Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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psychologie (suite)

Ces conduites sont toujours des actes observables. Ceux-ci peuvent être plus ou moins complexes, constituer des ensembles plus ou moins étendus et plus ou moins intégrés : certaines branches de la psychologie étudient, dans toute la série animale, de simples réactions motrices à des stimulations physiques ; d’autres seront concernées par les conduites adaptatives d’un enfant à l’école, d’une personne placée dans une situation conflictuelle. Dans tous ces cas, l’objet de l’étude est l’interaction entre l’organisme et certains caractères de la situation dans laquelle il se trouve. Mais l’organisme (on peut dire aussi la « personnalité ») peut être impliqué de façon plus ou moins complète, plus ou moins intégrée dans cette interaction ; la situation peut également agir sur la conduite par certains de ses aspects seulement, ou par sa signification d’ensemble. De plus, les organismes considérés sont très différents (animaux situés plus ou moins haut dans la série des espèces, enfants, adultes, malades, etc.) ; les situations dans lesquelles on étudie leurs conduites présentent aussi la variété la plus grande. Pour définir plus précisément la psychologie actuelle, il faut la considérer dans ses différentes méthodes et ses différents domaines.


Historique


Avant la psychologie moderne

• Les philosophes. La psychologie moderne s’est peu à peu détachée de différents courants de pensée philosophiques. L’un de ces courants prend sa source dans l’œuvre de R. Descartes* (1596-1650). Le dualisme postulé par Descartes entre l’âme et le corps se trouve à l’origine de deux développements divergents. Une psychologie spiritualiste, fondamentalement étrangère à l’observation et à l’expérience, peut se réclamer de l’affirmation selon laquelle l’âme, « pour être, n’a besoin d’aucun lieu ni ne dépend d’aucune chose matérielle ». Mais le corps, séparé de l’âme, peut faire l’objet d’études empiriques, et la révolte de Descartes contre la soumission aveugle à l’autorité des Anciens conduit, de façon générale, à de telles études. Les médecins philosophes du xviiie s., J. Offroy de La Mettrie (1709-1751), Condillac*, G. Cabanis (1757-1808), vont développer ce courant « matérialiste » issu lui aussi de la pensée cartésienne.

Leurs travaux bénéficient de l’influence des premiers philosophes empiristes et associationnistes anglais tels que J. Locke* (1632-1704), D. Hume* (1711-1776), David Hartley (1705-1757). Pour cette école, les idées se construisent par les expériences de l’individu, comparable à sa naissance à une table rase ou à une tablette de cire vierge. C’est par un processus d’association que cette construction s’édifie. Un tel système est parfaitement compatible avec une psychologie expérimentale qui se propose de faire varier les conditions de l’expérience, notamment les conditions de l’association, et d’observer les effets de ces variations (ou de demander au sujet de les observer lui-même par introspection).

Des réactions philosophiques contre le système empiriste et associationniste devaient se produire : celle de Maine* de Biran (1766-1824) en France ; celle de l’école écossaise (Thomas Reid, 1710-1796 ; Dugald Stewart, 1753-1828) ; celle de l’école éclectique française (Pierre Paul Royer-Collard, 1763-1845 ; Victor Cousin 1792-1867 ; Théodore Jouffroy, 1796-1842). À des titres divers, ces réactions ont joué un rôle défavorable à l’établissement d’une psychologie scientifique. L’école éclectique, en particulier, prépare très mal les philosophes fiançais à comprendre les idées nouvelles telles qu’elles seront défendues par Ribot. Ces idées bénéficient au contraire des développements plus récents de l’associationnisme anglais, dus à James Mill (1773-1836) et à son fils John Stuart Mill* (1806-1873), et plus directement encore de l’évolutionnisme de Herbert Spencer* (1820-1903).

• Les physiologistes. Les progrès de la psychologie ont été liés de plusieurs façons, plus ou moins directes, à ceux de la physiologie*.

La physiologie, après bien d’autres sciences, a offert à la psychologie l’exemple d’une discipline se détachant de la spéculation philosophique et adoptant une démarche purement expérimentale. Cette évolution s’est produite dans la première moitié du xixe s. (si l’on n’accorde pas encore de valeur décisive à l’œuvre de Albrecht von Haller, 1708-1777) grâce à des hommes tels que sir Charles Bell (1774-1842), François Magendie (1783-1855), Johannes Peter Müller (1801-1858), précurseur direct des psychologues, Claude Bernard* (1813-1878). Elle a donc précédé immédiatement l’apparition (v. 1860) d’une psychologie qui va se qualifier explicitement d’« expérimentale » ou de « physiologique » (W. Wundt) pour se distinguer de la philosophie.

On peut dire en second lieu que les progrès des connaissances en physiologie ont fourni aux psychologues des données leur permettant de mieux comprendre ce qu’un physiologiste, sir Charles Scott Sherrington (1857-1952), appellera plus tard (1906) l’« action intégrative du système nerveux », c’est-à-dire le rôle de celui-ci dans la régulation des conduites d’un organisme en interaction avec certains caractères du milieu. Les connaissances fondamentales à cet égard concernent : l’influx nerveux, dont un physiologiste proche des psychologues, H. von Helmholtz* (1821-1894), mesure la vitesse vers 1850 ; les distinctions anatomiques et fonctionnelles entre fibres nerveuses, distinctions progressivement précisées par Bell, Magendie, J. Müller et d’autres ; la physiologie des sensations ; les structures nerveuses et leur fonctionnement (identification et étude de la cellule nerveuse, ou neurone ; démonstration de l’existence de centres corticaux spécialisés, qu’apporte Paul Broca (1824-1880) en 1861 en ce qui concerne le langage.

Enfin, les physiologistes réalisent dans certains domaines des études qui vont être continuées par les pionniers de la psychologie nouvelle, sans que l’on puisse distinguer de frontière nette entre les travaux des uns et ceux des autres. C’est le cas notamment pour la mesure des seuils sensoriels, c’est-à-dire des sensations ou des différences de sensations juste perceptibles. Le physiologiste Ernst Heinrich Weber (1795-1878) cultive déjà ce domaine, y établissant une loi qui porte son nom. Ces questions constitueront l’objet de l’ouvrage que son élève Fechner publiera en 1860, Éléments de psychophysique, ouvrage qui sert souvent de jalon pour dater les débuts de la psychologie nouvelle. (V. sensation.)