Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Prusse (suite)

Durant cette période, l’électorat de Brandebourg a végété. Pauvres, éloignés des grands axes de communication, ses souverains ne jouent guère de rôle dans l’Allemagne du xve s. Au xvie s., leur influence augmente avec le développement du luthéranisme, mais, pendant cette période, s’exerce une véritable concurrence entre le Brandebourg et la Saxe*. Pourtant, l’Électeur Jean Sigismond (1608-1619), sans accroître réellement son domaine, en dehors de l’acquisition de la Prusse, implante peu à peu l’État brandebourgeois au bord du Rhin, en Westphalie. Mais la guerre de Trente* Ans surgit, catastrophique pour le nouvel État brandebourgo-prussien. De 1619 à 1640, le Brandebourg perd la moitié de sa population. Frédéric-Guillaume, le Grand Électeur (1640-1688), va reconstruire l’État, faisant venir les colons allemands et des huguenots français. Aux traités de Westphalie, il obtient, à titre de compensation, la Poméranie orientale, le territoire de Halberstadt, sur l’Elbe, l’évêché de Minden, en Westphalie, et l’expectative de Magdeburg. S’alliant avec les voisins du moment, tantôt avec la France, tantôt avec les ennemis de celle-ci, il est entraîné à lutter contre les Suédois, qu’il défait à Fehrbellin le 28 juin 1675, et il occupe Stettin. Même s’il doit renoncer à cette conquête, l’électorat de Brandebourg garde un très grand prestige dans le monde germanique, qu’il renforce par sa politique d’aide aux huguenots français persécutés par Louis XIV. L’arrivée de ces derniers dans ces régions pauvres et tristes va renforcer puissamment le Brandebourg et la Prusse, et favoriser le développement de l’artisanat, de l’industrie et de l’agriculture. Le successeur du Grand Électeur se rapprochera de l’empereur pour obtenir le titre de roi : c’est le 18 janvier 1701 qu’à Königsberg l’Électeur Frédéric III devient le roi Frédéric Ier. Mais il n’est que roi en Prusse. Très vite, pourtant, on parle du royaume de Prusse. Son fils, le roi Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740), accentue l’œuvre de son grand-père, s’appuyant sur son entourage huguenot. Il réforme profondément l’Administration, favorise le développement économique et constitue une armée qu’il n’utilisera jamais, se contentant d’annexer, à la suite de la guerre du Nord contre Charles XII, la Poméranie occidentale et Stettin (paix de Stockholm en 1720). Le rôle du Roi-Sergent, c’est ainsi que sera surnommé Frédéric-Guillaume Ier, est considérable, car il est l’initiateur de presque toute la politique qui sera poursuivie et développée par son fils Frédéric* II, dit le Grand.

À peine monté sur le trône, Frédéric II (1740-1786) entre en guerre avec l’Autriche et acquiert ainsi la Silésie. Ce sera l’objet de la guerre de la Succession* d’Autriche, puis de la guerre de Sept* Ans. Ces quatorze ans de règne passés en guerre ne faciliteront pas le développement de l’État prussien. Il y faudra les efforts systématiques du roi et de ses conseillers, qui, poursuivant l’œuvre du Roi-Sergent, accélèrent systématiquement la colonisation des terres pauvres du royaume, développent l’enseignement, concentrent en Silésie et à Berlin les bases d’une industrie puissante, et font de la Prusse à la fin du règne de Frédéric II un des grands États de l’Europe, d’autant plus qu’en 1772 le roi suggérera un premier partage de la Pologne pour interdire la constitution d’un protectorat russe sur le royaume. À la mort de Frédéric II, la Prusse forme un État d’un seul tenant de Magdeburg à Königsberg. D’autre part, accueillant philosophes, tel Voltaire, et savants, le royaume de Prusse paraît être un très haut lieu de l’esprit des lumières, favorisé, il est vrai, par l’essor du piétisme, qui joue à Halle, université prussienne, un rôle prépondérant. C’est là qu’est créée dès 1748 une faculté des sciences camérales (nous dirions aujourd’hui une faculté des sciences politiques), qui aura pour rôle de former les cadres et les fonctionnaires du royaume. Ainsi se constitue une élite dirigeante fort bien préparée à ses fonctions.

Les successeurs de Frédéric II sont beaucoup plus médiocres. Sans doute sera promulgué en 1794 le Code national des États prussiens, préparé par les ministres de Frédéric le Grand, J. H. K. von Carmer (1720-1801) et K. G. Svarez (1746-1758), en fait, le règne de Frédéric-Guillaume II (1786-1797) est dominé par un état d’esprit étriqué et hostile à la Révolution française. Cela explique l’intervention de la Prusse contre la France en août 1792 ; mais cette campagne de France se termine à Valmy le 20 septembre. Si la politique occidentale du roi de Prusse est un échec, sa politique orientale lui permet de faire accorder au royaume de Prusse une part importante de la Pologne. En 1793, Dantzig, Thorn et la Posnanie deviennent prussiennes, et, en 1795, malgré l’échec de l’armée prussienne devant Varsovie, la Prusse se voit octroyer la Mazovie, que l’on appellera Neu-Ostpreussen (Nouvelle Prusse-Orientale). Mais ces acquisitions ne doivent pas faire illusion, car la Prusse de cette époque a perdu en efficacité. Si l’Administration, grâce aux efforts de son personnel, continue la tâche de ses prédécesseurs, il n’en est pas de même de l’armée. Cela, d’ailleurs, sera confirmé par les défaites que va connaître la Prusse en 1806. Frédéric-Guillaume III s’est rapproché de la France, et le royaume en profite. Mais la classe dirigeante prussienne est divisée, et beaucoup de ses membres s’opposent à une véritable alliance avec la France et souhaitent le rapprochement avec la Russie. En novembre 1805 (convention de Potsdam), la Prusse s’allie au tsar. Pourtant, après Austerlitz, elle obtient le Hanovre, mais, le 26 septembre 1806, elle envoie un ultimatum à Napoléon. Quinze jours plus tard, le 14 octobre à Iéna, l’armée prussienne est défaite. Berlin est occupée le 27 octobre, et, après la défaite d’Eylau et celle de Friedland, par le traité de Tilsit, la Prusse est réduite à ses quatre provinces : Prusse, Poméranie, Brandebourg et Silésie. L’État prussien paraît anéanti.