Restauration (suite)
Mercredi 28 juillet
Dans la nuit, les sectionnaires républicains ont mis en place des comités révolutionnaires. L’insurrection éclate à l’aube et, en quelques heures, le centre de Paris, des Halles au Marais et du Temple à la Cité, est hérissé de barricades. Ouvriers, étudiants, gardes nationaux — qui ont conservé leurs armes ! — dépavent les rues, attaquent les postes et isolent les casernes. L’Arsenal et l’Hôtel de Ville tombent. Marmont, laissé sans instructions, envoie quatre colonnes dégager les boulevards et les quais. Le général Talon, parvenu à l’Hôtel de Ville au prix de lourdes pertes, s’y trouve bloqué. Saint-Chamans part de la Madeleine jusqu’au faubourg Saint-Antoine pour rejoindre Talon. C’est la fameuse marche sanglante. Des fenêtres, des toits, des portes cochères, ses soldats se font écraser par les pavés et les meubles. On les fusille à bout portant. La troupe est épuisée, affamée. Des hommes isolés, bientôt des compagnies entières désertent ou passent à l’insurrection. Du côté des parlementaires, on suit la bataille avec attention. Le clan Laffitte tente de négocier. On parle d’acheter Marmont, voire d’en faire un médiateur. Mais Polignac et Charles X sont intraitables.
Jeudi 29 juillet
Paris est aux mains de l’insurrection. Marmont s’est replié sur l’Étoile pour garder le contact avec Saint-Cloud. Le succès de l’insurrection ne faisant plus de doute, la bourgeoisie libérale entre en scène. En premier lieu, il s’agit d’empêcher la république, que certains parlent de proclamer à midi, place de Grève. La Fayette prend le commandement de la garde nationale, le maréchal Gérard celui de l’armée. Une commission municipale siège à l’Hôtel de Ville. En second lieu, il convient de trouver un souverain de rechange. Cédant aux pressions de son entourage, Charles X a retiré les ordonnances et confié au duc de Mortemart le soin de former un gouvernement. La décision intervient trop tard. Les envoyés de Saint-Cloud à Paris, Vitrolles et d’Argout, sont éconduits.
Vendredi 30 juillet
Les nouvelles autorités refusent de reconnaître Mortemart. La solution orléaniste, mise au point par Thiers, a triomphé. Sur les murs de Paris, le 30, une proclamation est affichée : le duc d’Orléans, « prince dévoué à la cause de la révolution », tiendra sa couronne du peuple, évitant les dangers de la république, la guerre civile et les aventures extérieures. Soixante députés réunis sous la présidence de Laffitte décident de confier au duc d’Orléans la lieutenance générale du royaume.
Samedi 31 juillet
Le duc d’Orléans, qui s’est jusqu’alors prudemment tenu à l’écart, est revenu au Palais-Royal et accepte ses nouvelles fonctions. Reste à se faire consacrer par le pouvoir de fait, le peuple insurgé qu’on sait héroïque et dangereux, mais naïf. Le duc paraît au balcon, embrassé par La Fayette dans les plis du drapeau tricolore retrouvé : risque calculé et mélodrame improvisé. Versatile, la foule acclame. Charles X se replie sur Trianon, puis sur Rambouillet, tandis que la province accueille avec surprise et sympathie la nouvelle de la révolution. Le dernier acte se joue rapidement : le lundi 2 août, Charles X abdique.
J. L. Y.
➙ Cent-Jours (les) / Charles X / Decazes / Louis XVIII / Richelieu / Villèle.
H. Sée, Histoire économique de la France, t. II : les Temps modernes, 1789-1914 (A. Colin, 1951). / D. Bagge, les Idées politiques en France sous la Restauration (P. U. F., 1952). / P. Bastid, les Institutions politiques de la monarchie parlementaire française, 1814-1848 (Sirey, 1954). / G. de Bertier de Sauvigny, la Restauration (Flammarion, 1955 ; nouv. éd., 1963) ; la Révolution de 1830 en France (A. Colin, 1971). / C. Pouthas, la Population française pendant la première moitié du xixe s (P. U. F., 1956). / G. Dupeux, la Société française, 1789-1960 (A. Colin, coll. « U », 1964). / J. Vidalenc, la Restauration, 1814-1830 (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966 ; 3e éd., 1973) ; la Société française de 1815 à 1848 (Rivière, 1970-1973 ; 2 vol. parus). / M. Brugière, la Première Restauration et son budget (Droz, 1969). / A. Jardin et A. J. Tudesq, la France des notables, 1815-1848, t. II : la Vie de la nation (Éd. du Seuil, 1973).