Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

République (IIIe) (suite)

Le 1er novembre, Paul Marchandeau accepta d’échanger avec lui le portefeuille des Finances pour celui de la Justice. Dès le 12, Reynaud développa à la radio un programme depuis longtemps mûri ; un train de 42 décrets-lois lui permit, à partir du 13, de le mettre en action : impôts nouveaux, économies massives, semaine de travail portée en fait de quarante à quarante-huit heures, suppression des majorations d’heures supplémentaires. Par ailleurs, Reynaud se montra partisan d’une politique intransigeante à l’égard de l’Allemagne. Entre Daladier et lui, la rivalité grandit avec l’entrée de la France dans la Seconde Guerre* mondiale (3 sept. 1939). Quand Daladier démissionna (20 mars 1940), ce fut naturellement à Paul Reynaud que le président Lebrun recourut pour former un cabinet de Défense nationale. Paul Reynaud prit le portefeuille des Affaires étrangères, mais il garda Daladier à la Défense nationale. Ne pouvant songer à une offensive directe contre les Allemands, il voulut développer une « stratégie périphérique », ce qui l’amena à envoyer le général Weygand* en Syrie dans l’espoir — qui se révéla vain — de reconstituer un nouveau « front de Salonique ». La guerre russo-finlandaise ayant attiré l’attention des belligérants sur la Scandinavie, riche en minerai de fer, utilisé par les Allemands, il essaya, d’accord avec les Britanniques, de couper la « route du fer », qui partait des rives norvégiennes. L’invasion de la Norvège et du Danemark par les Allemands fit échouer cette opération de diversion : cet échec allait déterminer Reynaud à la démission (9 mai), quand eut lieu l’invasion de la Belgique et de la Hollande par les troupes du IIIe Reich (10 mai).

Désireux de faire face malgré tout, Paul Reynaud remania son ministère (18 mai) : il fit passer Daladier aux Affaires étrangères et prit le portefeuille de la Défense nationale ; le maréchal Pétain* fut fait vice-président du Conseil et ministre d’État. Le 19 mai, alors que la débâcle se dessinait, Gamelin* fut limogé au profit de Weygand. Reynaud avait voulu rendre confiance au pays en appelant les populaires soldats qu’étaient Pétain et Weygand, mais il lui fallut compter de plus en plus avec leur forte personnalité et avec leurs avis, qui allaient s’opposer aux siens, notamment en matière d’armistice : Weygand — appuyé par Pétain — réclama celui-ci avec insistance à partir du 12 juin. Pour renforcer son cabinet, Paul Reynaud avait, le 5 juin, éliminé Daladier et repris le portefeuille des Affaires étrangères ; en même temps, il avait constitué un sous-secrétariat d’État à la Défense nationale, confié au général de Gaulle. Mais il était trop tard : les Allemands avançaient rapidement ; le 10 juin, le gouvernement quittait Paris pour Tours puis Bordeaux, où Paul Reynaud en vint à l’idée d’un repli en Afrique du Nord. Mais, débordé par Pétain et Weygand, Reynaud démissionna le 16 juin.

Interné sur l’ordre de Pétain (sept. 1940-1942), il fut déporté par les Allemands (1942-1945). Après la Seconde Guerre mondiale, il fut député du Nord (1946-1962) et se fit l’un des champions de l’unité européenne.

P. P.

République (IVe)

Régime de la France du 3 juin 1944 au 5 octobre 1958.



Aux origines de la IVe République


Premières mesures

En érigeant le Comité français de libération nationale (C. F. L. N.), siégeant depuis un an à Alger, en un Gouvernement provisoire de la République française (G. P. R. F.) par ordonnance en date du 3 juin 1944, le général de Gaulle* crée l’instrument politique du retour à la légalité républicaine et à la mise en place d’institutions rénovées par rapport à celles qui ont été instaurées par la Constitution de 1875.

Le G. P. R. F. est installé à Paris dès le 25 août 1944 ; sa composition reflète l’union des forces politiques traditionnelles avec celles qui sont issues de la Résistance* et donc la continuité du régime républicain par le détour de Londres et d’Alger et malgré l’intermède de l’État français de Vichy*, dont la légitimité est par là même niée. Le G. P. R. F. comprend treize hommes politiques, en majorité de gauche (douze), et neuf personnalités (dont le général de Gaulle) n’appartenant à aucun parti, mais se situant en fait à droite de la S. F. I. O. Il doit résoudre d’importants problèmes politiques, économiques et militaires.

Portant remède d’abord à l’anarchie politique née de la multiplication spontanée des autorités locales d’obédiences diverses à l’aube de la Libération, le général de Gaulle entreprend la mise en place de nouveaux préfets et impose le 28 octobre la dissolution des milices patriotiques, malgré l’opposition du C. N. R. et celle du parti communiste, qui s’incline finalement, après le retour d’U. R. S. S. de son secrétaire général Maurice Thorez.


La remise en route de l’appareil de production

La France a perdu directement ou indirectement du fait de la guerre 1,5 million à 2 millions d’habitants ; elle manque non seulement de main-d’œuvre, mais aussi de logements, de moyens de transport, d’énergie, d’outillage, d’engrais et donc de produits alimentaires du fait des destructions de guerre et des prélèvements faits sur ses ressources par les Allemands au temps de l’Occupation ; les Français souffrent de la faim et du froid. La demande — stimulée par la hausse des salaires de 30 à 50 p. 100 décidée à la Libération, alors que l’appareil de production ne peut jeter sur le marché une masse correspondante de biens de consommation — nourrit l’inflation, qui ronge l’économie de la IVe République.

Si l’on avait procédé à un échange brutal des billets avec prélèvement, selon cette procédure adoptée en Belgique par le ministre des Finances, Camille Gutt, et préconisée en France par le ministre de l’Économie nationale Pierre Mendès France, l’inflation aurait peut-être été jugulée. Mais ce projet est rejeté, au profit de celui des ministres des Finances Aimé Lepercq et René Pleven, par le général de Gaulle, qui, au retour de son voyage dans le Nord, ne croit pas possible d’imposer de nouveaux sacrifices aux Français après quatre années d’occupation. Aussi, le gouvernement recourt-il à des mesures plus classiques, mais, en fait, inefficaces, en vue d’éponger la masse monétaire en excédent : emprunt à 3 p. 100, dit « emprunt de la Libération » (nov. 1944) ; blocage des prix le 17 novembre ; échange des billets d’une valeur supérieure à 50 francs le 4 juin 1945. Pierre Mendès France, démissionnaire le 18 janvier, se retire le 5 avril 1945, faute d’avoir pu faire prévaloir sa politique. Mais l’inflation demeure.