Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

psychologie (suite)

La psychophysiologie connaît aussi un développement très important dans plusieurs domaines, physiologie des sensations et conditionnement notamment. La psychophysiologie des émotions et de l’affectivité progresse considérablement, surtout après 1920, grâce à une meilleure connaissance des régions sous-corticales du cerveau. H. Piéron* (1881-1964) contribue largement aux progrès de la psychophysiologie et, de façon plus générale, à l’organisation de la psychologie scientifique, surtout dans la période séparant les deux guerres mondiales.


Domaines et méthodes de la psychologie moderne

Les expressions employées pour distinguer les chaires, les laboratoires, les revues de psychologie se réfèrent tantôt aux problèmes étudiés, tantôt aux méthodes d’étude : on parle aussi bien de psychologie expérimentale ou clinique que de psychologie de reniant ou de psychologie sociale. En fait, domaines et méthodes sont partiellement liés, de telle sorte que chacune de ces appellations tend à évoquer à la fois un certain type de méthode et un certain domaine. Mais la liaison n’est que partielle, et bien des travaux peuvent être classés à la fois sous plusieurs rubriques différentes : la classification qui va être utilisée ne prétend nullement être la seule possible.


La psychologie expérimentale

Au sens large, la psychologie expérimentale se caractérise par sa méthode. De façon générale, elle considère la conduite du sujet comme une fonction de deux catégories de variables : celles qui caractérisent la situation et celles qui caractérisent l’organisme (le mot étant pris au sens le plus large et pouvant être remplacé par « personnalité »). L’emploi de la méthode expérimentale exige d’abord qu’une hypothèse soit faite sur cette liaison fonctionnelle. Pour être vérifiable expérimentalement, cette liaison doit concerner des aspects généralement limités et, en tout cas, bien définissables de la conduite et des caractéristiques de la situation ou de la personnalité. Si tel est le cas, on s’efforce de faire varier ces caractéristiques en maintenant constants tous les autres facteurs susceptibles d’avoir une action sur la conduite. On peut alors constater que cette conduite se trouve (ou non) modifiée dans le sens prévu par l’hypothèse. Ainsi ramenée à son schéma le plus général, la méthode expérimentale s’applique, de façon plus ou moins stricte, à une large variété de problèmes. L’expression « psychologie expérimentale » est souvent limitée aux domaines dans lesquels cette méthode peut s’appliquer de la façon la plus rigoureuse.

La perception* est l’un de ces domaines. La mesure des seuils de sensations et des variations de ces seuils sous l’effet de différentes variables n’a pas cessé, depuis Fechner, d’être pratiquée. Mais des aspects beaucoup plus complexes de la perception ont été étudiés : mécanisme des « constances perceptives », grâce auxquelles un objet mobile est toujours perçu comme ayant la même forme et la même taille, un objet fortement réfléchissant est toujours perçu comme clair, même sous un très faible éclairage, etc. ; mécanismes faisant intervenir les « expériences » antérieures de l’organisme dans la perception actuelle ; mécanismes modifiant la perception en fonction des besoins et des motivations du sujet percevant, etc. L’apprentissage* est un autre domaine très étudié au laboratoire de psychologie expérimentale, grâce à une grande variété de dispositifs : conditionnement pavlovien ou « classique » ; conditionnement « opérant » ou skinnerien, dans lequel le renforcement n’est obtenu par le sujet que s’il accomplit une certaine action devant être apprise ; apprentissage de labyrinthes par des rats ; apprentissage de régulations sensori-motrices nouvelles (dessins en miroir par exemple) ; apprentissages verbaux, etc. Les modalités de transfert de l’apprentissage d’une activité à une autre, les mécanismes de la mémoire sont des sujets voisins. Certains de ces problèmes ont fait l’objet de formalisations mathématiques permettant une déduction précise de toutes les conséquences observables d’une hypothèse. La théorie mathématique des communications* (on dit aussi : de l’information*) sert de « modèle » formel dans plusieurs secteurs de la psychologie expérimentale : codage, stockage, recherche des éléments d’information par la mémoire ; prise de décision dans des circonstances où tous les éléments d’information nécessaires ne sont pas disponibles (décisions « sous le risque ») ; compréhension du langage, etc. Les stratégies utilisées dans la résolution des problèmes ont fait également l’objet d’études expérimentales. On voit que la psychologie expérimentale comprise au sens strict concerne essentiellement une psychologie générale des fonctions psychologiques. Une telle psychologie comporte des applications. Certaines concernent l’étude et l’aménagement des systèmes homme-machines, en psychologie du travail. D’autres sont constituées par les techniques pédagogiques d’« enseignement programmé », qui utilisent certains résultats des études ayant porté sur le conditionnement opérant, etc.


