Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Renaissance (suite)

L’avènement d’Henri II, en 1547, accentue cette déviation. Un nouveau système s’élabore, qui rejette le répertoire souriant des grotesques pour adopter un formulaire moins fantaisiste et plus discipliné. L’esprit architectural anime les compositions murales ainsi que les meubles aux divisions soulignées par des pilastres cannelés, aux panneaux décorés de figurines en léger relief, dans la manière de Jean Goujon*. Les arabesques originelles font place aux godrons, aux entrelacs, éléments impersonnels, caractéristiques de la tendance nouvelle. Sur les panneaux des grands meubles se détachent des plages elliptiques ou circulaires, nues, qu’on appelle des miroirs et qu’environnent des lanières découpées. Les sièges reflètent la véritable révolution qui se consomme. Les « chaises à bras » remplacent les « chaises à haut dossier » ; un très beau modèle apparaît, dont le dossier canné s’encadre de montants tournés en spirale. Pour les dames s’invente une chaise basse à dos, sans accotoirs, la caquetoire, et en même temps se crée un siège à dos et accotoirs, quelquefois monté sur pivot, qui voisine avec les sièges en tenaille imités des sedie d’Italie. Tous les métiers d’art prennent part à cette mutation. La tapisserie*, élément alors essentiel de l’ameublement, dévie de son principe multipolaire pour devenir un tableau, composé en fonction d’un point d’attrait privilégié. La céramique abandonne sa technique originelle du « vernissé » pour rivaliser avec la faïence* émaillée italienne. Le tissu, l’orfèvrerie empruntent leurs modèles à l’Italie.

Le rayonnement de la Renaissance s’étend au loin, fût-ce avec un décalage chronologique. C’est à Palladio* que l’architecture et, par suite, le mobilier anglais demandent leur renouvellement au début du xviie s. La Suède, à la même époque, suit son exemple, tandis qu’en Espagne Alonso Berruguete* et son école substituent le classicisme de la Renaissance au style mozarabe imprégné de l’influence mauresque.

G. J.

Renaissance (musique de la)

Il en est de la Renaissance comme du Moyen Âge*. Le terme et l’idée même en sont fort discutés. La musique, qui, étant un langage particulier, obéit à des lois dont le rapport avec les circonstances et avec les autres activités artistiques n’est pas évident, évolue selon une logique qui lui est propre, même si cette évolution s’infléchit quelque peu en fonction des conditions dans lesquelles elle voit le jour.


Certes, à cette époque, des données nouvelles, intérieures et extérieures à la musique, interviennent qui peuvent permettre aux historiens de cet art de se justifier quand ils considèrent la Renaissance comme une réalité musicale ; mais cela répond bien plus encore aux exigences intellectuelles de simplification et d’uniformisation et à l’acceptation d’un cadre commode pour l’exposé qu’à une observation dépourvue d’a priori.

Une vision objective de l’évolution du langage musical interdit en effet de considérer la fin du xve s. comme le terme d’une esthétique. Si terme il y a, ce terme se situe au début du xviie s., au moment où se généralise la mélodie accompagnée et où naît le sentiment harmonique. Le xvie s., dans son ensemble et même dans sa diversité, se présente plutôt comme le point d’aboutissement d’efforts cohérents qui conduisent sans véritable solution de continuité de l’époque de Pérotin à celle des Josquin Des Prés, Janequin et Lassus. Le ferment d’unité entre tous ces siècles est la polyphonie*, « qui atteint, à cette époque, cette sorte de classicisme stabilisateur aboutissant aux approches du xviie s. [...] à un arrêt provisoire dans ses possibilités de développement » (C. Van den Borren). Et cette sorte d’âge classique de la polyphonie, que l’on peut appeler Renaissance, il convient le plus souvent de le faire débuter vers 1450-1460 et s’achever aux alentours de 1600.

Montrer que la Renaissance musicale est plus un aboutissement qu’un point de départ n’est pourtant pas montrer qu’elle ne fut pas nouvelle. Aucune nouveauté n’est jamais que dans l’accent, dans l’enthousiasme, dans la conscience que l’on a de sa valeur et de son efficacité. À ce titre, même musicalement, le xvie s. est donc bien une renaissance.

Et à ce renouveau, plus que tout autre élément a contribué l’invention de l’imprimerie. Certes, depuis quarante années de ce que l’on peut appeler une pré-Renaissance, l’outil était forgé, à savoir l’idéal sonore qui allait prévaloir durant tout le xvie s. : le quatuor vocal formé de deux paires de voix, utilisant des figures de note du même ordre de valeur, ce qui permettait la généralisation de l’imitation. À cela avaient contribué, en France, des maîtres comme G. Dufay*, dans sa dernière manière, et surtout J. Ockeghem*, notamment dans sa musique religieuse ; et, en Italie, tous ces petits-maîtres auteurs de frottole et de laudes. Mais à cette floraison de la polyphonie, à cet épanouissement, l’imprimerie donne son lustre, sa consécration et une audience jamais égalée. Dès 1487 apparaît dans un traité de Nicola Burtius (ou Burzio) de la musique gravée. Et à partir de 1501 en Italie, grâce à Ottaviano Petrucci, de 1528 en France, grâce à Pierre Attaingnant, déferle sur toute l’Europe occidentale la production polyphonique des grands du jour, Italiens, Français, Flamands, Espagnols. Recueils de messes, motets, laudes, passions, etc., alimentent les grandes chapelles ecclésiastiques ou princières dont l’accroissement progressif en nombre et en qualité exige une production sans cesse renouvelée. Et cet effort d’édition ne se ralentira jamais plus, auquel contribueront, outre l’Italie et la France, les Pays-Bas, puis les pays germaniques et enfin l’Angleterre.

Durant la première partie du siècle, les efforts des compositeurs s’exercent tant dans le domaine profane que dans le domaine sacré, toutefois avec priorité donnée au sacré, puis au profane. Le maître incontesté du moment fut Josquin Des* Prés, dont messes et motets servirent à tous de modèle. La messe unitaire avec teneur commune à toutes les sections atteint avec lui un rare degré de perfection. C’est à Josquin que se réfère Luther quand, instaurant la Réforme, il recommande aux musiciens comme J. Walther († 1570), auteur du plus ancien recueil de chants polyphoniques protestants (1524), de le prendre comme modèle.