Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Prague (suite)

Du Moyen Âge subsistent d’importants vestiges : maisons, fortifications, églises. Le sanctuaire le plus ancien est aujourd’hui englobé par l’ensemble du Hradčany, ville et château royal au sommet d’une colline qui domine la rive ouest de la rivière : c’est la basilique Saint-Georges, sévère construction romane en pierre, couverte d’un plafond et terminée par une abside en hémicycle encadrée de deux tours. Au centre du Hradčany se dresse le plus vaste édifice gothique de la ville, la cathédrale Saint-Guy, qui a succédé à une basilique du xiie s. Charles IV fonda la nouvelle cathédrale en faisant venir d’Avignon l’architecte Mathieu d’Arras (mort à Prague en 1352). Seul le chœur fut alors édifié. Les troubles que connut la Bohême entravèrent sans cesse la poursuite des travaux. Le célèbre architecte Peter Parler de Gmünd (1330-1399) y laissa sa marque, mais c’est surtout à la fin du Moyen Âge que l’église prit forme, en style flamboyant, pour n’être achevée qu’au xxe s. Elle contient de nombreuses œuvres d’art et abrite les mausolées royaux. L’art flamboyant déploie les audacieux dessins de ses branches d’ogives dans d’autres parties du château, telle la salle Ladislav.

Dans la vieille ville (Staré Město), sur la rive opposée, Notre-Dame de Týn (xive-xvie s.) dresse les curieuses flèches très pointues de ses tours ; c’était jadis le principal sanctuaire des hussites. Non loin de là, sur une place bordée de maisons anciennes, s’élève l’hôtel de ville, à la riche décoration sculptée, célèbre par son horloge et sa fenêtre en encorbellement. Méritent aussi l’attention le cloître du monastère d’Emmaüs, décoré de peintures murales, le Carolinum, cœur de la vénérable université Charles, la tour Poudrière, qui faisait partie de l’enceinte fortifiée. Œuvre de Peter Parler, le pont Charles est le plus ancien de Prague. Sa longueur, plus de 500 m, la puissance et la beauté de ses arches lui ont vite assuré une renommée que la parure des grandes statues baroques dressées sur ses piles n’a fait qu’accroître.

La Renaissance a relativement peu contribué à l’embellissement de Prague, si ce n’est par la décoration des façades. La salle du Parlement de Bohême lui doit son aspect. Le Belvédère (au nord du Palais royal), casino de fête, atteste les progrès de l’italianisme avec son élégant portique à arcades ; cependant, la pente incurvée de son énorme toit lui donne une silhouette très originale. De la Renaissance date aussi la magnifique décoration à graffiti du palais Schwarzenberg, sur la place du Hradčany.

Cependant, c’est le baroque* qui donne à Prague sa parure la plus originale et la plus grandiose, dans un xviie s. historiquement assez douloureux pour la Bohème assujettie. L’Empereur considère la ville comme sa seconde capitale, et le Palais royal, sur le Hradčany, prend alors son aspect de ville haute. À ses pieds s’étend jusqu’à la rivière la fameuse Malá Strana, où se dressent demeures princières et églises. Grand capitaine au service de l’Empire, Wallenstein se fait construire un véritable palais (Valdštejnský) avec un admirable jardin intérieur décoré de statues et un pavillon à arcades d’allure encore maniériste, la « sala terrena » à l’italienne. Dans tout le quartier se pressent de fastueuses résidences qui témoignent de la vigueur du génie baroque tout au long de deux siècles. Citons entre autres les palais Kolovrat, Morzini, Thun, Fürstenberg, le palais des Prieurs, la maison Smiřický. Près du Hradčany, le palais de l’Archevêque, le Palais toscan et le palais Sternberg (auj. Galerie nationale) forment avec le palais Schwarzenberg, déjà cité, un ensemble grandiose, qui se prolonge par l’étonnant palais Černín, entrepris de 1668 à 1677 par Francesco Caratti, l’un des architectes d’origine italienne les plus actifs en Bohême à cette époque. L’immense façade à trente-neuf travées dresse sur un socle rustique un ordre colossal de colonnes engagées, symbole de la démesure et de l’italianisme du propriétaire, qui défiait ainsi l’Empereur lui-même. La façade postérieure présente des arcades ouvertes à la manière de la Villa Médicis à Rome. Au xviiie s., les grands maîtres viennois contribuèrent largement à cette parure de belles résidences : dans la vieille ville, c’est à Johann Bernhard Fischer von Erlach qu’est dû le palais Clam-Gallas, dont les escaliers s’envolent avec une virtuosité étourdissante. Le superbe palais Kinský est dû à la collaboration de Kilian Ignaz Dientzenhofer et d’Anselmo Lurago. Avec son corps central elliptique et ses ailes incurvées, le palais Lobkovic, au milieu de ses merveilleux jardins, offre la quintessence du baroque.

Dans le domaine de l’architecture religieuse, un architecte d’origine française, Jean-Baptiste Mathey, tenta, au xviie s., de contrecarrer l’hégémonie italienne. Son oeuvre la plus significative à Prague (avec Saint-Joseph dans la Malá Strana), l’église des Croisés, près du pont Charles, présente une coupole elliptique et une façade assez sobre. Le rôle principal, au xviiie s., fut dévolu aux Dientzenhofer, dont le père, Christoph, édifia pour les Jésuites une des églises baroques les plus originales de son temps, Saint-Nicolas (Svatý Mikuláš) dans la Malá Strana. Tout est tension et mouvement dans les lignes et les espaces courbes, qui se combinent et se contrarient dans une luxuriance décorative à laquelle contribuèrent les meilleurs artistes d’alors. Fils de Christoph, Kilian Ignaz y ajouta la fière coupole qui domine tout le quartier. C’est la synthèse de l’art des grands maîtres viennois et de Guarino Guarini* : celui-ci avait fait des projets pour la Bohême, que les Dientzenhofer développèrent avec brio. Kilian dota la pittoresque église du couvent Notre-Dame-de-Lorette d’une façade contrastée qui fait face au palais Černín et érigea dans la vieille ville une autre église Saint-Nicolas. Le nombre des églises, souvent petites, sièges de confréries ou de communautés, est considérable, comme la variété des plans et la recherche de la décoration, grâce à une pléiade d’artistes, peintres comme Karel Škréta (1610-1674) et Jan Kupecký (1667-1740), sculpteurs comme Mathias Braun (1684-1738) et les Brokoff (Jan [1652-17181 et Ferdinand Maximilián [1688-1731]), dont les grands groupes spectaculaires complètent la beauté du pont Charles et de tant de jardins qui entourent et relient les édifices, volontiers disposés en terrasses et créant des perspectives souvent grandioses ou féeriques.