Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Provinces-Unies (suite)

Ne devant pratiquement rien à l’État et tout à l’intelligence commerciale des bourgeoisies de l’ouest du pays, conditionnée par la pratique de la liberté des mers, dont le fondateur du droit international, Hugo Grotius (1583-1645), se fait le défenseur, cette expansion économique renforce la puissance de la bourgeoisie néerlandaise. Elle favorise aussi l’éclosion d’un état d’esprit libéral et tolérant à toutes les formes de la vie spirituelle et religieuse : protestantisme, judaïsme, voire catholicisme et surtout jansénisme, dont les adeptes expulsés de France s’établissent définitivement à Utrecht. Ainsi peut s’épanouir le génie de Spinoza* ou celui de Huygens* ; ainsi peuvent s’exprimer par le canal d’une presse très éclairée et soutenue par une puissante industrie de l’imprimerie les idées les plus diverses, quels que soient leurs auteurs : Néerlandais ou réfugiés, tel le protestant français Pierre Jurieu. Ainsi sont créées enfin les conditions financières favorables à l’éclosion des talents de Rembrandt*, de Ruysdael*, de Vermeer*, de Cuyp, de Potter, dont les œuvres témoignent de l’éclat de la civilisation du Siècle d’or.

Mais, née de la liberté, cette prospérité néerlandaise ne se maintient que très difficilement à partir de 1668. Menacée par Colbert, dans son support essentiel, la liberté des mers, ébranlée par la guerre de Hollande, que ce dernier dirige à cet effet de 1672 à 1678, la primauté économique des Provinces-Unies manque de base démographique suffisante pour se maintenir au xviiie s. Dépendantes de plus en plus étroitement de l’Angleterre depuis 1689, les Provinces-Unies connaissent alors non pas un recul absolu, mais un déclin relatif, la régression de la production industrielle, des pêches et de l’armement naval, l’émancipation commerciale de la Baltique étant en partie compensées par l’essor des activités financières et agricoles ; en fait, il y a simplement déclassement des Provinces-Unies dans l’échelle des nations, les hommes d’affaires néerlandais ayant su adapter leur appareil de production jusqu’au moment où la crise des années 80, consécutive à la dernière guerre anglo-hollandaise, les contraint à admettre que leur pays n’est plus qu’une puissance européenne secondaire à l’image de sa population, qui, après avoir doublé de 1500 (900 000 hab.) à 1600 (env. 1 500 000), n’a augmenté que de 20 p. 100 entre 1750 (1 900 000) et 1795 (2 millions env.).

P.-T.

➙ Amsterdam / Anvers / Empire colonial néerlandais / Guillaume Ier d’Orange-Nassau le Taciturne / Guillaume II d’Orange-Nassau / Guillaume III / Hanse / Jansénisme / Pays-Bas / Rotterdam / Utrecht.

 A. Lefèvre-Pontalis, Vingt Années de république parlementaire ou xviie siècle : Jean de Witt, grand pensionnaire de Hollande (Plon, 1884 ; 2 vol.). / A. Waddington, la République des Provinces-Unies, la France et les Pays-Bas espagnols de 1630 à 1650 (Alcan, 1895-1897 ; 2 vol.). / P. Geyl, The Revolt of the Netherlands (Londres, 1932 ; 3e éd., 1966) ; The Netherlands in the Seventeenth Century (Londres, 1961-1964 ; 2 vol.). / H. A. E. Van Gelder, Histoire des Pays-Bas du xvie s. à nos jours (A. Colin, 1936). / M. Braure, Histoire des Pays-Bas (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1951 ; 3e éd., 1975). / P. Zumber, la Vie quotidienne en Hollande au temps de Rembrandt (Hachette, 1960). / P. Chaunu, la Civilisation de l’Europe classique (Arthaud, 1966). / C. H. Wilson, The Dutch Republic (New York, 1968 ; trad. fr. la République hollandaise des Provinces-Unies, Hachette, 1968). / P. Jeannin, l’Europe du Nord-Ouest et du Nord aux xviie et xviiie siècles (P. U. F., coll. « Nouv. Clio », 1969).

Provins

V. de Seine-et-Marne ; 13 100 hab.



Les monuments de Provins

Silencieuse et comme soustraite au temps, la ville haute appartient dans son ensemble à la grande époque des comtes de Champagne, dont elle fut au xiie s. la résidence favorite. Elle a gardé l’essentiel de son enceinte des xiie et xiiie s., en forme de polygone irrégulier. Du côté du plateau, un fossé se creuse devant la muraille que renforcent des tours alternativement rectangulaires et semi-cylindriques. D’autres tours flanquent les deux portes, dites « Saint-Jean » et « de Jouy ». Mais le principal ouvrage du système défensif est un puissant donjon de la première moitié du xiie s., célèbre sous le nom de « tour de César ». On remarque l’originalité de son plan, carré jusqu’à mi-hauteur, puis octogonal ; occupant les angles, quatre tourelles cylindriques accompagnent le noyau supérieur, qui leur est relié par des arcs-boutants.

Commencée en 1160, l’église Saint-Quiriace, ancienne collégiale, relève du premier style gothique par son beau chœur, dont la partie droite offre un très rare exemple de voûte octopartite et dont le rond-point s’inscrit dans un chevet rectangulaire. Parmi les nombreux témoins de l’architecture civile signalons les restes du palais des comtes de Champagne (auj. lycée), une maison du xie s., le bâtiment bien conservé de la Grange-aux-Dîmes (fin du xiie s.), la maison des Petits Plaids, où le prévôt rendait la justice (xiiie s.).

Les siècles ont moins respecté la ville basse, que défendaient aussi des remparts. Datant pour l’essentiel des xiie et xiiie s., l’église Saint-Ayoul, ancienne abbatiale bénédictine, nous est parvenue très dénaturée. Son portail (v. 1160), mutilé, garde huit statues-colonnes rappelant celles de Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne). Le style flamboyant est représenté par le double collatéral ajouté au xvie s. à l’église Sainte-Croix, des xiie et xiiie s. L’hôtel de Vauluisant, du xiiie s., dépendait de l’abbaye cistercienne du même nom. L’ancien couvent des Cordelières conserve deux galeries de son gracieux cloître, des xve et xvie s. ; l’église, de la même époque, abrite le monument du cœur du comte Thibaud V, édicule hexagonal aux délicates sculptures (xiiie s.).

B. de M.

➙ Champagne / Seine-et-Marne.

 A. de Maillé, Provins, les monuments religieux (Éd. d’art et d’histoire, 1939 ; 2 vol.).