Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

rachitisme (suite)

Si tout le squelette est atteint, les lésions prédominent néanmoins aux extrémités des os longs et particulièrement sur ceux où l’ossification est la plus active. Le rachitisme est caractérisé par une profonde perturbation du processus normal d’ossification. L’absence de dégénérescence normale des cellules cartilagineuses entraîne leur accumulation, d’où un élargissement de la métaphyse (l’extrémité de l’os) et la formation de bourrelets caractéristiques. L’absence de calcium réduit l’os à sa trame protéique, d’où sa mollesse et les déformations qui en résultent. Le début de la maladie est difficile à cerner, marqué par une certaine apathie, une pâleur des téguments, une hypotonie musculaire. Au stade de maladie constituée, le tableau est riche. Les lésions osseuses sont symétriques, indolores et touchent le crâne et la face (craniotabès, ou ramollissement localisé de la voûte crânienne ; retard de fermeture des fontanelles et des sutures, altérations dentaires), le thorax (chapelet costal, par hypertrophie des cartilages chondro-costaux, déformations avec aplatissement antéropostérieur), le rachis (colonne vertébrale), les os longs des membres (bourrelet épiphysaire au poignet et à la cheville, déformations des membres). Il existe un déficit musculo-ligamentaire avec hypotonie musculaire et retard à la marche de l’enfant. L’abdomen est étalé, flasque. La radiographie du squelette montre un élargissement des métaphyses osseuses, qui présentent un aspect grignoté, un retard de maturation des joints d’ossification et les déformations du squelette essentiellement au niveau du thorax.


Les signes biologiques

Ils sont variables : le calcium sanguin est normal ou un peu diminué, les phosphates sanguins sont souvent abaissés ; on observe une augmentation des phosphatases alcalines, un calcium urinaire variable, des phosphates urinaires souvent diminués. Le produit calcium sanguin × phosphore sanguin, en milligrammes, est fondamental : au-dessous de 3 000, le rachitisme est certain ; compris entre 3 000 et 4000, il est possible ; supérieur à 4 000, il est impossible ou en voie de guérison.

L’anémie est fréquente. Habituellement modérée, elle peut dans certains cas être le symptôme essentiel de la maladie. Elle guérit sous traitement vitamino-calcique.


Évolution de la maladie

Spontanément, le rachitisme commun s’améliore lorsque la croissance staturale se ralentit et il guérit avant l’âge de 2 à 3 ans. Cette guérison s’accompagne parfois de séquelles : déformations thoraciques, rachidiennes, des membres inférieurs. Deux types d’accidents peuvent assombrir le pronostic : l’infection respiratoire conduisant à l’extrême au « poumon rachitique » (insuffisance respiratoire, infections) ou une tétanie rachitique avec hypocalcémie franche, qui peut aboutir à des accidents très graves (troubles cardiaques, laryngospasme). En dehors de ces complications, la régression des anomalies est rapide à la suite du traitement. Les signes osseux disparaissent au bout de quelques mois. Les signes radiologiques s’améliorent plus rapidement encore.


Prophylaxie

Pour un nourrisson normal, né à terme, les besoins en calcium sont de 40 mg par kilo et par jour. Les besoins en phosphore sont environ de 800 à 1 500 mg par 24 heures. Les besoins en vitamine D sont de 1 000 U.I., qui doivent être fournies en supplément de l’alimentation. La prophylaxie commence dès la grossesse, la future mère devant avoir une alimentation équilibrée en laitages et œufs, légumes verts et fruits (de 3 à 4 g de calcium alimentaire sont nécessaires par jour). Après la naissance, l’enfant doit être exposé régulièrement à la lumière solaire. Dans les 6 premiers mois de la vie, le lait apporte la quantité de calcium nécessaire et suffisante. À partir de 6 mois, l’alimentation doit être variée ; on introduit des fromages et des légumes verts. Il faut apporter systématiquement un supplément de vitamine D dans tous les régimes du nourrisson. Cela est indispensable. Autrefois, on faisait appel aux huiles de foie de poisson. Certains pays, actuellement, enrichissent systématiquement le lait en vitamines D (Allemagne, Grande-Bretagne, Canada, Danemark, États-Unis, Italie, Suisse). En France, on ajoute la vitamine D de deux façons : soit quotidiennement par petites doses (1 000 U.I.), soit par apport massif tous les trimestres ou tous les semestres (600 000 U.I.), mais on risque alors une hypervitaminose. La réalisation pratique de la prophylaxie du rachitisme a été précisée dans une circulaire du ministère de la Santé publique et de la population (21 févr. 1963).


Traitement curatif

La vitamine D constitue la base du traitement, prescrite à raison de 3 000 à 18 000 unités par jour pendant 3 semaines à 1 mois. Il convient de donner du calcium avant et pendant cette cure (de 1 à 2 g par jour). Ce traitement est complété par l’héliothérapie et l’actinothérapie (exposition aux ultraviolets) progressives. Il faut corriger les régimes déséquilibrés (lactés exclusifs ou lacto-farineux). L’apport du fer est nécessaire dans de nombreux cas pour corriger l’anémie. Il est indispensable, durant les premières semaines du traitement, d’éviter la station debout et la marche en raison des risques d’incurvation et de fracture. Des déformations graves et persistantes peuvent conduire à mettre en place des attelles de redressement au cours de la nuit. Quant au traitement chirurgical, il est devenu rare et est réservé à des cas extrêmes.


Autres formes de rachitisme

Il existe des rachitismes secondaires dont le plus fréquent est le rachitisme rénal. Le mauvais fonctionnement rénal aboutit ici soit à une insuffisance d’absorption intestinale du calcium, soit à une fuite exagérée dans les urines. Par ailleurs, on connaît des rachitismes vitaminorésistants.

Finalement, le rachitisme carentiel demeure une affection fréquente en France, puisqu’il atteint près de 15 p. 100 des nourrissons. Seule une prophylaxie bien conduite par adjonction systématique de vitamine D à l’alimentation du nourrisson dès les premiers jours de la vie peut aboutir à la disparition de cette maladie et de ses complications parfois redoutables.

J. C. D.

➙ Calcium / Os / Vitamine.

 P. Seringe, le Rachitisme vitamino-sensible (Collège de médecine des hôpitaux de Paris, 1965). / P. Royer, H. Mathieu et S. Balsan, le Calcium chez l’enfant (Sandoz, 1966).