Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Risorgimento (suite)

Cette menace à peine voilée et les gestes de rétorsion qu’elle suscita déclenchèrent dans toute l’Italie un grand enthousiasme. Charles-Albert promit à Pie IX son appui, et, au cours d’un congrès d’agriculture, aux premiers jours de septembre, un de ses amis intimes, le comte Cesare di Castagneto (1802-1888), donnait lecture aux congressistes d’une lettre qu’il venait de recevoir du roi, où celui-ci se déclarait décidé à commander lui-même l’armée qui combattrait pour l’indépendance nationale. Les dés paraissaient donc jetés d’une lutte décisive à laquelle le chef de l’Église catholique participerait. Mais Pie IX était d’un tempérament à la fois irrésolu et scrupuleux. Il prit dès lors des demi-mesures dans la guerre engagée par Charles-Albert contre l’Autriche et prononça le 29 avril 1848, sans en avoir conféré avec les membres du ministère laïque et libéral qu’il avait finalement formé quelques semaines auparavant, une allocution consistoriale où il déclarait que, représentant d’un Dieu de paix, il ne pouvait souhaiter la guerre et chérissait d’un même amour Italiens et Autrichiens.

Par cette initiative malheureuse, Pie IX perdit d’un coup toute sa faveur auprès de la population romaine. Il essaya encore de gouverner avec des hommes du centre gauche, puis avec l’ambassadeur de France, le juriste Pellegrino Rossi (1787-1848), redevenu Italien après s’être illustré comme professeur de droit en Suisse et au Collège de France. Sous sa conduite énergique et par de sages mesures financières, le ministre parvint à rétablir l’ordre et à parer au déficit croissant, mais le peuple l’avait en haine, et, le 15 novembre 1848, Rossi était assassiné en arrivant au palais de la Chancellerie, alors siège du Parlement romain, par un inconnu qui, plus tard, fut identifié pour le fils de Ciceruacchio, le principal organisateur, les années précédentes, des ovations de la rue à Pie IX.

Dès lors, le pape mûrit le projet de quitter Rome clandestinement, et il y réussit dans la nuit du 24 au 25 novembre grâce à la collaboration des ambassadeurs de France, d’Espagne et de Bavière accrédités auprès de lui. Dans une voiture, habillé en simple abbé, il réussit à gagner Gaète, principale citadelle du roi de Naples, qui fut très heureux de l’y accueillir ; il y demeura jusqu’au 12 avril 1850, pendant qu’à Rome était proclamée la république sous l’autorité d’un triumvirat dominé par Mazzini. À ce nouveau régime devait mettre fin l’intervention militaire française décidée par la Chambre et le gouvernement du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III*. Pie IX entendait, désormais, recommencer à gouverner en souverain absolu. Il avait accordé toute sa confiance à son secrétaire d’État, le cardinal Giacomo Antonelli (1806-1876), qui n’était pas prêtre, mais qui possédait de grandes qualités administratives ; celui-ci géra habilement jusqu’à la mort du pape le Patrimoine de Saint-Pierre.

Les autres États italiens étaient revenus aussi à l’absolutisme, sauf le Piémont, où avait commencé le règne de Victor-Emmanuel II* après l’abdication et la mort de son père. Le régime constitutionnel y était appliqué avec droiture sous la présidence au gouvernement de Massimo d’Azeglio, qui, bientôt, y fit entrer le jeune comte de Cavour* ; l’autorité de ce dernier ne cessera de croître sur le plan politique, économique et financier. Concentrant le plus souvent entre ses mains les ministères clés de l’Intérieur, des Affaires étrangères et des Finances, Cavour sera le principal animateur de la phase finale du Risorgimento.


Vers la réalisation

Cavour discernait parfaitement que ce qui avait causé les désastres militaires de la guerre engagée par Charles-Albert en 1848 et en 1849 avait été l’impéritie du commandement et surtout l’illusion que, sans appui d’un allié puissant, le Piémont pourrait vaincre l’Autriche. Le mot fameux du souverain, Italia farà da se, traduisait doublement cette illusion, car, en Italie même, le roi de Sardaigne ne pouvait compter solidement sur personne. Cavour, familiarisé avec la France et l’Angleterre, eut, dès l’origine, le souci dominant de s’assurer l’alliance ou au moins l’appui de ces puissances. Il commença d’obtenir cette aide avec la participation d’un modeste contingent italien à la guerre des puissances occidentales contre la Russie, et surtout grâce à son adresse lors du congrès de Paris (1856) ; son action transforma en admiration enthousiaste la défiance injuste du peuple piémontais à son endroit avant qu’il accédât au ministère. Les sympathies italiennes de Napoléon III et jusqu’à l’attentat manqué du mazzinien Orsini (1858), qui aurait pu indisposer l’empereur et dont la lettre très digne avant son exécution suscita au contraire son admiration et celle de l’impératrice, firent le reste. Cavour, après avoir préparé l’armée et la marine à la guerre, eut l’habileté suprême de se la faire déclarer par un adversaire exaspéré de ses coups d’épingle ; il n’eut, dès lors, qu’à attendre l’arrivée en Italie des troupes françaises pour avoir la certitude morale d’une victoire qui vengerait dans l’honneur les humiliantes défaites de dix ans auparavant. Même le décevant armistice de Villafranca (12 juill. 1859) finira par satisfaire également les deux alliés, puisqu’il déterminera par choc en retour l’adhésion de la Toscane et des duchés émiliens à la couronne du Piémont, déjà maîtresse du Milanais, et, pour la France, la possession de la Savoie et du comté de Nice, stipulée comme récompense de son appui militaire.

Il restait, pour déterminer l’unité italienne, à lui adjoindre le royaume de Naples, l’État pontifical et la Vénétie, demeurée autrichienne malgré son héroïque résistance en 1849, sous la direction de Daniele Manin (1804-1857), aux assauts de la puissance suzeraine acharnée à l’asservir de nouveau après quelques mois de liberté.

Les « Mille » de Garibaldi*, qui se multiplièrent après leur débarquement à Marsala le 11 mai 1860 et l’occupation de la Sicile grâce à la complicité secrète de Cavour, puis le concours des populations, des leaders mazziniens et finalement d’une part de la marine bourbonienne elle-même rallièrent à Victor-Emmanuel II l’État territorialement le plus important de l’Italie méridionale. Cavour ne survécut guère à ce succès spectaculaire, achevé sur les rives du Volturne (1er-2 oct.) par une véritable bataille rangée contre les meilleures troupes de Ferdinand II, au cours de laquelle la défaite se transforma en victoire grâce aux forces piémontaises accourues de Naples à marches forcées.