Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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prescription (suite)

Toute personne, physique ou morale, peut invoquer la prescription ; ces personnes peuvent prescrire et la prescription peut leur être opposée. Il est permis de renoncer à la prescription acquise, mais non de renoncer par avance au bénéfice de la prescription. La renonciation peut être tacite, pourvu qu’elle résulte d’actes accomplis volontairement, en pleine connaissance de cause, et manifeste de façon non équivoque l’intention du prétendu renonçant ; la renonciation qui intervient non pas après l’écoulement intégral du délai mais au cours du délai est valable pour le passé, mais nulle pour l’avenir ; elle n’empêche pas la prescription de recommencer à courir immédiatement après. La prescription n’opère pas de plein droit, et la loi défend au juge de suppléer d’office le moyen tiré de la prescription. Elle peut être opposée en tout état de cause jusqu’à la clôture des débats.

• La prescription acquisitive. La propriété immobilière peut s’acquérir par prescription acquisitive, ou « usucapion » : au terme de trente ans de possession, pourvu qu’elle soit exempte de vices (discontinuité, violence, clandestinité ou équivoque), tout possesseur, même de mauvaise foi et sans juste titre, acquiert la propriété de l’immeuble dont il a pris possession par des actes d’occupation matérielle. Le possesseur qui a juste titre et est de bonne foi bénéficie d’une prescription abrégée : elle dure de dix à vingt ans, selon que le propriétaire habite ou non dans le ressort de la cour d’appel où est situé l’immeuble.

• La prescription extinctive. La prescription peut être aussi un mode d’extinction des droits : elle est fondée sur l’inaction du titulaire du droit pendant le délai fixé, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération la bonne ou la mauvaise foi de celui qui doit en bénéficier. En principe, toutes les actions, tant réelles que personnelles, se prescrivent par trente ans, à l’exclusion notamment des actions d’état. Le législateur a édicté une prescription de cinq ans pour un grand nombre d’actions en paiement (salaires, arrérages de rentes, loyers et fermages, intérêts de sommes prêtées et généralement tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts) ; cette prescription a pour but de protéger le débiteur contre l’accumulation des termes impayés. Il existe en outre des prescriptions de six mois, un an, deux ans, instituées par le Code civil ou par des lois spéciales et qui sont fondées sur une présomption de paiement ; il y a notamment prescription par six mois des actions des maîtres et instituteurs pour des leçons qu’ils donnent au mois, des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu’ils fournissent ; prescription par un an pour l’action des huissiers portant sur la rémunération des actes qu’ils signifient et des commissions qu’ils exécutent, ainsi que pour l’action des maîtres de pension portant sur le prix de pension de leurs élèves et pour celle des autres maîtres portant sur le prix de l’apprentissage, prescription par deux ans pour l’action des médecins, chirurgiens et autres portant sur les visites et opérations, pour l’action des marchands sur les marchandises qu’ils vendent aux particuliers non marchands, ainsi que pour l’action des avocats portant sur leurs frais et émoluments. Enfin, le législateur a établi à l’égard de certaines actions des prescriptions à délais variés, parmi lesquelles il convient de mentionner, en matière commerciale, la prescription décennale des obligations nées entre commerçants* à l’occasion de leur commerce (si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes) et la prescription de trois ans à compter de la date de l’échéance de toutes actions résultant de la lettre de change contre l’accepteur.

Le calcul des délais de la prescription civile

Le calcul du délai de la prescription civile se fait selon les mêmes modalités qu’il s’agisse de la prescription acquisitive ou de la prescription extinctive. La prescription se compte par jours et non par heures ; elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli, et le jour qui sert de point de départ à la prescription n’y est pas compris ; lorsque la prescription est déjà acquise, la loi modifiant les délais d’une prescription n’a pas d’effet rétroactif. Lorsqu’il y a « interruption » de la prescription, les effets du délai écoulé se trouvent anéantis ; par contre, en cas de « suspension » de la prescription, le cours de la prescription n’est que momentanément arrêté. Il convient de souligner enfin que, parmi les délais institués par la loi, il existe des délais dits « préfix » qui sont particulièrement stricts et intangibles, et que rien ne doit arrêter ni dans leur cours ni dans leur action.


La prescription pénale

• La prescription de l’action publique. Elle se trouve acquise par l’expiration d’un délai de dix ans s’il s’agit d’un crime*, de trois ans s’il s’agit d’un délit*, d’un an s’il s’agit d’une contravention*, sauf dispositions particulières ; les « crimes contre l’humanité » sont imprescriptibles par leur nature, aux termes de la loi française du 26 décembre 1964, mais les délits de presse*, par contre, se prescrivent par trois mois.

Le délai de la prescription court à compter du jour où l’infraction* a été commise pour les délits instantanés comme le vol et, pour les infractions non instantanées, du jour où la situation délictueuse a pris fin (recel) ou du jour où a été commis le dernier acte constitutif d’habitude (exercice illégal de la médecine). Mais ce jour n’est pas inclus dans le délai : un crime commis le 1er juillet 1965 se trouve prescrit le 1er juillet 1975 à 24 heures. Toutefois, la prescription de l’action publique peut être interrompue ou suspendue : en matière de crimes et de délits, elle est interrompue par un acte d’instruction* (interrogatoire, audition ou commission rogatoire du juge d’instruction) ou de poursuite (citation directe et certains procès-verbaux de police ou de gendarmerie), et elle peut être suspendue par un obstacle de fait (la démence de l’auteur de l’infraction survenue postérieurement à l’infraction avec internement dans un établissement d’aliénés, ou l’occupation ennemie durant une invasion) ou par un obstacle de droit (examen d’une question préjudicielle).

La prescription, qui éteint l’action publique, a un caractère d’ordre public : le délinquant qui en a obtenu le bénéfice ne peut y renoncer et demander à être mis en jugement, et le moyen tiré de la prescription de l’action publique, qui doit être suppléé d’office, peut être opposé en tout état de cause, même pour la première fois en appel ou devant la Cour de cassation.