Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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responsabilité (suite)

Si l’on fait jouer la présomption de faute, le responsable pourra se dégager en prouvant qu’il n’y a pas eu de faute de sa part, mais si l’on se fonde sur le risque ou le profit, il ne pourra plus se dégager que par la preuve de la force majeure (à laquelle on assimile le cas fortuit et le fait d’un tiers ou de la victime). Le Code civil a admis des présomptions de faute (responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs) et des présomptions de responsabilité (responsabilité du commettant du fait du préposé). Des lois ultérieures (loi de 1898 relative aux accidents du travail) créent une responsabilité automatique de l’employeur. En marge des textes, les tribunaux, eux aussi, n’ont pas hésité à créer de véritables formes de responsabilité où la faute est présumée et des formes de responsabilité objective (responsabilité du fait des choses inanimées).

Il faut encore distinguer la responsabilité du fait personnel des cas où l’on est tenu pour quelqu’un d’autre ou de ceux où l’on est tenu du fait d’une chose.


Responsabilité du fait personnel

Tout individu est responsable de son fait personnel, c’est-à-dire de tout fait dommageable, qu’il consiste en une action positive (art. 1382 du Code civil) ou en une abstention ou négligence (art. 1383), dès lors qu’il est contraire au droit. Ce fait de l’agent ne devient une faute que dans la mesure où il est réellement imputable à l’agent (toutefois, une loi du 3 janv. 1968 oblige à réparation celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental). La faute de l’agent ne se présume pas en principe ; c’est au demandeur de l’établir.

Pour que la responsabilité de l’agent soit engagée, il faut que sa faute ait provoqué un dommage, en vertu de l’adage « pas d’intérêt, pas d’action ». Tout dommage est pris en considération par le droit civil, qu’il soit moral ou matériel, les deux se cumulant parfois.

La victime ne peut obtenir réparation qu’une seule fois ; elle ne peut cumuler plusieurs indemnités pour le même préjudice. Pour un certain nombre de risques, son assureur lui sera subrogé dans son action contre le responsable lorsqu’il lui aura versé la prestation prévue. De même, les caisses de Sécurité sociale sont subrogées dans les droits de l’assuré social accidenté jusqu’à concurrence des prestations qu’elles lui ont versées. Pour le surplus, la victime garde son droit d’agir contre le responsable.

Entre la faute de l’agent et le dommage subi par la victime, il faut en outre qu’il existe un lien de causalité. L’enchaînement des causes dont est fait tout événement oblige souvent les tribunaux à rechercher celui qui, de tous les éléments constitutifs du dommage, en est finalement la cause. Une première théorie veut que l’on ne retienne que le fait qui s’est chronologiquement produit le dernier. Cette solution est simpliste : le dernier fait n’est pas forcément le plus important ni celui qui a déclenché l’événement. Une seconde théorie, dite « de la causalité adéquate », reconnaît qu’un fait a été la cause adéquate d’un dommage lorsque, dans le déroulement habituel des choses, un fait de cette nature entraîne toujours le dommage en question ; cette solution — intelligente — est cependant trop hasardeuse. Une troisième théorie, dite « de l’équivalence des causes », retient tous les antécédents du dommage qui constituent des fautes, pourvu qu’ils soient en relation avec le dommage lui-même ; cette théorie manque de nuance et fait naître un danger de complexité. La jurisprudence française a évité d’opter entre ces théories. Elle mélange les deux derniers systèmes avec beaucoup de souplesse.

Une cause étrangère peut rompre le lien de causalité établi par la victime entre le fait dommageable et le préjudice. Cette cause étrangère, ce peut être la force majeure (événement anonyme, insurmontable, imprévisible et irrésistible), le fait d’un tiers ou de la victime.


Responsabilité du fait d’autrui

On peut être responsable pour autrui soit parce que l’on a commis une faute que prouve la victime, soit parce que l’on est présumé en faute, ou même sur la base d’une responsabilité purement objective, le législateur ayant voulu procurer à la victime un répondant solvable et inciter ceux qui disposent d’une autorité quelconque à s’en servir pour prévenir des accidents possibles.

Le premier cas se ramène à la responsabilité du fait personnel : la famille d’un anormal mental ou l’institution dans laquelle il est placé l’ont mal gardé, et l’anormal cause un dommage ; un instituteur a mal surveillé un enfant, et celui-ci cause un dommage ; la victime pourra prouver la faute de surveillance qu’ils ont ainsi commise et engager leur responsabilité.

• Deux catégories de personnes sont présumées en faute par le fait d’une troisième. Ce sont les parents et les artisans du fait des enfants dont ils ont la garde. La responsabilité des parents est fondée sur un défaut d’éducation et de surveillance, celle des artisans sur un simple défaut de surveillance, l’artisan n’étant pas chargé à proprement parler d’éduquer l’enfant. Il s’agit, dans les deux cas, de présomption simple, susceptible de la preuve contraire d’absence de faute.

• La responsabilité qui pèse sur les parents suppose qu’il s’agit d’un enfant mineur non émancipé. L’autorité parentale appartenant depuis 1970 aux deux parents (v. capacité), le père et la mère sont, dans le cas normal d’une famille légitime où les deux époux sont vivants et non séparés, solidairement responsables des dommages causés par l’enfant qui habite avec eux. Si un seul des parents dirige la personne de l’enfant, c’est sur lui seul que pèsera la responsabilité. Le Code n’ayant édicté ici de présomption de faute qu’à l’égard des parents, on admet que, si l’enfant a été confié à la garde d’autres personnes que ses père et mère (tuteurs, grands-parents, institutions, etc.), la responsabilité de ces personnes doit faire l’objet de la preuve de leur faute par la victime. L’absence de cohabitation d’un enfant avec ses parents ne décharge les parents de leur responsabilité que si elle est légitime (enfant étudiant dans une ville universitaire), mais non si elle est l’indice d’un défaut d’éducation (enfant en fuite ou chassé du domicile familial). La responsabilité des parents est engagée dès lors qu’il y a eu un fait personnel dommageable objectivement illicite de la part de l’enfant, même si ce fait ne peut être qualifié faute parce qu’il n’est pas réellement imputable à l’enfant (enfants trop jeunes qui ne se rendent pas compte de ce qu’ils font).

• La responsabilité qui pèse sur l’artisan suppose qu’il s’agit de son apprenti, c’est-à-dire d’un enfant auquel il donne un enseignement professionnel en lui faisant exécuter un travail, et que l’accident se soit produit pendant que l’enfant est sous la surveillance de l’artisan (surveillance continue si l’apprenti est logé).