Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Roosevelt (Franklin Delano)

Homme d’État américain (Hyde Park, État de New York, 1882 - Warm Springs 1945).



Avant la présidence

Son père était un gentilhomme campagnard, administrateur de plusieurs sociétés ; sa mère appartenait à une famille riche qui possédait des mines et une flotte de navires. Le jeune Franklin reçoit le meilleur enseignement de l’époque : à Groton, puis à Harvard, enfin à Columbia, où il acquiert son diplôme d’avocat. Mais ce n’est pas un élève brillant : il sait se faire apprécier de ses camarades, ses activités sont moins intellectuelles que sociales ; ses goûts le portent vers les bateaux et les chevaux, beaucoup plus que vers la jurisprudence. En 1905, il épouse une lointaine cousine, Anna Eleanor (1884-1962), qui est la nièce du président Theodore Roosevelt*. Pendant quelque temps, il travaille dans un cabinet d’affaires de New York ; puis, en 1910, le parti démocrate* lui demande de se présenter aux élections sénatoriales de l’État de New York : son nom, sa fortune, son dynamisme devraient faire merveille dans une région qui traditionnellement vote républicain. Au terme d’une campagne menée en automobile, il est élu. Son inclination le pousse du côté des progressistes, et, lorsque T. W. Wilson* se présente aux élections présidentielles de 1912, F. D. Roosevelt ne lui marchande ni son aide ni son appui. Il en est récompensé : le nouveau président fait de lui son secrétaire adjoint à la Marine ; c’est un poste où le brillant jeune homme peut unir son goût de la politique à sa passion pour les bateaux. Il exerce ses fonctions jusqu’en 1921 ; c’est dire qu’il a l’occasion de vivre, à un niveau élevé, des événements de grande importance : les multiples interventions militaires de son pays aux Antilles, la préparation et la participation à la Grande Guerre, les vains efforts de Wilson pour faire ratifier le traité de paix et le pacte de la Société des Nations. F. D. Roosevelt est un fidèle partisan de son président, le défenseur inébranlable d’une puissante marine, un personnage qui ne manque pas d’idées originales (il recommande avec vigueur en 1917 de lutter contre les sous-marins allemands par une attaque de leurs bases), mais sa jeunesse, ses airs de dandy lui donnent une audience limitée. Quoi qu’il en soit, la convention du parti en 1920 le désigne comme candidat à la vice-présidence ; les démocrates n’ont aucune chance de gagner les élections, mais F. D. Roosevelt se fait mieux connaître dans le pays.

L’arrivée des républicains au pouvoir le ramène à la vie privée. Au cours de l’été de 1921, il est frappé par la poliomyélite et lutte contre la maladie pendant plusieurs semaines. Il recouvre partiellement l’usage de ses jambes. Sa vie politique est gravement compromise ; il pourrait même y renoncer ; sa fortune, l’exemple de son père, les encouragements de sa mère l’incitent à mener la vie tranquille du gentilhomme campagnard. Mais, sous l’influence d’Eleanor, il réagit différemment : son caractère devient plus ferme ; il prend le goût de l’effort ; ses lectures se font plus nombreuses ; la vie politique est un excellent dérivatif à son infirmité. À demi paralysé, il manifeste une indomptable énergie, un allant qui surprend son entourage et bientôt le pays, une gaieté et une santé morale à toute épreuve. Paradoxalement, il incarne l’optimisme. Et, dès 1924, il reparaît dans les assemblées du parti. En 1928, il brigue le poste de gouverneur de l’État de New York et est élu ; il sera réélu en 1930. C’est à ce poste que F. D. Roosevelt fait l’expérience des effets de la crise : comme le plus grand nombre de ses concitoyens, il a été surpris par l’ampleur du marasme. Mais, avec l’aide de Frances Perkins (1882-1965) et de Harry Lloyd Hopkins (1890-1946) — qui joueront un rôle primordial de 1933 à 1945 —, il met au point les premières mesures de secours, notamment la Temporary Emergency Relief Administration, qui dispose d’un budget de 60 millions et vient en aide à un million de chômeurs. Ses fonctions politiques, sa volonté de combattre la crise ont grandi son influence. En 1932, le parti démocrate, qui a surmonté ses divisions, a le vent en poupe : le président Herbert C. Hoover, qui ne manque ni de talents ni d’intelligence, a déçu et ne parvient pas à redonner confiance.


Le président

La convention démocrate, réunie à Chicago en juillet, désigne F. D. Roosevelt comme le candidat du parti à la présidence. Immédiatement, contrairement aux usages, F. D. Roosevelt se rend en avion devant les délégués pour accepter leur investiture. Sa campagne, il la mène tambour battant. Lui, l’infirme, il ne cesse de se déplacer d’un État à l’autre et, par son sourire, sa cordialité, son goût de la vie, remonte le moral de ses concitoyens. Pour lutter contre la crise, il annonce une « nouvelle donne » (New Deal), qui ne comporte aucun programme précis. Ce qu’affirme Roosevelt, c’est que le temps de l’individualisme est passé : « L’heure est venue de faire appel à un gouvernement éclairé. » Les obscurités n’en demeurent pas moins : le gouvernement fédéral devra-t-il dépenser ou économiser ? Contrôlera-t-il la vie économique, et jusqu’à quel point ? Faut-il maintenir une monnaie solide ou donner libre cours aux tendances inflationnistes ? Qui, des États ou de l’Union, viendra au secours des chômeurs ? L’équivoque n’épargne pas davantage le programme de politique extérieure : F. D. Roosevelt a pris parti, sous la pression de son aile droite, contre l’entrée des États-Unis dans la S. D. N. Mais il sait se faire entendre des Américains ; il a le génie des formules ; il exprime de grandes idées avec des phrases simples ; il « sent » ce que la majorité attend de lui. Aussi son succès électoral est-il net : il obtient près de 23 millions de voix et 472 mandats électoraux, contre 15 millions de voix et 59 mandats pour Hoover ; le candidat socialiste arrive en troisième position avec 900 000 suffrages.

Les États-Unis de mars 1933 sont au plus bas : 13 millions de chômeurs, les banques fermées, l’agriculture en pleine crise ; le produit national brut est passé de 104,4 milliards en 1929 à 74 milliards. La tâche du nouveau président est lourde. Il commence par redonner confiance : « La seule chose que nous ayons à craindre, déclare-t-il dans son discours inaugural, c’est la crainte elle-même, cette terreur sans nom et sans fondements, sans justification, qui paralyse les efforts nécessaires pour transformer une retraite en progression. » Des mesures d’urgence s’imposent, que l’on classe pour plus de commodité en deux groupes : le premier New Deal (1933-34) et le deuxième New Deal (1935-1938). Quelques caractéristiques s’en dégagent, qui permettent d’éclairer la personnalité et la politique de F. D. Roosevelt.