Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ravenne (suite)

Siège de la Cour impériale, Ravenne est témoin de nombreuses révolutions de palais : exécutions de Stilicon le 22 août 408, de Turpilion et de Vigilance, les chefs de l’armée romaine, en mars 409 sur l’ordre d’Honorius, toujours prompt à s’incliner devant les exigences des soldats révoltés ; élévation à la pourpre du « primicier des notaires » Jean en 423, du généralissime Majorien le 1er avril 457, du comte des domestiques Glycère le 5 mars 473, de Romulus Augustule le 29 octobre 475. Mais, de 456 à 472, le vrai chef de l’Italie est le prince souabe Ricimer. En septembre 476, Ravenne passe définitivement sous l’autorité d’un autre prince barbare, le Skire Odoacre (v. 434-493), qui y dépose le dernier empereur romain d’Occident.

Après un siège de plus de deux ans, Odoacre capitule entre les mains du roi des Ostrogoths Théodoric Ier* le 25 février 493, et, le 15 mars, il est assassiné par son vainqueur, qui établit à son tour sa résidence à Ravenne et implante autour de la ville une grande partie de son peuple.

En marge de la cité romaine, siège de la préfecture du prétoire d’Italie, se développe alors un quartier gothique compact autour de la cathédrale arienne. Déjà ornée de nombreux édifices religieux par les empereurs romains du ve s. (église San Giovanni Evangelista, fondée en 424 par Galla Placidia ; église Sant’Agata Maggiore), Ravenne est alors parée de constructions somptueuses qui rivalisent avec les plus beaux édifices de Constantinople : palais dit « de Théodoric » où réside le souverain, tombeau de Théodoric (520), église Sant’Apollinare Nuovo, aux admirables mosaïques du début du vie s., etc. (v. Byzantin [empire], l’art byzantin).

La reconquête justinienne, marquée par la prise de la ville par Bélisaire en mai 540, relègue celle-ci au rang d’une métropole régionale, simple siège de la préfecture du prétoire d’Italie. Pourtant, les empereurs byzantins parent Ravenne de nouvelles églises : San Vitale et Sant’Apollinare in Classe, consacrées en 547 et en 549.

Témoin en Occident des splendeurs de l’art byzantin adaptées aux influences locales, assurant par ailleurs, dans une certaine mesure, l’héritage intellectuel de l’Antiquité classique, Ravenne est aussi la tête de pont autour de laquelle l’Empire romain d’Orient organise la défense de ses possessions italiennes face aux Lombards*, qui occupent à deux reprises le port de Classis — d’abord entre 579 et 589 puis en 716 — et qui finissent par s’emparer de Ravenne elle-même — d’abord temporairement en 732 ou 733, puis définitivement en 751.

Pour faire face à ce danger pressant, l’empereur en fait à partir de 584 la résidence permanente de l’exarque. Ce dernier s’efforce de défendre la ville en maintenant ouverte la route militaire de Rome et en s’assurant une alliance de revers : celle des Francs, qui, sous le règne de Pépin le Bref*, joue finalement au bénéfice du pape. En vertu de l’entrevue de Ponthion le 6 janvier 754 et de l’accord de Quierzy du 14 avril de la même année, c’est en effet à ce dernier que le roi des Lombards Aistolf (749-756) se trouve contraint de céder Ravenne et l’exarchat aux termes des sièges de Pavie (754 et 756). En 773-774, Didier (756-774) provoque l’intervention de Charlemagne, qui met alors fin à l’indépendance lombarde.

La ville, incorporée au « patrimoine de Saint-Pierre », devient partie intégrante du royaume d’Italie en 889, et est revendiquée en vain par l’empereur Nicéphore II Phokas en 966 ; elle est le siège de l’entrevue entre le pape Sylvestre II, l’empereur Otton III en avril 1101 et la délégation envoyée par Étienne* de Hongrie, elle est dès lors surtout un centre d’études juridiques (droit romain) et de renouveau de la vie religieuse, où s’établissent au xe s. des moines d’observance clunisienne ainsi que des colonies mixtes de moines et d’ermites.

Assujettie aux rois de Germanie, commune aristocratique au xiie s., chef-ville d’une ligue des villes de Romagne et de Marche hostiles aux Hohenstaufen en 1198, occupée par Frédéric II en 1240, soumise enfin à la seigneurie des Polenta de 1275 à 1441, elle doit accepter d’abord le contrôle économique au xiiie s., puis l’occupation vénitienne de 1449 à 1509. Annexée aux États du Saint-Siège (1509-1797), pillée par les forces françaises de Gaston de Foix, victorieuses des troupes espagnoles le 11 avril 1512, dépeuplée par la malaria, elle n’est plus qu’une ville secondaire, incorporée pour à tour par les Français, à la république Cisalpine (1797), à la République italienne (1802), puis au royaume d’Italie (1805). Restituée en 1815 au Saint-Siège, contre lequel elle se révolte en juin 1859, elle vote son rattachement au Piémont en mars 1860.

L’exarchat de Ravenne

Province de l’Italie byzantine encerclée par les forces lombardes, l’exarchat de Ravenne est administré par un représentant personnel de l’empereur : l’exarque en résidence à Ravenne depuis 584.

L’exarque (patricius et exarchus Italiae) est un véritable vice-empereur, qui concentre entre ses mains la totalité des pouvoirs civil et militaire de par la volonté première de l’empereur Maurice (582-602). Il administre la totalité de l’Italie byzantine : Istrie, Vénétie occidentale, Ravenne, Pentapole, Gênes, Rome et Naples. Pour défendre ces territoires, il ne dispose que d’une armée peu nombreuse, dont le recrutement est de plus en plus local, faute de renforts venus d’Orient.

Préoccupés de maintenir leurs liaisons avec Rome, les successeurs de Smaragde (585-589) et de Romain (589-593) ne peuvent coordonner leurs efforts avec ceux du pape en raison des nombreux conflits opposant ce dernier à l’empereur et de l’attitude des milices locales. L’exarchat, réduit aux territoires situés au nord de l’Apennin (731-732), disparaît lorsqu’en 751 le roi des Lombards Aistolf s’en empare.

P. T.

➙ Byzantin (Empire) / Italie.

 C. Dielh, Ravenne (Laurens, 1903). / G. Bovini, Ravenna, città d’arte (Ravenne, 1967 ; trad. fr. Rayonne, Cercle d’art, 1971).