Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rail

Profilé d’acier sur lequel roulent les roues des véhicules ferroviaires.



Origine et évolution

Les premiers rails apparaissent au xviie s., bien avant l’invention de la locomotive. Ils sont constitués par des planches juxtaposées bout à bout sur lesquelles on fait rouler les bennes de charbon dans les galeries de mine. Mais il faut attendre 1767 pour voir apparaître les premiers rails métalliques, constitués par des cornières en fonte en forme de U. Les ruptures fréquentes de ces rails, dues à la fragilité de la fonte, les font remplacer par des éléments en fer, puis en acier. Leur résistance augmente avec la charge qu’ils doivent supporter, et leur longueur progresse avec les possibilités offertes par les laminoirs. De quelques mètres, la longueur des rails passe à 12, 18, 24 puis 36 m avant que n’apparaissent les rails soudés dont la longueur peut atteindre plusieurs kilomètres. Le profil en double champignon, très répandu au début du chemin de fer parce qu’il pouvait être retourné lorsqu’un champignon était usé, est maintenant totalement abandonné, car la partie en contact avec les traverses présente une usure et une déformation aussi importantes que celles de la partie du rail sur laquelle roulent les véhicules. Aujourd’hui, toutes les voies principales sont équipées du rail à patin imaginé en 1830 par l’Américain Robert Livingston Stevens (1787-1856) et introduit en Europe vers 1836 par l’Anglais Charles Blacker Vignoles (1793-1875). Le profil du rail à patin n’a guère varié ; seules ses caractéristiques et ses dimensions ont évolué. À l’origine, la préoccupation dominante, celle de l’usure superficielle du champignon, conduisait à donner à ce dernier d’assez fortes dimensions au détriment de la hauteur totale du profil. L’augmentation du poids des rails a servi ensuite à en augmenter l’inertie verticale et, de 25 à 30 kg/m, les rails ont atteint 50, 60 et même 77 kg/m.


Caractéristiques

Les rails sont caractérisés d’une part par leur résistance verticale et transversale, d’autre part par leur forme. La résistance doit être telle que les charges supportées soient réparties sur plusieurs traverses de façon à réduire les pressions exercées sur le ballast et la plate-forme de la voie. On considère généralement le rail comme une poutre continue encastrée sur des appuis, et la contrainte résultant des charges verticales dépend autant de la résistance du rail que de la densité du travelage. Cette résistance est conditionnée par la hauteur du rail et son module d’inertie. La résistance transversale dépend de la largeur du champignon et de celle du patin. De cette dimension dépend aussi la répartition des efforts sur les traverses et les attaches. La forme du champignon est caractérisée par le rayon de courbure de la surface de roulement, de façon que les contraintes au contact de la roue ne dépassent pas la limite permise par la qualité de l’acier utilisé. Le matériau employé à sa fabrication doit présenter une bonne résistance à l’abrasion et aux chocs. On obtient ce résultat par l’emploi d’acier à teneur en carbone élevée (de 0,4 à 0,5 p. 100) et caractérisé par une résistance à la rupture supérieure à 70 hbar, la limite élastique variant de 35 à 45 hbar. Il doit aussi présenter une bonne soudabilité, le soudage étant très utilisé dans ce domaine.


Joints de rail et longs rails soudés

Pour constituer une surface de roulement continue, les rails classiques sont assemblés à leurs extrémités au moyen d’éclisses en acier boulonnées de part et d’autre de l’âme du rail. Un léger jeu entre les extrémités des rails permet d’absorber les variations de longueur résultant de la dilatation. Certains joints sont réalisés de façon à assurer l’isolement électrique de deux rails consécutifs, pour les besoins de la signalisation automatique. Ce sont les joints isolants, dans lesquels les éléments d’assemblage sont en matière isolante. Les joints sont des discontinuités qui exigent une surveillance et un entretien constants en raison des sollicitations auxquelles ils sont soumis au passage des roues des véhicules. Ils entraînent également une fatigue importante du matériel roulant en raison des percussions imposées aux roues à leur passage. Les progrès réalisés dans la technique du soudage des rails a permis de supprimer ces joints en réalisant les longs rails soudés. Ce terme est réservé aux rails soudés sur des longueurs supérieures à 100 m. Les premiers rails soudés sont apparus en 1936, et les premiers essais ont été exécutés dans des tunnels où les variations de température ont une faible amplitude à longueur d’année. Cette technique s’est rapidement développée à partir de 1943, notamment aux États-Unis, puis en Grande-Bretagne et en France. La longueur des rails fut progressivement portée à 800 m et même au-delà dans certains cas. Actuellement, les longs rails sont soudés sur plusieurs kilomètres d’une gare à l’autre. Les discontinuités électriques nécessaires à la signalisation sont réalisées par collage des extrémités des rails au moyen de résines synthétiques. Les effets des variations de température sur ces rails se traduisent par des contraintes, mais n’entraînent pas de déformation grâce à l’ancrage des traverses dans le ballast. Seule la partie extrême du rail est susceptible de se dilater sur une centaine de mètres. On utilise alors des joints particuliers, dits « joints de dilatation », qui permettent une mobilité longitudinale de l’extrémité du rail sur 100 mm environ. La suppression des joints par l’emploi des longs rails soudés entraîne surtout une importante économie d’entretien, une amélioration du confort des voyageurs et une moindre fatigue de la voie et du matériel.


Attache du rail

L’usure de la voie et sa résistance dépendent dans une large mesure de la fixation du rail sur la traverse. Constituée à l’origine par des crampons, sorte de clous à tige hexagonale ou carrée, l’attache du rail est maintenant réalisée au moyen de tirefonds ou de boulons-tirefonds. La fixation peut être rigide si le tirefond est appliqué directement sur la semelle du rail, ou élastique lorsqu’un griffon d’acier est interposé entre le tirefond et la semelle. Sur la plupart des voies modernes, le rail est fixé élastiquement et une selle d’acier est interposée entre le rail et la traverse de façon à augmenter la surface d’appui et à réduire les contraintes dans la traverse. Les attaches élastiques augmentent l’élasticité de la voie et permettent de réduire l’usure résultant des efforts dynamiques exercés sur les rails par les véhicules.