Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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préfabrication (suite)

Le métal

Les progrès de la métallurgie se sont accompagnés de la production d’éléments de structure de types bien définis, en séries souvent assez importantes : les manufactures anglaises de six à sept niveaux comme celle de James Watt et Matthew Boulton à Salford, Manchester (1801), jusqu’à celle de William Fairbairn (1845) ont été faites avec une ossature comportant des poteaux en fonte et des poutres en fer forgé, soit deux types d’éléments (la seule usine de Salford comportait cent soixante et un poteaux). De nombreuses manufactures ont été édifiées sur le même type, tant en Grande-Bretagne que dans d’autres pays.

Aux États-Unis, le développement du pays entraîna la construction d’immeubles commerciaux, de magasins, etc. Comme pour l’habitation (en bois) des pionniers, la rapidité nécessaire d’exécution et la faible qualification de la main-d’œuvre locale justifièrent l’appel à une préfabrication de structure tout en fonte, ou comportant des éléments en fer forgé, ou associée avec des murs portants en brique. Ces édifices, le plus souvent anonymes, furent préfabriqués par des fondeurs qui pourvoyaient non seulement aux besoins des villes de l’Ouest qui se créaient, mais aussi à ceux des villes en développement d’autres régions ; le front de rivière de Saint Louis (Missouri) fut construit de cette façon entre 1849 et 1874, et l’on a la trace d’une exportation d’éléments de construction préfabriqués à Cuba (1874).

Le Crystal Palace, édifié pour l’Exposition universelle de Londres de 1851 par Joseph Paxton, répond aux définitions de la préfabrication. En effet, le constructeur décomposa le bâtiment en un nombre restreint d’éléments de fonte dont les dimensions bien déterminées étaient liées à celles des panneaux de verre que l’industrie pouvait fournir à l’époque (4 pieds, soit 121,92 cm) : c’était en fait une norme. Les grandes expositions qui suivirent, notamment à Paris, permettent de constater que la nécessité de construire vite et l’éventualité d’un remploi des matériaux ont donné naissance à une véritable préfabrication métallurgique.

Gustave Eiffel a compris exactement le problème en réalisant des ponts par éléments élaborés en France et montés dans ce qu’à l’époque on nommait l’Indochine (1882).

Le ciment et le béton

L’architecte Charles Henri Besnard (1881-1946), après avoir préfabriqué des « sheds » (1917), décomposa l’église Saint-Christophe de Javel à Paris (1927-1929) en éléments, poteaux, fermes, poutres, claustra, qui furent coulés sur place (préfabrication dite « foraine »), à terre, dans des moules de bois ou de plâtre, à l’abri de bâches, avec le ferraillage nécessaire et en utilisant du béton assez sec bien tassé. L’architecte soulignait dans un opuscule les avantages du système (protection des ouvriers contre les intempéries, précision plus grande de la fabrication, économie par l’utilisation répétée d’un moule) et notait les qualités requises des appareils de levage. Il apparaît, tant sur le plan de la théorie que sur celui de la pratique, comme un précurseur.

La préfabrication des éléments en béton a connu un développement de plus en plus grand depuis 1945 environ, principalement dans les pays industrialisés ; mais l’évolution ne s’est pas faite de façon continue, on peut la résumer ainsi de façon schématique :
— avant 1939, préfabrications diverses : poteaux électriques, tuyaux, plaques, éléments de planchers, etc. ;
— à partir de 1945 environ, éléments porteurs lourds, de façade (hauteur d’un étage) ou intérieurs (bloc-eau, bloc sanitaire, placards, etc.), avec emploi conjoint de planchers préfabriqués (ou, dans certains systèmes, coulés en place) ; par la suite, apparition des escaliers préfabriqués ;
— à partir de 1955 environ, développement devenant très important des éléments de façade non porteurs (préfabrication moyenne) ;
— à partir de 1965, développement des cellules préfabriquées à trois dimensions, dites aussi « spatiales » (le premier essai, le « prototype de Kiev », est de 1950 environ) ; par ailleurs, extension de l’utilisation des éléments porteurs de structure (poteaux et poutres) préfabriqués.

J.-B. A.


État actuel de la préfabrication

En matière de constructions civiles, la préparation en usine est nécessairement plus soignée que tout ce qui peut s’édifier sur un chantier, non seulement en raison d’un matériel et d’engins plus perfectionnés, mais surtout grâce à l’instauration d’un contrôle de fabrication qui ne saurait être créé sur un chantier ; or, ce contrôle en usine par le préfabricant ne fait nul obstacle à un contrôle des éléments préfabriqués par le maître d’œuvre qui est appelé à les utiliser. On obtient ainsi une constance de la qualité non seulement pour les matériaux livrés finis, prêts au montage, mais aussi pour la préparation des mortiers et bétons, travail qui, jusqu’à ces derniers temps, semblait devoir être réservé au chantier. Les usines de préfabrication des bétons frais, livrés prêts à l’emploi sur le chantier même, assurent à la fois la préparation et le transport à pied d’œuvre du matériau frais, non seulement pour les besoins de la construction privée, mais aussi pour le béton de qualité et pour le béton exceptionnel destiné aux grands ouvrages conçus suivant les principes de la précontrainte.

Le fini de la fabrication en usine, la garantie du contrôle des opérations et celle de la réception sur le lieu de fabrication ou sur le chantier même, la simplification du travail d’entreprise, les économies de temps, de matières et de prix de revient justifient l’essor actuel de la préfabrication. Pour l’abaissement plus accentué des prix de revient et la suppression de tous les aléas de pose, la préfabrication doit pouvoir faire l’objet d’une normalisation très poussée d’une part pour les procédés de fabrication et les méthodes de contrôle, d’autre part dans le domaine des dimensions, non seulement à l’échelon national, mais si possible à celui du Marché commun. Cette dernière normalisation est la condition essentielle de l’interchangeabilité des productions et de la mise en stocks, dans des centres de distribution bien répartis, d’éléments de rechange aux moindres frais de transport (suppression des longs transports de fournitures non rassemblées, des longs déplacements des spécialistes de montage et surtout des ajustements lors du montage).