Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

projectile (suite)

Pour mesurer l’efficacité d’un projectile explosif, on le tire à l’horizontale, à une vitesse égale à la vitesse restante attendue en fin de trajectoire, contre une cible verticale placée au centre d’un cirque de panneaux de bois de peuplier disposés debout sur le terrain et d’une épaisseur telle que leur perforation corresponde sensiblement à la mise hors de combat d’un homme à découvert. On obtient ainsi une carte de répartition des effets dans un plan méridien du projectile, donc dans tout l’espace à une distance donnée. Compte tenu de la dispersion du tir et de la densité d’occupation d’un terrain, on peut ainsi évaluer l’efficacité d’un ou de plusieurs projectiles contre du personnel. Il apparaît que le tir fusant, ajusté à bonne hauteur, est beaucoup plus efficace que le tir percutant (d’où l’intérêt des fusées de proximité) et que le tir vertical est, en soi, plus efficace aussi que le tir tendu. Ce dernier ne donne par ses éclats qu’un coup de hache sur le terrain, mais, par contre, est plus précis. Avec les mortiers, à courte distance (la dispersion étant alors faible), le tir vertical est particulièrement redoutable, surtout avec des projectiles en fonte malléable ou nodulaire (qui a remplacé la fonte aciérée).

Pouvoir de pénétration d’un projectile

La profondeur de pénétration d’un obus dans un terrain donné résulte des études faites en 1835 à l’école d’artillerie de Metz par les trois capitaines G. Piobert, A. Morin et I. Didion. Leur formule, reprise par Poncelet et Hélie, s’énonce
y = aK log (1 + bV2),
dans laquelle y est la profondeur de pénétration, a le calibre, V la vitesse d’impact, K et b des constantes liées à la forme des projectiles et aux matériaux de l’obus et de la cible. Appliquée au béton par le Français Gabeaud en 1935, elle a été étendue par les Américains Hermann et Jones en 1964 à la pénétration aux hypervitesses (3 000 m/s et au-delà) des météorites dans les parois des engins spatiaux.


Projectiles à propulsion additionnelle

On peut accroître la portée d’un projectile tiré au canon en le munissant d’un propulseur de poudre (dit « additionnel ») dont l’ouverture de tuyère à l’arrière se dégage après le départ du coup. La charge de poudre s’allume à cet instant ou avec un retard préréglé. Le propulseur peut remplir la partie arrière du projectile ou bien être monté en position axiale, le chargement en explosif étant alors annulaire.


Projectiles antichars

Les obus de rupture type marine ont été remplacés pour le tir antichar par des boulets perforants, en acier spécial, à fausse ogive et par des projectiles sous-calibrés à noyau en carbure de tungstène. Ce noyau, obtenu par frittage, est recouvert d’une chemise en acier de profil extérieur affiné et est placé dans un sabot arrière en alliage léger, muni d’une ceinture de guidage qui supporte l’obus pendant son parcours dans l’âme et l’entraîne en rotation. À la sortie du canon, la résistance de l’air freine davantage le sabot débordant et permet à l’obus de dépoter vers l’avant, tandis que le sabot tombe au sol.

De tels projectiles, plus légers que les boulets perforants de même calibre, peuvent être tirés à grande vitesse initiale (1 500 m/s) ; leur partie utile sous-calibrée a, en outre, l’avantage de subir une moindre résistance de l’air. On réalise aussi, à la suite des Soviétiques, des projectiles sous-calibrés non tournants, ou projectiles flèches, stabilisés par empennage débordant (Vo = 1 700 m/s).

Grâce à la formule due à l’ingénieur Jacob de Marre à la fin du xixe s., on peut évaluer le pouvoir de perforation en incidence normale d’un boulet perforant. Sous incidence, la résistance à la perforation d’un blindage d’épaisseur e croit bien plus vite que α étant l’angle d’incidence. L’efficacité des projectiles perforants décroît avec la distance, puisque leur vitesse diminue le long de leur trajectoire. L’angle limite pour lequel le ricochet se produit sans perforation diminue donc également avec la distance. Mais, avec des canons de calibre suffisant (de 105 à 120 mm), tirant des projectiles sous-calibrés à grande vitesse initiale, tous les blindages sont percés à toutes distances, même sous de fortes incidences.

• Les obus à écrasement. Parmi les munitions antichars, on compte également les projectiles à charge creuse et les obus à écrasement (le squash-head britannique), dont l’ogive, à paroi mince, est parfois remplie d’explosif plastique. À l’impact, l’avant s’écrase contre la cible, et la charge d’explosif du corps de l’obus est portée directement à son contact ; la fusée de culot à retard fait détoner la charge comme un pétard, dont la détonation défonce la cible si elle est mince. Dans un blindage épais, l’onde de choc de compression se propage sans dommage, mais, en se réfléchissant sur sa face arrière, elle revient sous forme d’une onde de détente intense qui provoque une rupture par écaillage avec projection, derrière la plaque, d’une assiette qui, en un ou en plusieurs fragments, produit des effets meurtriers à l’intérieur du char sans qu’aucune perforation soit visible. Ce genre de projectile ne fonctionne pas aux incidences supérieures à 60°, ni aux vitesses de choc supérieures à 600 m/s, si bien qu’il n’est utilisable qu’aux portées moyennes.

• L’efficacité d’une munition antichar a été définie dans les années 60 par des méthodes de recherche opérationnelle, et la probabilité Pk de mise hors de combat d’un engin blindé est donnée par la formule Pk = Ph . Ph,k, Ph étant la probabilité d’atteinte qui résulte de la dispersion du tir, des erreurs de réglage de la lunette, de l’estimation de la hausse (en principe au télémètre optique, ou laser), de la vitesse du vent et de celle du but que l’on évalue au moyen d’un correcteur tachymétrique, et Ph,k étant la probabilité de mise hors de combat d’un char lorsque celui-ci est touché. À cet effet, on détermine pour un point d’impact et un angle d’incidence donné si la perforation est assurée ou non et quels éléments vitaux du blindé (personnel, munitions, carburant, moteur, etc.) sont touchés.