Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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radicalisme (suite)

S’appuyant sur les théoriciens et les militants de la Ligue de l’enseignement, de la franc-maçonnerie, de la Ligue des droits de l’homme, ils font de la laïcité le fondement de toute véritable liberté républicaine : pour eux, les Églises doivent être libres dans un État souverain, maître notamment de l’enseignement. Sur le plan social, ils rejettent aussi bien les conceptions de l’école libérale que les atteintes marxistes à la propriété individuelle ; ils veulent poursuivre et élargir l’œuvre législative d’assistance sociale de la IIIe République. La position des radicaux, avancée en matière d’anticléricalisme et conservatrice en matière sociale, fera de leur parti un parti de « notables », à tradition jacobine.

« Hommes de gouvernement », fortes personnalités qui domineront jusqu’au bout l’histoire de la IIIe République, les parlementaires radicaux répugnent à toute organisation stricte, à tout encadrement rigide : les deux groupes de la Chambre des députés ne fusionnent qu’en 1911, tandis que les sénateurs font toujours partie de la gauche démocratique et que la gauche radicale, constituée en 1910 en groupe parlementaire, apparaît totalement détachée du parti radical.

Il n’empêche que les radicaux vont devenir, de par leur implantation rurale et provinciale (au sud de la Loire notamment), et de par leur souplesse doctrinale, les partenaires indispensables de la vie politique jusqu’en 1940. La République modérée qu’ils préconisent sera en fait la République radicale. Ils cimentent dès 1899 le bloc des gauches, jouant un rôle important dans le ministère Waldeck-Rousseau (1899-1902), dominant dans les ministères Combes (1902-1905) puis, après le retrait des socialistes, dans les ministères Rouvier (1905-06), Sarrien (1906), Clemenceau (1906-1909). Sonne ensuite l’heure de Joseph Caillaux*, qui, président du Conseil des ministres de juin 1911 à janvier 1912, chef du parti radical en 1912, s’efforce de rénover celui-ci, de faire oublier son caractère conservateur en luttant pour l’impôt sur le revenu, puis en l’orientant vers les milieux d’affaires.


L’arbitre de la République (1919-1940)

Après la Première Guerre mondiale, les radicaux socialistes, guidés par Édouard Herriot* et Maurice Sarraut (1869-1943), directeur de la Dépêche de Toulouse, se définissent à la fois contre le conservatisme clérical et contre « toute forme de bolchevisme ». Coupés de la gauche socialiste, ils essuient, lors des élections législatives du 16 novembre 1919, une dure défaite face au bloc national ; en effet, le groupe radical-socialiste ne compte plus alors que 86 membres, contre 172 en 1914. Le congrès de Lyon de 1921, animé par Herriot, se prononce nettement pour une Union des gauches (sans les communistes) contre le bloc national et aussi contre le président de la République Millerand, accusé de tendre à un régime « présidentiel ». Lors des élections du 11 mai 1924, la « crise du franc » et la politique de Poincaré dans la Ruhr favorisent le succès du Cartel* des gauches (radicaux divers et socialistes), qui remplace la majorité de droite : les radicaux sont alors 139 à la Chambre. Herriot constitue le 14 juin un ministère de structure radicale, avec C. Chautemps à l’Intérieur, E. Daladier aux Colonies, François-Albert à l’Instruction publique, Étienne Clémentel aux Finances. Millerand a démissionné le 11 juin ; un radical modéré, Gaston Doumergue, a été élu président de la République le 13.

Mais, dès 1926, les difficultés financières et la crise du franc font éclater le Cartel des gauches, qui, d’autre part, n’a pu développer son action anticléricale. Après le cabinet Herriot, renversé le 10 avril 1925, Paul Painlevé* essaye bien de poursuivre sa politique, mais, le « miracle Caillaux » n’ayant pas eu lieu, Painlevé est renversé le 22 novembre. Des cabinets d’expédients financiers, présidés par Herriot et Briand, ne pouvant venir à bout du « mur d’argent », Poincaré, le 23 juillet 1926, constitue un ministère d’Union nationale, qui durera jusqu’au 6 novembre 1928 et auxquels participeront quatre radicaux : Herriot à l’Instruction publique et aux Beaux-Arts, Albert Sarraut à l’Intérieur, Henri Queuille à l’Agriculture et Léon Perrier aux Colonies.

Bien entendu, l’échec du Cartel provoque au sein du parti radical une crise très grave, dont il est sauvé par l’élection à la présidence, en 1927, d’Édouard Daladier (1884-1970) : celui-ci parvient à sauvegarder l’unité du parti et à la renforcer au niveau des comités locaux et des fédérations départementales, qui sont multipliés ; le recrutement s’élargit chez les jeunes et les femmes. Afin de présenter un front uni lors des élections législatives de 1928, il est décidé que le groupe parlementaire du parti républicain radical et radical-socialiste ne sera composé que de membres du parti et que tous les députés présentés par le parti y adhéreront obligatoirement. En fait, au niveau des circonscriptions, des alliances électorales s’institueront, avec les socialistes notamment.

Après les élections d’avril 1928, les radicaux constituent le groupe le plus important (125 députés) ; ils rentrent bientôt dans l’opposition, encore que deux de leurs dirigeants soient, un moment, à la tête d’un cabinet éphémère : Camille Chautemps (21-25 févr. 1930) puis Théodore Steeg (13 déc. 1930 - 22 janv. 1931). Le 16 février 1932, ils contribuent à la chute du cabinet Laval ; ils s’opposent de même à l’expérience Tardieu. Sur le plan extérieur, ils soutiennent la politique pacificatrice de Briand*.

C’est Herriot, redevenu président, qui mène la campagne électorale de 1932 ; les élections des 1er et 8 mai marquent un net succès des gauches, les radicaux (160 élus) l’emportant sur les socialistes (132), qui, dans de nombreux cas, s’étaient désistés en leur faveur. Herriot forme alors son troisième cabinet (3 juin), où dominent ses amis politiques : C. Chautemps à l’Intérieur, A. de Monzie à l’Éducation nationale, E. Daladier aux Travaux publics, A. Sarraut aux Colonies. Mais la crise économique mondiale, la mort de Briand, la fin des réparations et l’affaire des dettes américaines, la montée d’Hitler en Allemagne... créent une instabilité ministérielle permanente. En vingt mois (juin 1932 - fév. 1934), six ministères, généralement de structure radicale, se succèdent : Herriot, Paul-Boncour, Daladier, Sarraut, Chautemps, puis de nouveau Daladier (qui se heurte aux événements de février 1934) échouent.

La crise du 6 février ébranle le vieux parti, qui trouve des forces neuves avec des « jeunes-turcs » comme Jean Zay (1904-1944) et Pierre Mendès France (né en 1907) ; ceux-ci poussent à un redressement doctrinal dans le sens d’une restauration de l’État républicain contre les factions.