Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

reliure (suite)

Les tissus les plus divers ont été employés dès le début du xvie s. : velours, riches étoffes d’origine lointaine, que signale l’inventaire de la bibliothèque de Charles V dressé en 1373, en raison de la difficulté qu’il y avait, à cette époque, à se procurer des cuirs de belle qualité. Au xvie s., les capitulations permirent aux relieurs de se procurer les peaux de maroquin du Levant, qui seront alors largement employées.

Au xixe s., les percalines, toiles de coton apprêtées, teintes et gaufrées, recouvrent les cartonnages romantiques, les grandes collections illustrées et les premières encyclopédies réalisées industriellement. Depuis 1930, on leur préfère les tissus simplement apprêtés et teints, souvent doublés d’un papier mince ; la variété de ceux-ci provient de la grosseur des fils et des différentes matières utilisées pour le tissage : coton, jute, textiles artificiels (rayonne, fibranne). Les feuilles de chlorure de vinyle, soudées sur les bords, enfermant un carton plus ou moins rigide, forment des couvertures résistant aux frottements et sont retenues pour les classeurs et les catalogues industriels.

Le papier a souvent recouvert les livres de petit format, tels les agendas populaires du xviiie s. Des livres d’enfants, des manuels scolaires sont recouverts de papiers imprimés, vernis ou pellicules. Des papiers spéciaux pour la reliure sont imprimés ou enduits, gaufrés et vernis, d’une résistance éprouvée et d’aspects très variés ; d’autres sont fabriqués avec des fibres longues agglomérées par des plastifiants et reçoivent des enductions cellulosiques ou vinyliques : colorés, gaufrés, vernis, ils sont solides, d’aspect agréable et sont employés pour les ouvrages de bibliothèques et les encyclopédies.


Papiers de garde

Les papiers employés pour les gardes, dont la résistance assure la solidité de l’emboîtage, doivent être coupés de telle sorte que leurs fibres soient alignées parallèlement au dos de manière à éviter le gondolage de la couverture. Ces papiers sont soit blancs, soit teintés dans la masse, ou encore imprimés : à-plat uni, dessin ou texte. Le papier de garde doit être une transition entre la décoration de la couverture et les couleurs de la page de titre, et, éventuellement, un élément décoratif en rapport avec le contenu du livre. Les papiers marbrés employés depuis le xve s. soit comme papiers de garde, soit comme papiers de plat sur les demi-reliures présentent une grande variété de couleurs et de dessins qu’on retrouve sous leurs dénominations anciennes (peigne, queue de paon, mosaïque, annonay) ou récentes (maître-relieur, flammé, nacré). On les obtient en projetant à la surface d’un mélange liquide des couleurs grasses, qui se répandent sans se mélanger ; celles-ci sont disposées en dessins différents à l’aide d’une tige ou d’un peigne en bois : l’ouvrier pose précautionneusement sur la cuve une feuille de papier qui recueille les couleurs et les dessins insolites ainsi réalisés.


La décoration du livre


Évolution des techniques

Orner la couverture du livre n’était pas la préoccupation essentielle de ceux qui, jadis, avaient la charge des livres d’études : les dos et les plats de bois étaient protégés par un morceau de cuir grossier. Il n’en était pas de même dès qu’il s’agissait de la reliure des textes religieux. La peau de chèvre qui recouvre les manuscrits coptes du ve s., en Égypte, présente l’ébauche d’une décoration du cuir incisé ou repoussé. Dans les tâtonnements de ces précurseurs, on trouve déjà les tracés régulateurs qui seront largement utilisés par la suite : un rectangle inscrit homologue du rectangle impérieux que constitue le plat de la couverture, où des diagonales ménagent de petits losanges ornés chacun en leur centre d’une esquisse de stylisation florale, d’une incrustation de parchemin blanc ou doré ; ou bien un grand losange dont les sommets sont pointés aux milieux des quatre côtés du rectangle inscrit, schéma qu’on retrouve dans les premières reliures persanes ou vénitiennes au xive s.

Les évangéliaires et les psautiers de l’époque médiévale sont offerts à la vénération des fidèles comme des châsses et, comme elles, recèlent des reliques. Ils sont ornés d’or et de pierres fines ou même précieuses, d’ivoire et d’émaux. Un couvercle de coffret en ivoire du iiie s., de fabrication romaine et d’inspiration païenne, est même détourné de son usage initial pour couvrir le plat d’un tropaire (recueil des premières paroles adoptées aux vocalises du chant grégorien) du xiie s. Encadrées de larges bandeaux d’orfèvrerie, les scènes évangéliques et les figures saintes gravées dans l’ivoire se retrouvent sur les émaux limousins à partir du xiie s.

Dès le xie s., deux méthodes sont employées pour décorer le cuir : la ciselure, qui consiste à graver sur le cuir assoupli à l’eau chaude un dessin à l’aide d’un poinçon entaillant légèrement la fleur du cuir, et l’estampage, qui utilise la pression de blocs de buis gravés en creux et en reliefs, laissant leur empreinte sur le cuir humidifié, pour réaliser ce qu’on appelle le tirage à froid, par opposition à la dorure. Le terme d’estampage a été conservé lorsqu’on a employé, au lieu du bois, un petit bloc de fer gravé, comme celui qui est destiné à frapper les cachets de cire ; ce bloc a été remplacé depuis par un bloc de cuivre, gravé et emmanché, que l’on dénomme toujours fer à dorer. Ce peut être une petite palette dont on appuie la tranche chauffée sur le cuir humide pour tracer les traits droits ou courbes, ou bien un motif de dimensions variables (de 20 sur 20 mm environ), qui, au milieu du xiie s., est emprunté à la fantaisie des enluminures accompagnant le texte ; les dessins sont disposés sur les plats en bandes horizontales ou verticales, en encadrements ou à la façon d’un carrelage.

La roulette est créée pour rendre plus rapide une partie du travail au petit fer. C’est un cercle de métal tournant librement sur un axe dont les extrémités sont fixées sur un étrier monté sur un manche en bois. La mince bordure du cercle, avançant en roulant sur le cuir, y laisse la trace d’un filet plus ou moins large suivant l’épaisseur du cercle, plus ou moins brillant suivant la température à laquelle on a porté la roulette. Si le cercle est remplacé par un cylindre plat de quelques centimètres d’épaisseur gravé d’un motif se répétant sans discontinuité, on laissera sur le cuir la trace répétée de ce motif : fleurettes, rinceaux, losanges, spirales, armoiries, voire petits personnages.