Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Asie du Sud-Est (musique de l’) (suite)

Caractères communs

1. Ce sont des pays hindouisés pour ce qui concerne la mythologie, les croyances, l’écriture, les thèmes des « théâtres d’ombres » et des drames dansés ; mais, sur le plan musical, l’influence de l’Inde est négligeable.
2. Les instruments de musique sont, pour la plupart, à sons fixes, « à percussion mélodique » : xylophones, métallophones, jeux de gongs, de timbales de cuivre.
3. Ces instruments ne se jouent pas en solo, mais forment des ensembles organisés comportant de nombreux exécutants.
4. De ce fait, la musique instrumentale, voire orchestrale, prend le pas sur la musique vocale dans la tradition savante.
5. Les échelles théoriques ne peuvent être reconstituées ni par la résonance, ni par le cycle des quintes, ni par l’adjonction des tétracordes, mais s’expliquent par le principe d’égalisation : théoriquement, l’octave se divise en sept intervalles équidistants dans le groupe thaï-khmer et en cinq intervalles équidistants en Indonésie (slendro).


Particularités

Deux familles se distinguent l’une de l’autre par des particularités concernant leurs instruments de musique et leur langage musical :
— la famille thaï-khmère (Thaïlande, Cambodge, Laos, Birmanie) ;
— la famille malayo-indonésienne (Malaysia, Indonésie, Philippines).


Du point de vue instrumental

Le jeu de dix-sept gongs posés sur montant circulaire, appelé khong wong en Thaïlande et au Laos, kong thom au Cambodge et ky waing en Birmanie, se retrouve sur les bas-reliefs d’Angkor, mais n’est pas en usage dans les pays de la famille malayo-indonésienne, où l’on rencontre le jeu de cinq, sept ou huit gongs posés sur un montant rectangulaire : bonang en Indonésie, kulingtan aux Philippines. Ce n’est pas seulement la forme du montant ou le nombre de gongs qui sont les seuls caractères différentiels. Les ensembles instrumentaux p’i phat du groupe thaï-khmer n’ont rien de semblable avec les gamelans d’Indonésie. L’orchestre p’i phat (pin peat au Cambodge) se compose en général d’un instrument mélodique, le hautbois, de deux xylophones, de deux jeux de dix-sept gongs et de deux tambours. L’orchestre mohori comporte plusieurs instruments à cordes et se rencontre en Thaïlande et au Cambodge. Le gamelan indonésien se compose d’un grand nombre d’instruments à sons fixes, surtout en métal : instruments donnant le thème mélodique ; instrument jouant un contre-chant ; instruments « paraphrasants », qui permettent une variation et une ornementation de la mélodie ; instruments « colotomiques », qui marquent la ponctuation de la phrase musicale ; instruments « agogiques », qui indiquent le tempo et soulignent le rythme.

Bien entendu, il existe aussi des instruments communs à tous les pays de l’Asie du Sud-Est, comme le xylophone (ranad en Thaïlande, roneat au Cambodge, ronat au Laos, gambangkayer en Indonésie, gabbang aux Philippines). D’autres instruments de facture différente appartiennent au même type : hautbois (pinai en Thaïlande, sralay au Cambodge, hne en Birmanie, sarinai ou sarunai en Malaisie et en Indonésie), vièle à deux cordes, semblable à la vièle chinoise (tro chhê au Cambodge, so-i au Laos), vièle à pique à deux cordes (rebab en Indonésie et en Malaisie), vièle à pique à trois cordes (tro khmer au Cambodge).

Les tambours ont des formes variées : tambour à une peau sur poterie au Cambodge, paire de tambours à deux peaux frappées à l’aide des baguettes en Thaïlande, au Cambodge et au Laos, paire de tambours longs à deux peaux frappées à main nue à Bali.

Signalons l’existence de certains instruments particuliers à un ou deux pays de cette région : saugn, harpe en forme de pirogue (Birmanie) ; tchapey, luth à manche long, et sadev, monocorde (Cambodge) ; khène, orgue à bouche à tuyaux parallèles (Laos) ; djelempung, cithare à treize cordes doubles (Indonésie) ; kudyapi, luth à deux cordes en forme de pirogue (Philippines).


Du point de vue du langage musical

Le groupe thaï-khmer, plus proche de la Chine, utilise de préférence l’échelle à structure pentatonique semblable à l’échelle kong (Chine) : approximativement do, ré, mi, sol, la, ou à l’échelle tche (Chine) : approximativement sol, la, do, ré, mi. Mais l’échelle théorique de base en usage dans cette région est plutôt celle qui est obtenue par la division de l’octave en sept intervalles égaux :

Selon Phra Chen Duriyanga et David Morton, on n’utilise le 4e degré que pour une « modulation » — nous dirions une « métabole » — et le 7e degré à titre de note de passage. L’échelle la plus communément utilisée en Thaïlande par les musiciens traditionnels est la pentatonique 1, 2, 3, 5, 6, 8, avec une tierce sensiblement égale à la tierce neutre. Au Cambodge et au Laos, d’autres échelles pentatoniques avec deux degrés auxiliaires utilisées comme notes ornementales ou notes de passage sont fréquentes. Les exemples de métaboles sont nombreux. (La métabole est un passage d’un type d’échelle à un autre avec ou sans retour au premier.) En Indonésie, à Java surtout, l’échelle slendro se compose de cinq degrés presque équidistants :

Le slendro a un caractère masculin et grave, et non féminin et doux comme le pélog :

Le pélog se rapprocherait de l’échelle à sept intervalles équidistants. Du reste, les échelles en usage à Bali et à Sunda sont d’un type encore différent.

Les musiciens de la famille thaïkhmère ne semblent pas avoir pris en considération la notion de « mode » comme les musiciens indonésiens, lorsque ceux-ci parlent de patet.


Les divers genres

Il existe dans tous ces pays une musique populaire qui accompagne les faits et gestes de tous les jours. Cette musique, le plus souvent vocale, est exécutée par les travailleurs, paysans, pêcheurs ou artisans. Des minorités ethniques conservent les vestiges d’une musique originale, qui varie d’une région à l’autre, quelquefois d’un groupe humain à un autre.