Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rembrandt (suite)

Rembrandt est alors à son apogée. Riche, considéré, il ajoute aux revenus de ses propres œuvres celui d’un atelier fréquenté par de nombreux élèves — il en eut jusqu’à trente —, parmi lesquels se distinguent surtout Ferdinand Bol (1616-1680) et Carel Fabritius (1622-1654). Ce dernier, qui deviendra le maître de Vermeer, constitue la transition entre le style agité et obscur de son maître et celui, calme et lumineux, de son élève. Les nombreuses œuvres d’atelier, peintes en collaboration, les copies d’élèves, les imitations, qui, dès cette époque, prennent une valeur commerciale, rendent délicates les authentifications et expliquent les divergences des catalogues. L’influence de Rembrandt sur les peintres de son temps est difficilement estimable, car autant son œuvre marque une nouvelle dimension de la représentation picturale, autant sa grande originalité frappe de banalité les artistes qui s’en inspirent trop directement. Comme beaucoup de grand novateurs, Rembrandt n’a eu que des épigones, chez qui ses audaces — le clair-obscur en particulier — sont devenues des procédés pesants, appliqués de façon systématique. Il n’est pas un théoricien : il se nourrit de pratique et d’exemples. Tel était sans doute son enseignement, qui semble avoir profité avant tout au maître. Celui-ci ne mène dans son atelier que des expériences empiriques, d’observation curieuse, et collectionne pour cela, avec un éclectisme étonnant à son époque, toutes sortes d’objets et d’œuvres. Une eau-forte s’inspire du Castiglione de Raphaël* (autoportrait) une autre, plus tardive, de miniatures orientales (Abraham servi par les anges), mais ces influences sont noyées dans la particularité de sa manière.

D’autres tableaux de Rembrandt dans les musées du monde

• Amsterdam. RIJKSMUSEUM : Jérémie pleurant la destruction de Jérusalem (1630) ; le Pont de pierre (v. 1637) ; Titus en habit de moine (v. 1655) ; la Leçon d’anatomie du Dr Deyman (fragment, 1656) ; le Reniement de saint Pierre (1660) ; Portrait de Rembrandt en apôtre Paul (v. 1661) ; la Fiancée juive (v. 1668).

• Berlin. STAATLICHE MUSEEN ; Samson et Dalila (1628) ; Portrait de Saskia (1631) ; Suzanne et les vieillards (1638) ; Paysage (v. 1640) ; le Songe de Joseph (1645) ; l’Homme au casque d’or (v. 1650) ; Joseph accusé par la femme de Putiphar (1655) ; Combat de Jacob avec l’ange (v. 1660).

• Boston. MUSEUM OF FINE ARTS : Portrait au chevalet (v. 1628).

• Cologne. WALLRAF-RICHARTZMUSEUM : Portrait du Dr Sylvius (1644) ; Autoportrait (1668).

• Dresde. STAATLICHE KUNSTSAMMLUNGEN : l’Enlèvement de Ganymède (1635) ; les Noces de Samson (1638).

• Dublin. NATIONAL GALLERY OF IRELAND : Halte pendant la fuite en Égypte (1647).

• Édimbourg. NATIONAL GALLERY OF SCOTLAND : Jeune Femme dans son lit (v. 1646).

• Florence. MUSÉE DES OFFICES : Portrait de Saul Lévy Morteyra (v. 1655) ; Autoportrait (v. 1656).

• Kassel. STAATLICHE GEMÄLDEGALERIE : Saskia en Flore (1641) ; Sainte Famille (1646) ; Paysages (v. 1648 et v. 1650) ; Jacob bénissant Ephraïm et Manassé (v. 1656).

• La Haye. MAURITSHUIS : la Mère de Rembrandt (v. 1628) ; Saül et David (v. 1656) ; les Deux Nègres (1661) ; Autoportrait (v. 1669).

• Leningrad. MUSÉE DE L’ERMITAGE : le Sacrifice d’Abraham (1635) ; Danaé (v. 1636) ; Sainte Famille (1645) ; le Retour de l’enfant prodigue (v. 1668).

