Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

romantisme (suite)

Avec l’Italie apparaît nettement le romantisme national : loin de refuser l’héritage national, et donc classique, les romantiques italiens vont le revendiquer comme un élément de lutte contre l’occupant autrichien. Ainsi, plus nettement qu’ailleurs, s’affirme dans la péninsule l’unité littéraire, de l’Antiquité (Virgile) aux temps modernes, en passant par le Moyen Âge (Dante). Le romantisme italien est d’ailleurs en concordance avec le Risorgimento* politique, si bien que nombre d’œuvres (Mes prisons de S. Pellico, les Fiancés de Manzoni*) répondent au triple engagement du mouvement latin : « L’utile pour but, le vrai pour sujet, et l’intéressant pour moyen. »


Le romantisme : transition ou fin ?

Le déferlement romantique de la Scandinavie (où il sert à l’élaboration des langues nationales et au resurgissement des mythologies antiques) à la péninsule Ibérique (où le romantisme réalise un curieux équilibre des contraires : horrible/beau, joie/douleur, prière/blasphème...), de l’Angleterre en Slavonie (pays dans lesquels le romantisme est le fer de lance des minorités nationales) impose de réfléchir sur le rôle même du mouvement : il est certain qu’avec le romantisme s’est ouverte la littérature moderne, à la fois écriture de stabilisation et mouvement en perpétuel bouillonnement. Tous les grands courants contemporains peuvent y puiser une raison d’exister comme rupture d’un ordre ancien, comme lecture de l’indéchiffrable et de la sur-réalité, comme aspiration à briser les frontières de l’impossible. L’essentiel du romantisme est plus dans un esprit, que peu parmi ceux que l’on appelle romantiques sont parvenus à saisir, que dans une plasticité externe, à laquelle on tente trop souvent de le réduire.

D. C.

➙ Drame / Fantastique (le) / Journal intime / Poétique et poésie / Roman.

 A. Béguin, l’Âme romantique et le rêve (Corti, 1947). / P. van Tieghem, le Romantisme dans la littérature européenne (A. Michel, 1948). / P. Martino, l’Époque romantique en France, 1815-1830 (Hatier, 1955). / M. Brion, l’Allemagne romantique (A. Michel, 1962-1963 ; 2 vol.). / R. Bray, Chronologie du romantisme (Nizet, 1963). / J. Droz, le Romantisme politique en Allemagne (A. Colin, 1963). / J. Fabre, Lumières et romantisme, de J.-J. Rousseau, à Mickiewicz (Klincksieck ; 1964). / K. Petit, le Livre d’or du romantisme (Gérard, Verviers, 1968). / H. Peyre, Qu’est-ce que le romantisme ? (P. U. F., 1971). / J.-P. Richard, Études sur le romantisme (Éd. du Seuil, 1971). / J. F. Angelloz, le Romantisme allemand (P. U. F., 1973). / P. Rozenberg, le Romantisme anglais (Larousse, 1973). / C. Roy, les Soleils du romantisme (Gallimard, 1974).


Le romantisme dans les arts

Comme la littérature, les arts plastiques eurent en France leur bataille, déclenchée par un tableau de Gros, les Pestiférés de Jaffa (1804), qui scandalisa par son réalisme et son colorisme. L’agitation ainsi soulevée dura un tiers de siècle, puis fut victime du règne-éteignoir de Louis-Philippe.

Mais une vision aussi étroite du mouvement romantique, liée au seul contexte français et ignorant les tempêtes qui secouèrent l’Occident pendant près d’un siècle, ne saurait satisfaire. Les arts plastiques ont participé au vaste bouleversement de la fin du xviiie s., dont la Révolution française fut l’expression la plus violente. Marquée par la philosophie des lumières et l’illuminisme, la quête de la science et celle de l’irrationnel, la fidélité aux Anciens et les visions utopiques, le désir éperdu d’un retour à la simplicité primitive et la naissance de l’industrie, la création artistique des années 1780-1860 est unifiée par un souffle puissant de renouvellement, mais reste disparate par la violence des contrastes et la variété des expériences.

On a dit que le romantisme était défini plutôt par ses thèmes et ses héros que par ses formes. Mais celles-ci sont solidaires du dessein : si les rêveries mythologiques peuvent s’accommoder — mais ce n’est pas toujours le cas — d’un tracé impitoyable, il n’en est pas de même du paysage, dont la substance tangible et mouvante favorise les hardiesses de touche et de coloris.

L’architecture semble attirée vers deux pôles : la spéculation mathématique mène à des projets dont l’originalité déconcerte encore aujourd’hui ; la recherche des sources peut conduire au pastiche, avec l’aide de la connaissance archéologique, d’une spiritualité souvent passéiste et presque toujours sentimentale, ou encore d’un exotisme naïf.

Arts décoratifs et arts graphiques donnent l’impression d’une plus grande unité : ils traduisent le goût d’un gothique aux limites peu rigoureuses, mieux qualifié de « style troubadour », dont les héros peuvent être Abélard, Guillaume de La Marck ou François Ier. Mais c’est la peinture, incontestablement, qui domine l’activité artistique de l’époque romantique : art de l’individualisme, elle convient à une époque qui rend un culte à l’expression personnelle.

Les élans novateurs, remarquables surtout en Allemagne et dans le domaine germanique, en Angleterre et en France, ne s’y sont pas exprimés en même temps, ni avec des caractères uniformes. Dominé par la recherche de ses rapports d’individu avec le monde extérieur, qui tantôt le révèle à lui-même, tantôt le désespère par son silence, l’artiste romantique pouvait moins encore que celui des siècles antérieurs éluder les particularismes.

Un brassage européen se fait en Italie, considérée comme le pays romantique par excellence. Les Anglais accomplissent leur Grand Tour, guidés par Childe Harold, par la passion de l’archéologie, par la piété envers les maîtres de la Renaissance et du xviie s., et aussi par l’amour du paysage, sauvage de préférence. Moins sensibles au pittoresque, les Allemands viennent surtout chercher des leçons esthétiques et alimenter leur mysticisme à la source chrétienne. Chez les uns et les autres, il arrive que le talent ne résiste pas à la clarté méditerranéenne.