Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Révolutions d’Angleterre (suite)

Une malheureuse conjonction précipite les événements. En mai 1688, Jacques II ordonne aux évêques anglicans de lire en chaire sa seconde « Déclaration d’indulgence », qui accorde la liberté du culte aux catholiques et aux protestants dissidents, et lève toutes les entraves qui leur interdisaient l’entrée du service public et des forces armées. Sept évêques, menés par l’archevêque de Canterbury William Sancroft, refusent et sont envoyés à la Tour de Londres. Or, un mois plus tard, la reine donne naissance à un héritier, Jacques Edouard : le règne de Jacques II ne peut plus passer pour un simple intermède supportable dans la mesure où l’on peut espérer une prompte accession au trône de la princesse Marie, fille de Jacques II, et de son époux, le prince Guillaume d’Orange, que l’on sait favorables au protestantisme ; il risque maintenant d’aboutir à une réorientation durable des destinées de l’Angleterre. Personne n’est prêt à l’accepter.

Plusieurs personnages de premier plan, à commencer par Thomas Osborne, comte de Danby, et Henry Compton, évêque de Londres, adressent le 30 juin 1688 à Guillaume d’Orange (qui accumule d’ailleurs les préparatifs depuis le mois d’avril) une invitation à envahir l’Angleterre. Jacques II comprend alors le danger qui le menace : il rapporte en toute hâte les mesures qu’il vient de prendre et renvoie en octobre son Premier ministre, Robert Spencer, comte de Sunderland (au reste le seul homme de valeur sur qui il puisse encore compter). Mais il est trop tard : le 5 novembre, la flotte hollandaise débarque à Torbay, et le prince d’Orange installe immédiatement son quartier général à Exeter.


Une prompte victoire

L’invasion ne produit aucun émoi en Angleterre : la conviction générale est que Guillaume vient non pas pour infliger le moindre dommage à l’Angleterre, mais seulement pour maintenir la religion protestante menacée. Jacques II dispose en théorie de 30 000 hommes contre 15 000 seulement à Guillaume, sans compter la flotte. Mais il n’a pas le loisir d’utiliser son armée, que les désertions font fondre à vue d’œil. Danby se soulève dans le Yorkshire, Henry Delamere dans le Cheshire et le comte William de Devonshire dans le Nottinghamshire. La propre fille de Jacques II, la princesse Anne, se range dans le camp de l’envahisseur. Désespéré, Jacques II cherche son salut dans la fuite, mais des pêcheurs de Faversham l’arrêtent et le ramènent à Londres, d’où l’on s’arrange pour le laisser s’échapper de nouveau. Le 28 décembre, Guillaume d’Orange entre à Londres sans avoir eu à combattre une seule fois, et une assemblée composée des plus éminents hommes politiques whigs et tories l’invite à convoquer au plus tôt un Parlement ; le 22 janvier 1689, le Parlement Convention se réunit.

La révolution s’était donc déroulée sans heurts et sans effusion de sang. En mars 1689, toutefois, Jacques II, qui avait reçu de la France une aide importante, débarque en Irlande. Si, dans un premier temps, il soulève facilement les catholiques contre la domination anglaise (bientôt réduite à la seule ville de Londonderry), il ne peut résister à Guillaume III* en personne, victorieux à la bataille de la Boyne le 1er juillet 1690, tandis que John Churchill, comte de Marlborough, prend les principales places fortes catholiques. La cause des Stuarts est bel et bien perdue.


L’enjeu de la Glorieuse Révolution

Un fait significatif à propos de la révolution de 1688 est que les deux partis entre lesquels se divise l’opinion anglaise, whig et tory, malgré leurs divergences, l’ont approuvée ; mieux même, deux des ministres les plus efficaces de Jacques II, le marquis de Halifax et Sunderland, redeviendront rapidement ministres de Marie II et de Guillaume III. Incontestablement, cette révolution a eu pour effet de sauvegarder un certain nombre de choses chères au cœur de tous les Anglais, et qui avaient paru menacées sous le règne de Jacques II. La remise en place de la milice, la restauration des chartes municipales, modifiées par Charles II et Jacques II, donneront une première réponse : la révolution a marqué le retour au pouvoir, localement, des classes qui avaient traditionnellement détenu ce pouvoir : la gentry dans les campagnes, la bourgeoisie marchande dans les villes. Elle a marqué aussi un nouveau recul du pouvoir royal : la Déclaration des droits (Bill of Rights) qui accompagna le transfert de la couronne à Marie et à Guillaume spécifiait bien que le roi devait se conformer à la loi du pays et qu’il n’avait pas le droit, en temps de paix, d’entretenir une armée permanente. Il était précisé que le Parlement devait être réuni fréquemment et que les élections devaient être libres. Parallèlement, sur le plan religieux et sur le plan économique, des mesures non moins importantes étaient prises : d’une part, la suppression des monopoles industriels obtenue lors de la précédente révolution finissait de faire de l’Angleterre le pays de la libre entreprise ; d’autre part, tout en gardant sa position prééminente dans l’État, l’Église d’Angleterre perdit en fait son monopole. Sans que la tolérance soit totalement observée, le Toleration Act de 1689 faisait bénéficier les Anglais de libertés plus larges qu’en aucun autre pays du monde.

Incontestablement, la révolution de 1688 a donc permis de fonder le régime politique qui allait gouverner l’Angleterre jusqu’au xixe s. et qui, parfaitement adapté à l’état de développement économique et social du pays, allait provoquer l’envie et l’admiration de tous les milieux éclairés de l’Europe.

J.-P. G.

➙ Charles Ier / Charles II / Cromwell / Écosse / Grande-Bretagne / Guillaume III / Jacques II / Stuarts (les).