Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rhin (Haut-). 68

Départ. de la Région Alsace ; 3 523 km2 ; 635 209 hab. Ch.-l. Colmar. S.-préf. Altkirch, Guebwiller, Mulhouse, Ribeauvillé, Thann.


Sur le plan physique, la diversité est plus grande que dans le Bas-Rhin. Six unités naturelles, de taille inégale, peuvent être distinguées. La montagne vosgienne (887 km2 et 78 000 hab.) forme à l’ouest la partie la plus élevée. Il s’agit des Vosges cristallines (Hohneck [1 361 m] ; ballon de Guebwiller [1 424 m]). Soulevées au Tertiaire, elles ont été largement dégagées de leur couverture sédimentaire gréseuse. De là les formes arrondies des sommets, appelés ballons. Au-dessus de 1 000 m, la forêt de conifères cède la place aux « hautes chaumes », prairies d’origine anthropique. Ces dernières étaient utilisées comme pâturages d’été par les agriculteurs des régions basses dès le Moyen Âge. La route des crêtes, longeant l’ancienne frontière (1871-1918), a suscité le tourisme. C’est aux environs des plus hauts sommets que se développent les sports d’hiver. Les collines sous-vosgiennes (510 km2 et 98 000 hab.) sont constituées par des paquets de couches secondaires basculés vers la plaine rhénane lors du soulèvement vosgien. Elles forment la transition entre la montagne et la plaine. Saupoudrées de limons périglaciaires, elles fournissent d’excellents terroirs viticoles. Ainsi, depuis la limite avec le Bas-Rhin jusqu’à Thann, se développe une série de vignobles, entrecoupés seulement par les entailles des vallées vosgiennes. La route du vin, jadis la route principale traversant l’Alsace du sud au nord, se faufile à travers une mer de vignes où les villages et bourgs pittoresques et cossus expriment une des réalités, à la fois vivante et raditionnelle, de l’Alsace. La Plaine est plus réduite que dans le Bas-Rhin (673 km2 et 297 000 hab.). Elle continue vers le sud l’Ackerland du Bas-Rhin, mais en un ruban moins large. Le lœss caractérise encore cette riche région agricole où, toutefois, les cultures commerciales sont moins développées que dans le département voisin. Colmar et Mulhouse, les principales villes, sont implantées dans cette zone. À l’est, deux régions prennent le relais. Au nord, c’est le Ried (45 km2 et 2 900 hab.), qui s’avance jusqu’à la hauteur de Colmar-Neuf-Brisach. Il a les mêmes caractères que son homonyme du Bas-Rhin. Dans son prolongement méridional se développe la Hardt (409 km2 et 23 600 hab.). Celle-ci correspond à la basse terrasse du Rhin. Constituée de cailloutis de granites, basaltes, calcaires et grès, la Hardt présente des sols secs peu profonds. Longtemps abandonnée à la forêt, elle n’a connu un certain essor qu’à partir du xviiie s., mais surtout après 1945. La céréaliculture (maïs) a fait de grands progrès, grâce à l’irrigation. La Hardt domine la basse plaine du Rhin où coule le fleuve et où a été installé le grand canal d’Alsace. Le sud du département est formé par le Sundgau (999 km2 et 85 600 hab.). Ce « Gau du Sud » avec ses aspects de collines annonce déjà les structures jurassiennes. Monts et vaux font leur apparition. L’ensemble reste rural, souvent archaïque. L’élevage domine. L’influence suisse est forte dans les districts frontaliers, plus évolués.

La vie agricole est intense. Les conditions climatiques sont favorables. Pour la période 1901-1950, la station de Colmar présente une température moyenne de 11,1 °C pour les trois mois de printemps, de 19,7 °C pour l’été, de 10,7 °C pour l’automne et de 2,6 °C pour l’hiver. Grâce à l’abri des hautes Vosges, les précipitations sont plus faibles que dans la plaine du Bas-Rhin (508 mm à Colmar), faisant de cette région une des plus sèches de France. Dans la montagne, plus humide (plus de 1 000 mm), l’économie herbagère l’emporte. Mais le fromage (Munster) est de plus en plus fabriqué dans l’avant-pays. Le vignoble a une réputation internationale. Il couvre 8 190 ha, dont 5 600 ha sont en production. Riesling, gewurtztraminer, muscat, pinot (gris et blanc) sont les cépages dominants. La production oscille autour de 500 000 hl par an. La vinification se fait en partie dans des coopératives développées après 1945. Mais les producteurs-négociants jouent un rôle important. Les meilleurs crus sont produits dans les régions de Bergheim, Ribeauvillé, Riquewihr, Bennwihr, Sigolsheim, Ammerschwihr, Turckheim, Eguisheim, Rouffach, Guebwiller. La taille des exploitations est en moyenne inférieure à 5 ha. Profondément touché au début du siècle par la crise phylloxérique et la concurrence des vins d’autres régions françaises, après le retour de l’Alsace à la France en 1918, le vignoble s’est reconstitué et connaît une prospérité inégalée. Colmar en est la capitale incontestée.

La vie industrielle a été précoce. Trois facteurs y ont contribué : les relations avec les cantons suisses, les initiatives de certains industriels mulhousiens (Dollfus, Mieg, Schlumberger, Hartmann, etc.), la force hydraulique des rivières vosgiennes. Le développement de l’industrie cotonnière mulhousienne est lié au fait que, sous l’Ancien Régime, l’Alsace était pays d’« étranger effectif », ce qui permettait de fabriquer les fameuses « indiennes ». L’industrie textile gagna les vallées vosgiennes au xixe s. L’industrie chimique (colorants) se développa par la suite à Mulhouse et à Thann. L’industrie métallurgique (métiers à tisser) suivit. Aujourd’hui, l’industrie textile est dépassée par l’industrie métallurgique (textile, 40 000 salariés en 1954, moins de 20 000 en 1972 ; métallurgie, 16 000 en 1954, plus de 30 000 en 1972), dont l’installation d’une usine Peugeot à Mulhouse est la manifestation la plus spectaculaire. Le déclin de l’industrie textile dans les vallées entraîne, malheureusement, le déclin démographique de ces dernières. L’industrie se concentre dans la plaine le long du canal d’Alsace (zones industrielles de l’Île-Napoléon, à Mulhouse, de Colmar-Neuf-Brisach). Le bassin de potasse, exploité à partir de 1905, a une production déclinante. Le canal d’Alsace permit à Mulhouse de se doter d’un port rhénan. Les quatre usines hydroélectriques installées sur le canal (Kembs, Ottmarsheim, Fessenheim, Vogelgrun) produisent plus de 4 TWh. Fessenheim est aussi le site de deux tranches nucléaires devant fournir de 8 à 10 TWh. Mulhouse n’est que sous-préfecture, mais doit son développement à l’industrie (création récente d’un centre universitaire). C’est pour des raisons historiques que Colmar a été choisie comme préfecture (Conseil souverain d’Alsace). L’industrie ne l’a gagnée que récemment.

F. R.

➙ Alsace / Colmar / Mulhouse.