• Londres. NATIONAL GALLERY : Portrait d’une femme de 83 ans (1634) ; Autoportrait (1640) ; la Femme adultère (1644) ; l’Adoration des bergers (1646) ; Femme au bain (v. 1655) ; Portrait de Margaretha Trip (1661). WALLACE COLLECTION : la Parabole du serviteur infidèle (v. 1655).

• New York. METROPOLITAN MUSEUM OF ART : Aristote contemplant le buste d’Homère (1653) ; Hendrickje Stoffels en Flore (v. 1653) ; Femme à l’œillet (v. 1668).

• Paris. MUSÉE JACQUEMART-ANDRÉ : Portrait du Dr Arnold Tholinx (v. 1656). MUSÉE DU LOUVRE : le Philosophe en méditation (1633) ; Rembrandt à la toque et à la chaîne d’or (1634) ; l’Ange Raphaël quittant Tobie (1637) ; Sainte Famille (1640) ; les Pèlerins d’Emmaüs, le Bon Samaritain (1648) ; Bethsabée au bain (1654) ; le Bœuf écorché (1655) ; Portrait de Rembrandt âgé (v. 1660) ; Saint Matthieu inspiré par l’ange (1661).

• Stockholm. NATIONALMUSEUM : la Conspiration des Bataves sous Claudius Civilis (1661) ; Siméon au Temple (inachevé, 1669).

• Rotterdam. MUSÉE BOYMANS-VAN BEUNINGEN : Titus à l’écritoire (1655).


Les revers et la maturité de son style

Dès après 1642 commence le déclin matériel et familial de Rembrandt. L’année de la Ronde de nuit est aussi celle de la mort de Saskia. Des quatre enfants de l’artiste, seul le dernier, Titus, né en 1640, survit. Rembrandt connaît alors des ennuis de toutes sortes. Ses collections et surtout l’achat d’une superbe maison — encore conservée et transformée en musée à Amsterdam, sur la Breestraat —, où il a installé ses ateliers et sa presse à taille-douce, l’ont endetté plus qu’il ne le pensait. Il ne peut se remarier, sous peine de voir le bel héritage de Saskia passer à la sœur de celle-ci. Il vit avec Geertje Dircx, qui l’abandonne en l’accusant de promesse de mariage non tenue. Condamné à lui verser une pension, il termine cette affaire de façon lamentable, en faisant enfermer Geertje pour « vie dissolue ». Hendrickje Stoffels prend la défense de Rembrandt et la place de Geertje. Il aura d’elle une fille, Cornelia, en octobre 1654. Hendrickje et Titus gèrent le commerce d’œuvres d’art, dans lequel Rembrandt, peut-être à tort, cherche un revenu capable de maintenir son train de vie. En 1648, l’artiste ne figure pas, malgré son renom incontesté, dans l’équipe de peintres officiels chargés de décorer le nouvel hôtel de ville d’Amsterdam. En 1656, il doit vendre aux enchères sa collection d’œuvres d’art, considérable, qui comprend des objets exotiques aussi bien qu’une série de tableaux italiens, en particulier vénitiens. Il fait état de « revers commerciaux et pertes subies dans le commerce d’outre-mer » pour expliquer la mise en vente de sa maison et de sa collection d’estampes et de dessins personnels, qui sera adjugée au tiers de son estimation. Cette baisse peut être interprétée comme une baisse de faveur, quoique les commandes ne semblent jamais s’être ralenties, ou plutôt comme l’effet d’une crise économique générale, ou encore, plus simplement, par le manque de publicité de la vente. Malgré ces revers, Rembrandt demeure en effet l’artiste le plus en vue d’Amsterdam, le seul qui puisse prétendre à une renommée vraiment internationale, car non seulement ses eaux-fortes circulent et le font connaître, mais même ses tableaux sont vendus en France et en Italie. Malgré la critique italienne, qui parle de « l’extravagante façon de peindre de Rembrandt », un noble Sicilien, Antonio Ruffo, lui commande un Aristote puis une série de ses eaux-fortes.