Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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propriété littéraire et artistique

Monopole d’exploitation accordé à l’auteur d’une œuvre de l’esprit pendant une durée déterminée. Toutes les œuvres de l’esprit donnent lieu à un droit d’auteur. Contrairement aux règles s’appliquant dans le domaine de la propriété* industrielle, il n’est pas exigé que l’œuvre de l’esprit soit nouvelle au sens objectif du mot, et par ailleurs aucune formalité n’est nécessaire pour jouir du droit d’auteur.


Le droit français de la propriété littéraire et artistique a été édifié par la doctrine et la jurisprudence sur interprétation de textes de la période révolutionnaire. L’ensemble de cette matière a ensuite été codifié par la loi du 11 mars 1957.


Les œuvres protégées


Les œuvres littéraires

Les droits d’auteur ne portent que sur les formes d’expression, à l’exclusion des idées, dont l’exploitation et la propagation demeurent libres. Ces œuvres peuvent être originales ou dérivées (traductions, adaptations, anthologies...). Les œuvres dérivées n’en constituent pas moins des créations intellectuelles, mais leurs auteurs doivent tenir compte des droits de l’auteur de l’œuvre originale.

L’affectation utilitaire de l’œuvre ne compromet pas l’application des droits d’auteur (guide, catalogue) ; il suffit qu’il y ait eu manifestation de volonté de l’auteur pour la recherche et la classification des éléments.


Les œuvres d’art

Aux œuvres de dessin, de peinture, de sculpture, de gravure, etc., s’applique le droit d’auteur. Il en est de même pour les photographies, mais à condition que leur soit reconnu le caractère artistique ou documentaire.


Les œuvres musicales

Les éléments susceptibles d’appropriation sont la mélodie, l’harmonie et le rythme. Comme dans le domaine des œuvres littéraires et artistiques, il n’est pas tenu compte du mérite et de la destination de l’œuvre. L’œuvre originale et l’œuvre dérivée (arrangement, variation) donnent prise au droit d’auteur sous réserve, en ce qui concerne l’œuvre dérivée, des droits de l’auteur de l’œuvre initiale.


Les œuvres qui émanent de plusieurs auteurs

• L’œuvre composite. C’est une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière (édition commentée, illustration musicale, traduction). L’œuvre composite est propriété de l’auteur qui l’a réalisée sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante.

• L’œuvre de collaboration. C’est une œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Certaines législations étrangères (Allemagne, Grande-Bretagne) en ont une définition très restrictive et exigent qu’il y ait indivision absolue entre les apports respectifs des coauteurs. Pour le droit français, il suffit que les efforts distincts des coauteurs aient eu un but commun, et, lorsque leur participation relève d’un genre différent, chaque coauteur peut, sauf convention contraire, exploiter son apport personnel à condition de ne pas nuire à l’œuvre de collaboration.

L’œuvre cinématographique est considérée par le droit français comme une œuvre de collaboration, mais la loi a institué à son égard des dispositions spéciales. En particulier, elle a établi une liste de personnes présumées, sauf preuve contraire, coauteurs de l’œuvre et qui sont le scénariste, l’adaptateur, le dialoguiste, l’auteur de la composition musicale, le réalisateur et éventuellement l’auteur du scénario préexistant si le film est tiré de ce dernier.

• L’œuvre collective. C’est une œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie ou la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution des divers auteurs est fondue dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct (encyclopédie, dictionnaire, publication de presse). C’est le seul cas où des personnes morales peuvent être investies de droit d’auteur à titre originel.


Les droits de l’auteur

La loi du 11 mars 1957 a confirmé la jurisprudence antérieure en codifiant le statut des droits d’auteur. Elle a adopté le système dualiste qui distingue les attributs d’ordre intellectuel et moral et les attributs d’ordre patrimonial, mais en consacrant la suprématie du droit moral de l’auteur.


Le droit moral

L’œuvre est l’émanation de la personnalité de son auteur ; à travers l’œuvre, le droit moral a mission d’en assurer la sauvegarde. C’est donc un droit de la personnalité et, comme tel, il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Après la mort de l’auteur, les dépositaires en sont, à défaut de choix par le défunt, ses descendants et son conjoint non remarié, même s’ils renoncent à la succession*, puis les héritiers ou légataires universels à la condition qu’ils acceptent la succession. En cas d’abus, les tribunaux peuvent, sur la demande de tout intéressé, ordonner toute mesure propre à faire respecter la volonté du défunt. On distingue plusieurs attributs au droit moral de l’auteur.

• Le droit de divulgation. C’est le premier des droits de l’auteur, celui dont l’exercice donnera naissance aux droits patrimoniaux. L’auteur seul possède ce droit, en use de façon discrétionnaire et peut fixer librement les modalités de divulgation de son œuvre au public. Il est seul juge de l’achèvement de son œuvre, même si elle lui a été commandée par un client qui exige d’être livré en l’état.

• Le droit de repentir. C’est le corollaire du droit de divulgation. L’auteur peut mettre fin à l’exploitation de son œuvre même s’il en a cédé le droit d’exploitation, mais à la condition, dans ce cas, d’indemniser son cocontractant.

• Le droit de la paternité de l’œuvre. Ce droit permet à l’auteur de faire reconnaître l’œuvre comme sa création et d’exiger la mention de son nom sur tous les exemplaires de l’œuvre ou sur tous les documents s’y rapportant. L’auteur a également le droit d’exiger l’anonymat ou d’utiliser un pseudonyme. Il est alors représenté dans l’exercice de ses droits par l’éditeur ou le publicateur originel.

• Le droit au respect de l’œuvre. L’auteur a le droit de s’opposer à toute altération ou mutilation de son œuvre.