Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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protection de la nature (suite)

La situation du couvert botanique des pays industrialisés est, dans l’ensemble, nettement meilleure, encore que, par endroits, les besoins croissants en bois aient parfois gravement entamé les patrimoines forestiers, comme au Canada entre 1940 et 1960. En général, ces pays disposent d’une bonne législation forestière et de services forestiers riches en tradition. Les couverts végétaux naturels et en particulier les forêts n’y sont ainsi menacés, et ce seulement dans une modeste mesure, que par les empiétements des zonings industriels ou urbains, ou par l’implantation d’infrastructures : routes, aérodromes. Certains promoteurs immobiliers, lorsque la loi ne veille pas avec vigilance, peuvent constituer un danger non négligeable. Mais on peut redire que, dans ces zones tempérées, la protection de la nature végétale est satisfaisante, que l’exploitation forestière est raisonnable, que les reboisements et même les boisements sont très généralisés. Et les planifications régionales, dans le cadre de l’aménagement du territoire, concurrent à assurer davantage encore l’avenir du couvert végétal des pays industrialisés.


Le sol

Les interrelations entre les règnes vivants sont des plus étroites dans le cas de la flore et des sols, surtout en région intertropicale, où les agents habituels de décomposition des terres — le soleil et les pluies — exercent sur celles-ci, dès qu’elles cessent d’être à l’abri d’un écran de végétation, une action particulièrement violente et brutale. Ces processus de détérioration pédologique, ces morsures de l’érosion hydrologique — érosion en nappe, érosion de ravinement — sont surtout dangereux en région de montagne, lorsque, pour une raison ou une autre, les versants du relief sont dénudés. Ailleurs, en plaine, c’est l’érosion éolienne qui peut devenir redoutable.

Conséquence fatale du déboisement dénoncé ci-dessus, la ceinture intertropicale de la planète est, par suite principalement de l’extension généralisée d’une épuisante agriculture semi-nomade sur brûlis et d’une « surpécoration » croissante, le siège de phénomènes d’érosion de plus en plus graves et nombreux. Ici encore, rares sont les autorités qui sonnent l’alarme, les documents qui cartographient les étendues stérilisées ou appauvries. Acculées par divers facteurs, en tête desquels se retrouve de nouveau l’explosion démographique, les populations rurales du tiers monde accentuent chaque année encore la surexploitation des sols de leur terroir, incapables, même le voudraient-elles, de protéger cette fertilité qu’elles détruisent et dont devront vivre leurs enfants, incapables de la restaurer par la lutte anti-érosive, dont les techniques sont pourtant bien connues, par des jachères longues et enrichies, par des reboisements surtout. Plus encore que pour les couverts végétaux, les législateurs intertropicaux ne perdent guère leur temps à promulguer les textes de protection des sols, dont ils savent d’avance l’inutilité. L’avenir pédologique du tiers monde, en vérité, est très sombre. Il l’apparaît d’autant plus lorsqu’on songe que les façons culturales épuisantes d’il y a cent ans sont souvent restées identiques à ce qu’elles ont toujours été, lorsqu’on se dit qu’elles pourraient bien continuer à le rester, lorsqu’on mesure les dévastations pédologiques qui furent consécutives au passage du nombre des paysans de ces régions de 1 à 2 milliards depuis cinquante ans et qu’on sait que ces 2 milliards en seront devenus 4 avant l’an 2000.

De nouveau, en zone tempérée, le tableau s’éclaire considérablement. Divers facteurs l’expliquent. Il y a d’abord l’action beaucoup plus faible des facteurs de décomposition des sols dénudés que sont les rayons solaires et les précipitations atmosphériques. Vient ensuite, probablement, par ordre d’importance, le fait qu’en pays industrialisé 1 ha de terre cultivable représente un capital, généralement approprié par un individu, qui veille à ce que la valeur de réalisation de son capital ne soit pas diminué par un mauvais usage agricole. C’est peut-être le prix élevé de la terre en pays industrialisé qui assure le mieux sa protection, encourageant les traditions paysannes et les recherches agronomiques. Certes, dans des zones marginales des pays industrialisés, comme le Bassin méditerranéen, des morsures d’érosion sont subies et difficilement combattues. Ailleurs, comme aux Pays-Bas, notamment, des étendues de magnifique sol agricole sont parfois sacrifiées pour faire place à un nouveau quartier résidentiel ou à un zoning industriel. Mais, dans l’ensemble, la « nature-terre » des zones tempérées est protégée de manière très satisfaisante, au point que peu de législations spécifiques de conservation des sols ont été rendues nécessaires. Une exception importante se situe aux États-Unis. Elle correspond au cuisant souvenir des tempêtes de sable, des « dust bowls » (régions dénudées) des années 30, accidents consécutifs à des imprudences culturales généralisées dans les grandes plaines du Middle West et que corrigèrent des mesures draconiennes inscrites dans le « New Deal » de Franklin D. Roosevelt*.


L’eau

La partie du cycle de l’eau qui intéresse spécialement l’Homme, c’est-à-dire la période où cette eau passe à sa portée, apte à lui rendre divers services, est également fortement influencée par la santé du couvert végétal du lieu et, par voie de conséquence, par l’état de ses sols. Plusieurs facteurs, sont influencés par les appauvrissements végétaux et pédologiques décrits ci-dessus pour les pays intertropicaux. Moins bien retenue et moins bien filtrée que d’habitude une fois que les sols et les couverts sont détériorés, l’eau s’écoule plus vite par ruissellement à l’air libre et s’infiltre moins vers le sous-sol, avec trois résultats : lors des grandes pluies, elle provoque des inondations beaucoup plus catastrophiques ; à cause de l’érosion accélérée, elle ruisselle, boueuse, colmatant vallées et lacs — dont les lacs de retenue derrière les barrages de l’Homme — ; et, par différence, aux phases d’étiage, les sécheresses sont plus longues et plus sévères. Depuis quelques décennies, ces trois catégories d’accidents — crues, eaux boueuses, sécheresses —, se multiplient dans le tiers monde, et rares sont les mesures efficaces qui ont pu être édictées et appliquées pour ralentir ce processus régressif extrêmement inquiétant entre les tropiques.