Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Ribera (José de) (suite)

Ainsi, Ribera n’apparaît pas seulement comme le fondateur d’une vivante école locale, comme un maître peintre dont l’action, très forte dans l’Espagne du Siècle d’or, se prolonge jusqu’au xixe s. français (v. réalisme), mais comme l’un des créateurs les plus forts et les plus variés de tout l’art espagnol — celui qui, faute de monographies à jour, reste à découvrir dans une large mesure.

P. G.

 A. L. Mayer, Jusepe de Ribera (Leipzig, 1904). / G. Pillement, Ribera (Rieder, 1930). / E. Du Gué-Trapier, Ribera (New York, 1952).

Ricardo (David)

Économiste anglais (Londres 1772 - Gatcomb Park, Gloucestershire, 1823).


David Ricardo naît dans une famille israélite d’origine portugaise, émigrée en Hollande d’abord, puis en Angleterre. À quatorze ans, il entre dans les affaires de son père, banquier de la City ; à vingt ans, il se brouille avec lui à la suite de sa conversion au protestantisme et s’établit à son compte comme courtier à la Bourse ; à vingt-cinq ans, il a amassé une fortune considérable, qui lui laisse, très jeune encore, les loisirs nécessaires pour réfléchir aux problèmes de son temps.

En 1817, il publie ses Principles of Political Economy and Taxation (« Des principes de l’économie politique et de l’impôt ») ; le public accueille avec une grande faveur cet ouvrage, dont une traduction française paraît l’année suivante.

En 1819, Ricardo devient membre du Parlement ; il y défend la politique des milieux industriels et réclame, notamment, le libre commerce des céréales. La vie publique ne le détourne pas des travaux spéculatifs ; en 1821, il fait paraître la troisième édition des Principles, apportant des aménagements à son texte primitif pour tenir compte des observations qui lui ont été adressées par J.-B. Say*. L’année suivante, il publie un nouveau pamphlet On Protection to Agriculture (« Protection de l’agriculture »), puis il rédige son plan pour l’établissement d’une banque nationale (Plan for a National Bank), qui ne paraîtra qu’après sa mort. On lui doit encore : The High Price of Bullion, a Proof of the Depreciation of Bank Notes (« Du haut prix des lingots comme preuve de la dépréciation du billet de banque », 1810) et Essay on the Influence of a Low Price of Corn on the Profits of Stock (« Essai sur l’influence du bas prix du blé sur les profils et les cours des fonds publics », 1815).

L’œuvre de Ricardo a été élaborée en partie en fonction des événements économiques de son époque : c’est le cas pour ses rapports, ses essais et ses pamphlets. Au contraire, les Principles témoignent d’une réflexion plus abstraite : Ricardo s’y attache aux tendances générales, à ce qui est permanent. Cet ouvrage a eu immédiatement un retentissement considérable. Sa pensée a très vite dominé l’économie politique anglaise, et, par celle-ci, s’est répandue à travers le monde. Aussi a-t-on pu dire que Ricardo était le véritable fondateur de l’économie politique anglaise ; il exerça son influence sur Alfred Marshall* et même — a contrario — sur J. M. Keynes* (qui, lorsqu’il prend à partie les classiques, songe à Ricardo). Il a également marqué fortement l’œuvre de Karl Marx*.

Dès l’époque même de Ricardo, son œuvre a supplanté celle d’A. Smith*, de J.-B. Say et laissé dans l’ombre celle de ses adversaires, notamment R. Malthus*. C’est qu’en effet Ricardo présente une élaboration très cohérente des grandes théories de l’école classique. La science économique est, avec lui, séparée de la sociologie des groupes et conçue comme une science des mécanismes économiques et surtout des mécanismes de la répartition. L’aspect humain des problèmes économiques, l’homme en tant qu’agent économique disparaissent derrière un jeu mécanique de facteurs abstraits, sans référence aux considérations sociales. Les préoccupations essentielles de l’auteur des Principles concernent le partage des fruits de la production* et le développement* économique à long terme.

Impressionné par la poussée démographique. Ricardo estime que, dans la marche des sociétés, le nombre des ouvriers a tendance à croître. « Comme le prix des salaires tient à celui des denrées de première nécessité, à mesure que la population augmente, ces denrées iront toujours en croissant, plus de travail devenant nécessaire à leur production [...] ; les salaires en argent hausseront, mais pas suffisamment pour permettre à l’ouvrier d’acheter autant de richesses nécessaires ou utiles qu’il pouvait le faire avant le renchérissement de ces denrées [...]. Et cependant, cette augmentation des salaires diminuera nécessairement les profits du manufacturier, qui ne pourra vendre sa marchandise plus cher quoique les frais de production aient augmenté. »

Les rentes hausseront « par la même cause qui fait hausser les salaires : la difficulté croissante d’obtenir une plus grande quantité de subsistances moyennant la même quantité de travail ». Mais la rente haussera en valeur monétaire comme en valeur réelle, tandis que le salaire baissera en valeur réelle. « La condition de l’ouvrier empirera en général, tandis que celle du propriétaire foncier s’améliorera. »

Les profits, dans cette perspective, tendent naturellement à disparaître à long terme. Quand les salaires monétaires auront atteint un certain niveau, « il ne pourra plus y avoir d’accumulation puisque aucun capital ne saurait plus donner de bénéfices [...]. Bien avant ce terme même, la réduction des profits aura arrêté toute accumulation et la presque totalité des produits du pays — les ouvriers une fois payés — appartiendra aux propriétaires fonciers et aux collecteurs de dîmes et d’autres impôts. »

Le devenir ainsi semble régi tout entier par une fatalité naturellement pessimiste. Le sort des propriétaires fonciers ira toujours s’améliorant. à l’inverse de celui du reste de la société. Les artifices de la technique, « le perfectionnement des machines qui aident à la production des choses ainsi que l’effet des découvertes agronomiques » peuvent ralentir ou arrêter le processus provisoirement. Il n’en est pas moins inéluctable et tout effort pour rompre le jeu fatal de ces diverses tendances est voué à l’échec, car les hommes sont impuissants à passer outre à la loi naturelle de population découverte par Malthus.