Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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psychose (suite)

On distingue du point de vue évolutif trois catégories de psychoses.
1. Les psychoses aiguës constituent une rupture totale, mais passagère, une sorte de crise dans la personnalité et l’existence de l’individu. Après une durée plus ou moins longue, elles aboutissent en principe à la guérison, spontanément ou sous l’effet d’un traitement qui aide et accélère cette guérison. Ainsi en est-il des accès confusionnels, des psychoses délirantes aiguës, des psychoses aiguës puerpérales, des psychoses émotionnelles déclenchées par un choc affectif violent.
2. Les psychoses chroniques, dont les symptômes sont durables, découlent de troubles profonds et permanents de la personnalité. Elles subissent des poussées évolutives suivies de périodes d’accalmie, pendant lesquelles les symptômes s’atténuent ou disparaissent provisoirement, tandis que la personnalité demeure fragile ou plus ou moins altérée. Cependant, de nombreuses psychoses chroniques, traitées par les thérapeutiques modernes, permettent aux malades une adaptation sociale parfois très satisfaisante. Parmi ces affections chroniques, citons les délires paranoïaques (thèmes persécutifs, passionnels, hypocondriaque, de préjudice et de revendication), les délires hallucinatoires chroniques, les paraphrénies, les schizophrénies.
3. Les psychoses intermittentes se déroulent par accès successifs, laissant dans l’intervalle qui les sépare des périodes quelquefois très longues de normalité. Lorsque l’accès aigu est terminé, le sujet retrouve sa personnalité antérieure et ne souffre d’aucune anomalie mentale. La psychose maniaco-dépressive* — alternance d’états d’excitation maniaque et d’états dépressifs mélancoliques — en donne l’exemple le plus remarquable. Il en est de même pour certains accès confusionnels, catatoniques ou délirants, périodiques et récidivants.

Si l’on essaie de définir la personnalité du malade psychotique chronique, c’est-à-dire le « moi psychotique », on peut d’abord proposer le terme d’aliénation mentale. Aliéné veut dire « étrange » ou « étranger au monde ». C’est dans le délire*, sous forme de croyances et d’idées fausses et inébranlables, qu’apparaît avec toute sa force l’aliénation mentale. Les convictions profondes du psychotique, les jugements qu’il exprime, ses hallucinations et ses interprétations, ses attitudes dans la vie ne s’accordent ni avec la réalité ni avec la coexistence avec autrui. Les idées délirantes exprimées par les malades sont innombrables : idées de grandeur (mégalomanie), idées mystiques, idées « l’indignité morale, idées de persécution (de loin les plus fréquents des thèmes délirants), idées d’empoisonnement. Ailleurs, ce sont des idées d’influence, de possession, d’emprise de la pensée et de la personnalité par des forces extérieures mystérieuses (envoûtement, téléguidage, transmission de pensée, etc.). Au centre de nombreux délires, on retrouve un phénomène complexe, absolument fondamental, décrit au xixe s. par Georges Gatian de Clérambault : l’automatisme mental. Le délire est en principe précédé par des altérations en profondeur de la personnalité. Le contact avec le monde extérieur se montre souvent empreint de méfiance, de difficultés relationnelles, avec une impression d’insatisfaction et de frustration profondes d’autant plus dangereuse qu’elle est source d’une angoisse envahissante pou exprimée ou mal formulée. Le psychotique peut ne pas présenter de délire net. Son trouble se résume alors en une perte de contact vital avec la réalité, un retrait inférieur dans un monde de phantasmes, avec une indifférence apparente, une froideur affective et une absence totale d’élan vital ou de désir d’activité. Les psychanalystes ont insisté sur la différence de nature entre les mécanismes psychologiques de défense contre l’angoisse du psychotique et ceux du névrosé. Il est frappant de constater notamment la fréquence des mécanismes projectifs chez les délirants avec attribution à autrui ou à un objet extérieur des propres désirs ou sentiments du sujet. Il y a là un phénomène qui n’est peut-être pas seulement psychologique, mais névrophysiologique, et qui reste à préciser dans sa genèse exacte.

Psychose infantile

C’est une psychose d’évolution le plus souvent chronique, caractérisée par une perte de contact avec la réalité, un repli intense de l’enfant sur lui même, qui semble éviter toute relation normale avec les personnes de son entourage, des troubles plus ou moins accentués du langage et de la communication, une régression affective traduisant toujours une angoisse profonde, et des phénomènes de discordance. Il ne s’agit pas à l’origine d’une démence, mais, en l’absence de traitement, une régression ou un arrêt du développement intellectuel peut s’observer. Ces psychoses correspondent en fait à des atteintes neuropsychiques de type et de degré variés, qui se superposent plus ou moins à l’ancien cadre des schizophrénies* infantiles. Leurs signes et leur évolution dépendent de l’âge auquel elles frappent l’enfant et de son stade de maturation. On n’utilise ce terme que pour les psychoses déclarées avant la puberté.


Causes

Les causes des psychoses sont encore loin d’être parfaitement élucidées, car, si certaines d’entre elles sont manifestement organiques avec des lésions ou des troubles métaboliques décelables (ainsi les confusions mentales, les psychoses délirantes aiguës toxiques), beaucoup de ces troubles psychiatriques du groupe des psychoses dites « fonctionnelles » restent d’origine incertaine.

Les conditions psychologiques paraissent impuissantes, à elles seules, à rendre compte de la profondeur et de l’évolutivité des désordres de niveau psychotique. C’est pourquoi les théories actuelles en appellent à une causalité multifactorielle des psychoses : anomalies génétiques (héréditaires ou embryonnaires), désordres biochimiques, traumatismes psychologiques, facteurs sociologiques, distorsions du conditionnement neuropsychologique de l’enfant et de l’adolescent.