bases dans les territoires britanniques du Nouveau Monde, assume dès décembre 1940 le rôle de « grand arsenal de la démocratie ». En mars 1941, le Congrès adopte le prêt-bail (Lend-Lease Act), une idée de Roosevelt, qui permet aux États-Unis de fournir gratuitement de l’aide aux Britanniques, puis aux Soviétiques, aux Chinois, aux Français libres. Un programme de mobilisation économique est mis sur pied. En août 1941, Roosevelt rencontre Churchill*, et les deux hommes énumèrent les buts de guerre de leur pays dans la charte de l’Atlantique. Lorsque les Japonais attaquent la base de Pearl Harbor en décembre, les Américains sont prêts, grâce à leur président, à s’engager activement dans la guerre.
Avec les méthodes qu’il a expérimentées au cours de New Deal, F. D. Roosevelt organise la mobilisation humaine et économique des États-Unis, lutte contre l’inflation, s’efforce de répartir équitablement les charges de la guerre. Chef d’une vaste coalition, ses décisions touchent à tous les problèmes mondiaux. Mais il se préoccupe surtout de mettre au point la meilleure formule de sécurité collective : après quelques hésitations, il accepte en 1943 l’idée d’une Organisation des Nations unies (O. N. U.). À vrai dire, il croit en même temps à la nécessaire coopération entre les grandes puissances de la future après-guerre (les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’U. R. S. S., la Chine) ; le rôle des États-Unis serait décisif pour la sauvegarde de la justice et de la liberté dans le monde. Peut-être a-t-il surestimé l’importance du contact entre les grands chefs : à Téhéran et à Yalta, il s’est aperçu que Staline, « l’oncle Joe », ne cédait pas au charme du président des États-Unis. À sa mort, qui survient, au début de son quatrième mandat, le 12 avril 1945, Roosevelt laisse à son pays un atout considérable : la plus grande puissance économique de la planète, et une mission redoutable : assurer la défense de la démocratie dans un monde où s’annonce déjà la guerre froide.
A. K.
➙ Démocrate (parti) / États-Unis / Guerre mondiale (Seconde).
F. Freidel, Franklin D. Roosevelt (Boston, 1952-1956 ; 3 vol.). / A. M. Schlesinger, The Age of Roosevelt (Boston, 1957-1961, 3 vol., trad. fr. l’Ère de Roosevelt, Denoël, 1971 ; 2 vol.). / D. Artaud, le New Deal (A. Colin, 1969). / J. M. Burns, Roosevelt, the Soldier of Freedom, 1940-1945 (New York, 1970).