Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Religion (guerres de)

Suite de conflits, autant religieux que politiques, qui ensanglantèrent la France de 1562 à 1598 et qui se terminèrent par l’édit de Nantes.



Les causes

Le concordat de Bologne signé en 1516 entre François Ier* et Léon X portait en germe la condamnation du protestantisme par le pouvoir monarchique. En effet, il accordait au roi de France la disposition des biens de l’Église et un pouvoir quasi absolu sur son clergé (v. gallicanisme). Aussi, malgré ses sympathies pour les réformés et les efforts de sa sœur Marguerite d’Angoulême en leur faveur, François Ier n’avait rien à attendre d’un changement de religion en France, qui non seulement n’aurait pas augmenté sa puissance, mais y aurait porté atteinte en sapant l’unité de foi de ses sujets. Depuis Louis XI en effet, la monarchie française s’était résolument engagée dans la voie de la centralisation. Cette tendance verra son épanouissement sous Louis XIV, selon la formule « Un roi, une foi, une loi ».

En 1534, un violent pamphlet du pasteur Antoine de Marcourt contre la messe, intitulé Articles véritables sur les horribles, grands et importables abus de la messe papale inventée directement contre la sainte Cène de Notre-Seigneur et affiché jusque sur la porte de la chambre royale à Amboise, met le feu aux poudres. François Ier prescrit une procession expiatoire, et les bûchers flambent (affaire des Placards).

Henri II* se montre encore plus intraitable que son père (édits de Châteaubriant en 1551 et de Compiègne en 1557). Pourtant, les persécutions n’empêchent pas la réunion à Paris, le 26 mai 1559, du premier synode général des Églises de France, alors que le roi vient de signer avec Philippe II* la paix du Cateau-Cambrésis (3 avril) dans le dessein de se consacrer entièrement à l’extirpation de l’hérésie, selon la déclaration du cardinal de Lorraine au Parlement de Paris : « L’opinion du roi a été de faire la paix à quelque condition que ce fût, pour, de là en avant, vaquer plus à son aise à l’extermination et au bannissement de l’hérésie de Calvin. »

Par la proclamation de l’édit d’Écouen (2 juin) qui invite les tribunaux à ne prononcer contre les hérétiques d’autre peine que la mort, et par l’emprisonnement du conseiller au Parlement Anne Du Bourg, Henri II affirme que l’unité de la foi est essentielle à l’État. Devant cette attitude intransigeante, il ne reste plus aux protestants que le choix entre l’abjuration, la fuite ou la révolte.

Quelques semaines après, la disparition d’Henri II (10 juill. 1559), qui meurt en recommandant à son peuple de persister fermement dans la foi, laisse la France entre les mains du faible François II (1559-60), parent, par son épouse Marie Stuart, des Guise, chefs du parti catholique. Aussi la politique d’Henri II est-elle continuée, l’édit d’Écouen est-il renforcé, et Anne Du Bourg exécuté (23 déc.).

Mais les persécutions n’ont pas réussi à freiner l’hérésie ; elles ont même contribué à la fortifier. À cette date, le protestantisme est présent partout. Il est particulièrement implanté dans la région de Meaux, en Normandie et à Lyon, proche de Genève. De Lyon, par les vallées, il se répand en Auvergne, en Vivarais et en Languedoc. Le Sud-Ouest est gagné grâce à l’influence du royaume de Navarre et des marchands protestants de La Rochelle.

Les protestants représentent donc une force numérique importante. On compte environ 2 500 églises établies, et les réformés réclament à Genève l’envoi de 6 000 ministres. Populaire au début, le recrutement devient vers 1560 plus aristocratique. Aux artisans et aux bourgeois se joignent alors de nombreux gentilshommes, petits et moyens seigneurs terriens. Ils sont plus de 2 000 à cette époque, et ce sont eux qui répandent la nouvelle religion dans les milieux ruraux, chez les paysans dépendant de leurs seigneuries, jusqu’alors peu touchés par l’hérésie. Sous l’influence des seigneurs, les théologiens huguenots reconnaîtront aux réformés le droit de rébellion armée contre le pouvoir, ce que Calvin avait jadis interdit.

La première tentative de cette gentilhommerie est un sanglant échec. Mal préparée, la conjuration d’Amboise (mars 1560), fomentée par Godefroi de La Renaudie, aboutit à de nombreux supplices et à la condamnation à la peine capitale du prince Louis de Condé*, qui n’est sauvé que par la mort du roi (5 déc. 1560).

La régente Catherine* de Médicis, qui gouverne au nom du jeune Charles IX, inquiète de l’influence des Guise, suit la politique d’apaisement du chancelier Michel de L’Hospital et se rapproche des protestants. En 1561, elle tente de concilier les deux religions au colloque de Poissy, où s’affrontent Théodore de Bèze* et le cardinal de Lorraine. Cette initiative avorte, mais la régente, par l’édit de janvier 1562, accorde aux réformés la liberté de culte hors des villes.

Les passions religieuses, cependant, sont déjà trop vives pour être contenues. Le 1er mars de la même année, à Wassy, les Guise massacrent les protestants coupables de célébrer leur culte à l’intérieur des murs de la cité.


Luttes sanglantes et paix précaires (1562-1577)

Trente années de guerres civiles vont ravager la France à la suite de l’affaire de Wassy ; les deux partis rivaliseront de cruautés, d’exécutions massives, de supplices, d’exactions de toutes sortes. Un baron des Adrets, chez les protestants, un Biaise de Monluc, du côté catholique, resteront célèbres pour les exploits horribles de leurs soldatesques.

Dès 1562, la politique est intimement liée aux affaires religieuses ; les catholiques, qui ont à leur tête le duc François de Guise, le maréchal de Saint-André et le connétable Anne de Montmorency (le « triumvirat »), demandent l’aide de l’Espagne, tandis que les protestants sollicitent Élisabeth Ire* d’Angleterre, qui en profite pour s’emparer du Havre.

La mort d’Antoine de Bourbon au siège de Rouen, celle de Saint-André à Dreux, puis l’assassinat du duc de Guise par Jean de Poltrot de Méré à Orléans, sans doute à l’instigation de l’amiral de Coligny, vont permettre à Catherine de rétablir la paix. L’édit d’Amboise du 19 mars 1563 accorde celle-ci aux protestants. C’est la première d’une longue série de paix précaires.

Pour établir dans le royaume l’autorité royale, la régente et Charles IX entreprennent une tournée dans toute la France. Durant ce voyage, Catherine de Médicis rencontre à Bayonne le duc d’Albe, conseiller de Philippe II. Les pourparlers n’aboutissent à rien de positif, mais les protestants s’alarment, et le prince de Condé tente, mais en vain, d’enlever le roi (1567).