Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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République (Ve) (suite)

Le 2 avril suivant, le président de la République meurt : A. Poher assure, pour la seconde fois, la présidence intérimaire de la République. La campagne électorale qui s’ouvre presque immédiatement met aux prises douze candidats d’où se détachent Jacques Chaban-Delmas, représentant du gaullisme, François Mitterrand, candidat de la gauche, Valéry Giscard d’Estaing, porte-parole d’une « majorité élargie ». Finalement, au deuxième tour du scrutin, le 19 mai 1974, V. Giscard d’Estaing l’emporte de justesse avec 50,81 p. 100 des suffrages exprimés contre 49,19 p. 100 à F. Mitterrand. Le 27 mai, V. Giscard d’Estaing choisit Jacques Chirac comme Premier ministre.


La présidence de V. Giscard d’Estaing

Le nouveau gouvernement met au point plusieurs réformes concernant, en particulier, l’abaissement de l’âge de la majorité civile à 18 ans et la restructuration de la radiodiffusion* et de la télévision ; en octobre, le Congrès, réuni à Versailles, approuve un projet permettant à 60 députés ou à 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel des lois qui leur sembleraient contraires aux libertés garanties par la Constitution ; en décembre, le Parlement vote une loi sur l’interruption volontaire de grossesse, libéralisant les conditions d’avortement.

L’année 1976 est marquée par les prodromes d’une tension politique : en désaccord avec les moyens qui lui sont accordés par le président de la République, Jacques Chirac abandonne ses fonctions de Premier ministre (août 1976) et se consacre à l’édification de la formation qui, en décembre, prendra la relève de l’U. D. R., le Rassemblement pour la République (R. P. R.). Il est remplacé à la tête du gouvernement par un spécialiste de l’Économie, Raymond Barre, dont la mission prioritaire est de ralentir l’inflation (plan Barre). En janvier 1977, une crise aiguë éclate au sein de la majorité avec le problème posé par l’élection du nouveau maire de Paris. Valéry Giscard d’Estaing soutient le candidat de la majorité, Michel d’Ornano, tandis que le R. P. R. appuie celle de son leader Jacques Chirac. À la suite des élections municipales de mars 1977, ce dernier sera élu maire de Paris, mais l’opposition sortira victorieuse de la confrontation, en emportant notamment les municipalités de Nantes, Brest, Rennes, Angers et Saint-Étienne.


La politique économique et sociale de la Ve République


La remise en ordre des finances et de l’économie

Désireux de mettre un terme à la dégradation de la monnaie et à l’inflation, le ministre des Finances Antoine Pinay prend, entre 1958 et 1960, une série de mesures capitales : emprunt à 3,5 p. 100 indexé sur l’or le 17 juin 1958 ; dévaluation du franc de 17,55 p. 100 le 28 décembre, ce qui lui confère une valeur marchande de 1,80 mg d’or fin ; rétablissement de la convertibilité externe en faveur des seuls non-résidents ; création du franc lourd, valant 100 francs anciens à partir du 1er janvier 1960 ; libération des échanges portée à 90 p. 100 en conformité avec le régime accepté par les autres membres de l’Organisation européenne de coopération économique (O. E. C. E.). L’économie française, qui, grâce à la dévaluation, bénéficie d’une prime aux exportations, peut supporter l’abaissement des droits de douane de 10 p. 100 à la date du 1er janvier 1959, conformément aux accords conclus par les six membres de la C. E. E.

Un moment ralentie en 1959, l’activité économique reprend son essor. L’excédent de la balance commerciale et surtout le solde très positif de la balance des paiements permettent de reconstituer les réserves en or et en devises de la France.


Difficultés et réformes (1958-1967)

Cette reprise de l’activité économique, consécutive à deux ans de ralentissement, est trop tardive pour permettre la réalisation des objectifs du troisième plan, qui doit être remanié dans un plan intérimaire de dix-huit mois (1960-1961) visant à assurer une croissance d’environ 5,5 p. 100 par an et à permettre le démarrage du quatrième plan. Ce dernier plan doit maintenir de 1962 à 1965 le taux d’accroissement de la production intérieure brut, assurer le plein-emploi et l’aménagement du territoire en tenant compte de l’arrivée sur le marché du travail des classes nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale ainsi que de la décolonisation et du passage de la C. E. E. à la deuxième étape de sa réalisation en 1962.

D’autre part, la hausse des prix industriels étant plus rapide que celle des produits agricoles, le malaise paysan s’aggrave et se traduit du 11 janvier au 7 avril 1960 par de nombreuses manifestations. Pour résoudre ce problème et faciliter l’insertion de l’agriculture française dans la C. E. E., le Premier ministre, Michel Debré, fait adopter la loi d’orientation agricole du 5 août 1960, qui crée les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (S. A. F. E. R.) et le Fonds d’orientation et de régularisation des marchés agricoles (F. O. R. M. A.). Précisée par la loi complémentaire du 8 août 1962, qui crée le Fonds d’action sociale pour l’aménagement des structures agricoles (F. A. S. A. S. A.), et par le décret du 3 décembre 1964, qui reconnaît le groupement agricole d’exploitation en commun, cette nouvelle politique agricole est mise en place avec énergie par Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture de 1961 à 1966.

Parallèlement, l’effort fait pour rentabiliser la production énergétique, la production sidérurgique et celle de la construction aboutit à la fermeture de certaines mines de charbon, à l’essor d’une sidérurgie sur l’eau (Dunkerque, fév. 1963 ; etc.) aux dépens de la sidérurgie lorraine, au développement de la construction industrielle, à la multiplication des fusions d’entreprises complémentaires. Il en résulte une augmentation de la productivité bénéfique sur le plan économique, parfois dangereuse sur le plan social, ce qui explique la multiplication des grèves, dont l’une des plus significatives est celle des mines de Decazeville, qui dure du 19 décembre 1961 au 23 février 1962.