Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Recife (suite)

Grâce à son excellente situation géographique, sur la pointe du continent latino-américain, Recife fut, à l’époque coloniale, un port important pour les relations commerciales entre le Portugal et sa colonie brésilienne. Au point le plus proche de l’Europe et de l’Afrique, bénéficiant de la protection naturelle offerte par les barres rocheuses du relief littoral, le port assurait l’exportation du principal produit des plantations de l’intérieur : la canne à sucre. Aussi Recife devint-elle une ville active dès les xviie et xviiie s., encore que la première fondation ait été celle d’Olinda, qui constitue actuellement un faubourg de la ville.

La mise en place d’un réseau essentiellement routier lui permet maintenant de drainer une part importante des denrées exportables du Nord-Est brésilien ; en revanche, Recife reste un peu en marge des grands axes nord-sud qui assurent les liaisons entre le Sud-Est industriel et le Nord-Est agricole. Aussi ses fonctions ont-elles subi une relative stagnation après la Seconde Guerre mondiale. Cet affaiblissement de la fonction commerciale a été compensé lorsque Recife a été choisie par les services d’aménagement du Nord-Est (SUDENE : Superintendência do Desenvolvimento do Nordeste) comme l’un des futurs pôles industriels lie cette région. Actuellement coexistent les fonctions traditionnelles issues du rôle acquis dès l’époque coloniale et les fonctions modernes issues de l’industrialisation. Les premières reposent d’abord sur l’existence du port, qui a un trafic global de 3 Mt ; les exportations de sucre forment une part importante de ce contingent, mais le port assure des trafics beaucoup plus complexes ; il reçoit les denrées destinées aux marchés du Nord-Est et en assure la distribution. Enfin, les fonctions industrielles provoquent l’entrée de matières premières ou de produits intermédiaires. Recife est un grand centre de commerce de grossistes et abrite des entrepôts de marchandises. C’est également un centre bancaire important, encore que la plupart des établissements ne soient que des succursales de banques brésiliennes ou étrangères. Recife est aussi la capitale du Pernambouc : dans le domaine administratif, sa zone d’influence est nettement plus étroite que dans le domaine commercial, puisque l’État représente une langue de terre relativement petite qui s’enfonce vers l’intérieur. Dans le domaine de la gestion, Recife retrouve sa fonction de métropole de l’ensemble du Nord-Est, car c’est là que se trouve le service fédéral de la SUDENE. L’université, aussi, rayonne bien au-delà de l’État de Pernambouc. Toutes ces activités expliquent la présence d’une fraction riche de la population : Recife est un centre d’activités tertiaires variées.

Depuis quelque temps, la fonction industrielle s’accroît. Certes, l’industrie s’était implantée à Recife dès la fin de la Première Guerre mondiale, avec quelques manufactures de textiles et de produits alimentaires et une usine d’extraction de phosphates. Mais ces activités restaient de faible importance ; le sous-emploi sévissait, tandis que la population croissait à un rythme démesuré. Aussi Recife fut-elle la première ville choisie par la SUDENE pour une politique d’industrialisation du Nord-Est brésilien. Une série d’incitations, au moyen de subventions, d’aides de l’État et d’une législation fiscale particulière, a entraîné des investissements considérables, dans la ville et surtout dans des banlieues, plus particulièrement celles de Cabo et de Paulista. À Cabo existe maintenant un district industriel desservi par des routes et une voie ferrée qui le relient à l’ensemble du Nord-Est : des usines alimentaires, mécaniques et sidérurgiques s’y sont implantées. Dans la banlieue de Paulista, située à une vingtaine de kilomètres du centre, se développent des industries textiles et de matières plastiques, ainsi que d’autres activités chimiques et mécaniques. D’une façon générale, cet essor repose sur des investissements importants. Il en résulte la création d’industries à haut coefficient d’investissement, très mécanisées et utilisant une technicité de pointe ; les usines emploient peu de main-d’œuvre et d’une qualification trop élevée pour correspondre aux possibilités de la masse misérable des sans-emplois de Recife. La population urbaine est toujours marquée par le déséquilibre entre la population potentiellement active et celle qui est réellement intégrée dans des emplois permanents.

Avec 1 085 000 habitants, Recife est la quatrième vile du Brésil, mais aussi celle qui détient le plus fort pourcentage de sans-travail ; le niveau de vie y reste très bas. D’une façon permanente, et plus encore en période de sécheresse dans la zone intérieure du Nord-Est, les campagnes de cette grande région sous-développée du Brésil envoient des émigrants qui viennent s’accumuler dans la ville. L’espace urbain est marqué par la grande extension des zones misérables de bidonvilles, les « mocambos », qui couvrent les rives marécageuses des fleuves.

En effet, Recife est installée dans une zone d’estuaire où se jettent deux fleuves : le Capibaribe et le Beberibe, dont les bras déterminent un certain nombre d’îles ; celles-ci constituent le site original de Recife. L’île la plus proche de l’Océan a servi de base pour le port ; c’est là que se sont installées les premières maisons de commerce. Mais cette zone a subi ensuite une phase de dégradation, et le centre des affaires s’est déporté légèrement vers l’intérieur.

Actuellement, toutes les îles sont reliées par de très nombreux ponts. La rénovation récente des vieux quartiers a donné naissance à un certain nombre de hauts immeubles le long des axes principaux. Mais, de part et d’autre de ces grandes voies, la partie ancienne reste une zone dégradée d’habitat pauvre. Les quartiers résidentiels se sont organisés à l’intérieur de la plaine littorale, qui comporte de nombreuses villas plus ou moins riches, ou, plus récemment, le long de la plage de Boa Vista, longtemps réservée aux résidences secondaires d’été ; c’est actuellement une zone d’expansion pour la résidence permanente de la fraction aisée de la population.

Cependant, à proximité même de Boa Vista, une zone de cabanes très pauvres témoigne, à l’intérieur même de l’espace urbain, des contrastes sociaux accusés et de la misère partout présente dans l’ensemble du Nord-Est brésilien.

M. R.

➙ Nordeste.