La psychologie animale

Pour le psychologue, l’animal* peut d’abord constituer un matériel d’étude dont l’usage n’est pas limité par les règles déontologiques strictes qui interviennent nécessairement dès que l’homme est le sujet de l’expérience. Ajoutons que la diversité des espèces animales permet d’étudier des organismes plus simples que l’homme. La continuité fonctionnelle est suffisante, dans plusieurs domaines, pour que les enseignements tirés de l’expérimentation soient utiles à l’explication du comportement humain. Dans une perspective toute différente, les conduites des animaux dans leurs conditions naturelles de vie ont été étudiées par les éthologistes.

L’animal est utilisé comme matériel d’expérience dans de nombreux domaines de la psychophysiologie. L’étude des processus sensoriels et perceptifs a progressé considérablement par des recherches sur l’animal. Le conditionnement permet en effet de déterminer quels stimuli peuvent être distingués par l’animal, cette distinction étant attestée par la spécificité de la réponse conditionnelle. Le rôle des différents centres nerveux jalonnant les voies sensorielles et celui des zones réceptrices du cortex cérébral ont pu être précisés. De façon plus générale, les fonctions assumées par les différentes parties du cerveau en ce qui concerne la régulation du comportement ont été largement étudiées sur l’animal. Les expériences peuvent utiliser la destruction du centre nerveux dont on cherche à déterminer le rôle, son excitation radioélectrique à l’aide d’électrodes stationnaires implantées à demeure, ou encore le recueil des potentiels électriques accompagnant le fonctionnement de ce centre. De telles expériences ont été réalisées sur le cortex sensoriel ou moteur, mais aussi sur les régions sous-corticales. Les centres sous-corticaux jouent en effet un rôle essentiel dans la régulation des conduites déclenchées par les besoins et les émotions ou des conduites « instinctives ». La psychologie expérimentale utilise très souvent aussi des animaux comme sujets ainsi qu’on l’a dit déjà à propos de l’apprentissage. Elle a étudié également, sur différentes espèces et notamment sur les singes supérieurs, des conduites de résolution de problèmes à propos de la construction d’instruments nécessaires pour atteindre un objet convoité ou des détours devant être effectués. La fonction symbolique est entrée dans les thèmes d’étude de la psychologie animale, des singes se montrant capables de convoiter des jetons leur permettant ultérieurement d’obtenir du raisin. Les effets de conflits entre tendances ont été expérimentalement mis en évidence sur des rats qui sont, en un même point, nourris et « punis » (par une décharge électrique). Un autre type d’expériences consiste à pratiquer des croisements systématiques entre animaux présentant à un degré extrême une certaine caractéristique psychologique (capacité d’apprentissage d’un labyrinthe, goût pour les boissons alcoolisées, émotivité, etc.). Ces expériences ont mis en évidence l’existence de facteurs héréditaires dans la diversité interindividuelle des conduites.

L’observation précise des conduites d’animaux dans leur milieu naturel a porté sur de nombreux problèmes : langage utilisé par certaines espèces, notamment les abeilles ; signaux déclenchant certaines conduites tels le nourrissage des jeunes, l’accouplement, le combat ; régulation des conduites agressives ; organisation sociale chez les animaux vivant en groupe, etc.