Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

République (IVe) (suite)

La marine nationale (1945-1958)

Très durement éprouvée par la Seconde Guerre mondiale, la flotte française, reconstituée en 1943-44, se renforce en 1945 de bâtiments livrés par les Allemands et les Italiens ou prêtés par les Alliés. À partir de 1950, les tranches annuelles de construction navale atteignent environ 30 000 t et permettent une certaine rénovation de la marine, marquée par la mise en chantier, de 1951 à 1955, d’une trentaine d’escorteurs (type Surcouf et le Corse), de quelques sous-marins et, en 1955 et en 1957, de deux porte-avions de 22 000 t (le Clemenceau et le Foch). De 1945 à 1954, la marine apporte une lourde contribution à la guerre d’Indochine, qu’il s’agisse des transports ou de la participation au combat de l’aéronavale et des divisions navales d’assaut. Dès 1954, elle est engagée de nouveau dans le conflit algérien ; outre la surveillance des côtes et sa participation à l’expédition de Suez (1956), elle entretient en Algérie une demi-brigade de fusiliers marins qui tient le secteur de Nemours. Son effectif, voisin de 65 000 hommes, monte à 82 000 hommes en 1957. Indépendamment des hypothèques indochinoises ou algériennes, une partie notable de la flotte a été incluse dans le dispositif naval du pacte atlantique. En 1958 est créée à Cherbourg une École d’application maritime de l’énergie atomique, où seront effectuées les premières études d’un sous-marin à propulsion nucléaire.

P. D.

République (Ve)

Régime de la France depuis 1958.



La réforme de l’État

Deux jours après le « coup de force » du 13 mai 1958 à Alger, le général de Gaulle* se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Élu président du Conseil le 1er juin, il forme, à l’appel du président René Coty, le dernier gouvernement de la IVe République*, et demande les moyens nécessaires pour apporter les « changements indispensables » à la Constitution. La réforme de l’État est en effet, pour le général de Gaulle, la condition préalable au règlement des deux grands problèmes hérités de la IVe République : la guerre d’Algérie* et l’équilibre économique et financier.

Les 2 et 3 juin, avant de se séparer, l’Assemblée nationale et le Conseil de la République accordent au gouvernement par 350 voix contre 161 et 70 abstentions, les pleins pouvoirs constituants, qui seront exercés avec l’avis d’un « Comité consultatif constitutionnel » (composé, pour les deux tiers, de membres du Parlement). Ne différant pas sensiblement du projet dont le général de Gaulle a défini les grandes lignes dans son fameux discours de Bayeux le 16 juin 1946, la nouvelle Constitution instaure un régime reposant sur l’équilibre des pouvoirs (v. France, les institutions françaises).

Le 28 septembre, la Constitution est approuvée par la grande majorité des électeurs (79,25 p. 100 des suffrages exprimés). Élue les 23 et 30 novembre au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l’Assemblée compte 189 députés gaullistes ou apparentés, réunis sous l’étiquette de l’Union pour la nouvelle République (U. N. R.), mouvement politique fondé le 1er octobre précédent. L’un de ses membres, Jacques Chaban-Delmas, devient même président de la nouvelle Assemblée. Élu président de la République le 21 décembre avec 78,5 p. 100 des suffrages exprimés par le collège prévu par la nouvelle Constitution, le général de Gaulle choisit Michel Debré comme Premier ministre le 8 janvier 1959. Son premier objectif, la réforme des institutions, étant atteint, il s’attache dès lors à résoudre le problème algérien, qui domine l’histoire de la Ve République jusqu’en 1962.


Le ministère Michel Debré (8 janv. 1959 - 14 avr. 1962)

Pulvérisée en novembre, divisée en nombreux groupes ou tendances (10 communistes, 44 S. F. I. O., 4 élus du Centre républicain et 56 députés M. R. P. ou apparentés), l’opposition tente de se regrouper à la faveur des élections municipales des 8 et 15 mars 1959 ; elle utilise contre les candidats de la majorité le mécontentement qu’ont suscité dans l’opinion publique les mesures prises en décembre 1958 par Antoine Pinay. Le 26 avril 1959, les élections sénatoriales témoignent de la force persistante des anciens partis de la IVe République, majoritaires dans la nouvelle Assemblée ; le Sénat, présidé par Gaston Monnerville, apparaît désormais comme une chambre d’opposition.

André Boulloche, ministre de l’Éducation nationale, préfère démissionner (23 déc.) avant même l’ouverture du débat scolaire à l’Assemblée (loi d’aide à l’enseignement privé adoptée le 30 décembre). Le 13 janvier 1960, Antoine Pinay doit abandonner le ministère des Finances, car il désapprouve notamment les projets de Jean-Marcel Jeanneney qui lui semblent porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. Il est remplacé par Wilfrid Baumgartner. Enfin, déçus par les derniers discours du général, 75 p. 100 des membres du C. N. I. (Centre national des indépendants) ainsi que les partisans de l’Algérie française se séparent alors de la majorité et s’opposent aux mesures du gouvernement : réforme constitutionnelle autorisant l’accès à l’indépendance des pays de la Communauté (J. O. du 8 juillet 1960) ; projet de loi sur la constitution d’une « force de frappe atomique française » le 18 juillet ; loi d’orientation agricole... Mais les motions de censure sont toutes rejetées, les gaullistes conservant la majorité à l’Assemblée nationale. L’audience du général de Gaulle dans le pays est, d’ailleurs, confirmée par les résultats du référendum du 8 janvier 1961, qui reconnaît à l’Algérie le droit à l’autodétermination ; 15 200 073 électeurs métropolitains (75,26 p. 100 des suffrages exprimés) approuvent, en effet, la politique du chef de l’État, contre laquelle se prononcent seulement 4 996 474 électeurs (24,74 p. 100 des suffrages exprimés). Mais on compte 6 393 162 abstentionnistes, représentant 23,51 p. 100 du corps électoral. Un an plus tard, le succès sans précédent du référendum du 8 avril 1962, portant ratification des accords d’Évian, renforce encore l’autorité du président de la République, puisque 17 508 607 électeurs métropolitains lui apportent 90,70 p. 100 des suffrages exprimés, alors que 1 795 061 ne lui en refusent que 9,30 p. 100, les abstentionnistes restant, par contre, aussi nombreux que l’année précédente : 6 580 772, représentant 24,4 p. 100 du corps électoral. Le problème algérien réglé, le général de Gaulle décide, alors, d’accepter le 14 avril la démission du Premier ministre, Michel Debré, qui aurait préféré dissoudre l’Assemblée nationale afin de renforcer la majorité parlementaire dans la foulée du référendum et d’inaugurer avec cette majorité une politique nouvelle, consacrée enfin aux problèmes « normaux » de la République.