Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rocheuses et cordillères pacifiques

Montagnes d’Amérique du Nord.


Elles constituent l’ossature d’un ensemble de hautes terres encadré à l’est par les Prairies et les Grandes Plaines et à l’ouest par l’océan Pacifique. Cet ensemble est dépourvu de nom particulier, si ce n’est celui de « cordillères occidentales » ou de « montagnes de l’Ouest » (par une extension de sens, injustifiée, certains auteurs français lui appliquent le nom de « Rocheuses »). Il se divise en grandes régions fort différentes les unes des autres et composées elles-mêmes d’éléments très divers : ce sont les Rocheuses (en angl. Rocky Mountains), les cordillères pacifiques et, entre celles-ci et celles-là, des plateaux, montagnes et bassins appelés plateaux intramontains (ou intérieurs).


Le relief

Ces hautes terres de l’Ouest s’étirent sur plus de 5 000 km de longueur, des plateaux mexicains à la mer de Béring. Leur largeur varie de 600 km (nord de la Colombie britannique) à 1 600 km (entre San Francisco et Denver). Elles portent les points culminants de l’Amérique au nord des isthmes (6 187 m au mont McKinley en Alaska et 6 050 au mont Logan à la frontière de cet État et du Yukon canadien ; le volcan d’Orizaba ou Citlaltepetl, au Mexique, vient ensuite avec 5 700 m). La chaîne côtière de la Colombie britannique, la chaîne des Cascades, la sierra Nevada, les monts Uinta (Utah) et le Front Range (Colorado) dépassent 4 000 m, altitude dont approchent les Rocheuses canadiennes. La hauteur relative de ces montagnes est élevée : souvent, elles dominent directement la mer ou des plaines ou des dépressions intérieures ; on compte près de 3 000 m de dénivellation entre le Front Range du Colorado et le Piedmont de Denver, environ 3 450 m entre le mont Telescope et la Vallée de la Mort ; les monts Wasatch (Utah) tombent sur le Grand Lac Salé par un abrupt de 1 700 m ; dans l’État de Washington, le mont Rainier domine le Puget Sound de ses 4 391 m.

Les Rocheuses ont pris forme, d’abord et principalement, lors de l’orogenèse laramienne (Crétacé et Éocène) aux dépens d’une structure comparable à celle des plaines centrales d’Amérique du Nord, soit un socle précambrien avec sa couverture de sédiments protérozoïques, primaires et secondaires. Des soulèvements ont donné naissance à des montagnes comportant un noyau granitique ou métamorphique, de relief massif, et une enveloppe sédimentaire à formes structurales ; il en est ainsi du Front Range (4 300 m), des monts Sangre de Cristo, Uinta (4 100) et Bighorn (4 000). Des séries sédimentaires et des fragments de socle ont été poussés et charriés vers les Grandes Plaines et empilés sur une grande hauteur, comme dans les Rocheuses du Montana et le sud des Rocheuses canadiennes (de 3 500 à 4 000 m). Les bassins présentent une très grande variété de formes et de dimensions due à l’alternance des phases de remblaiement et de déblaiement, qui ont provoqué la fossilisation et l’exhumation de reliefs différenciés ; on y observe divers niveaux de pédiments ; citons les petits Parks du Colorado et le vaste bassin du Wyoming. Ailleurs affleurent des batholites (Idaho), s’étendent des nappes de laves (monts San Juan) et survivent des activités volcaniques (sources chaudes et geysers du parc de Yellowstone).

Des cicatrices tectoniques sont responsables de longues tranchées, comme celle que suivent les fleuves Columbia et Fraser et les affluents de la Rivière de la Paix. Les éléments de Rocheuses se suivent en échelon selon un seul alignement orienté nord-nord-ouest-sud-sud-est, ou bien forment deux ou trois rangées montagneuses (Montana-Idaho) ou encore sont orientés est-ouest (Uinta). En Alaska, le prolongement des Rocheuses prend aussi une direction est-ouest. Des cours d’eau s’échappent des Rocheuses par des vallées en gorge (antécédence et surimposition), comme l’Arkansas, la Green, la Bighorn, la Liard. Dans les Rocheuses du sud, les hauts sommets ont été modelés en cirques et arêtes lors des glaciations quaternaires ; outre les cirques, les grandes vallées glaciaires caractérisent les Rocheuses septentrionales (Montana, Canada).

Les cordillères pacifiques représentent la partie la plus récente de l’ensemble montagneux de l’Ouest. Elles ont été mises en place par l’orogenèse cascadienne (du Pliocène à nos jours), qui a repris des éléments plus anciens, tels que des batholites datant de l’orogenèse névadienne (Jurassique), comme celui de la sierra Nevada. Elles se divisent en deux alignements majeurs. L’un est constitué par la Chaîne côtière des États-Unis, les monts Olympic, les îles de Vancouver et de la Reine-Charlotte et les côtes du golfe d’Alaska. L’autre est formé de la sierra Nevada, de la chaîne des Cascades et de son prolongement au Canada (qui prend ici le nom de Chaîne côtière) et en Alaska. Entre les deux s’étend un long couloir occupé par le golfe de Californie, la Vallée Centrale de Californie, la vallée de la Willamette, le Puget Sound et les détroits séparant le continent des îles canadiennes et alaskiennes.

La chaîne littorale est peu élevée (de 600 à 1 200 m), sauf dans le nord de la Californie et dans les monts Olympic (plus de 2 000 m). Elle est constituée surtout de roches sédimentaires et volcaniques, secondaires et tertiaires, plissées et faillées ; en Californie, elle prend la forme de petits chaînons obliques à la côte. Le socle granitique et les roches métamorphiques affleurent dans les monts Klamath et Olympic. Dans les Chaînes côtières de Californie, on suit la trace de la faille de San Andreas, encore active (tremblements de terre, comme celui qui a détruit San Francisco en 1906). Les déplacements cumulés depuis le Jurassique le long de cette faille, responsable de la formation du golfe de Californie, atteindraient 550 km. Le modelé glaciaire ne s’observe que dans les monts Olympic, grâce à leur altitude et à leur latitude.

La cordillère intérieure (sierra Nevada, chaîne des Cascades, Chaîne côtière canadienne, chaîne d’Alaska) est beaucoup plus élevée et compte nombre de sommets de plus de 4 000 m : outre les monts McKinley, Logan et Rainier déjà cités, on peut nommer les monts Whitney (4 418 m) et Shasta (4 317 m). Cette cordillère comprend surtout des batholites granitiques, d’âge jurassique ou crétacé, sans continuité malgré les apparences ; celui de la sierra Nevada est un gigantesque bloc basculé (une fois et demie la longueur des Pyrénées) avec une pente douce à l’ouest et abrupte à l’est ; le batholite des Cascades porte des champs de lave, des cônes volcaniques, qui donnent la plupart des points culminants, et des cratères (comme le célèbre Crater Lake). Les traces glaciaires, cirques et vallées en U, sont caractéristiques de cette cordillère élevée. L’ennoiement des vallées glaciaires de la Chaîne côtière de la Colombie britannique et d’Alaska a donné naissance à une magnifique côte à fjords.