Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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poste (suite)

Ces manœuvres répugnent à Louis XVI ; cependant, le paiement sur sa cassette, de 1770 à 1787, des frais de fonctionnement du bureau secret prouve qu’il doit se résoudre à les admettre. Le pays est révolté de cette inqualifiable intrusion dans l’intimité des familles, et les cahiers de revendications dressés par la noblesse, le clergé et le tiers état à l’occasion des états généraux de 1789 souhaitent à l’unanimité la disparition du Cabinet noir. La Constituante s’y emploie. Elle supprime les crédits de fonctionnement, entraînant ainsi la désorganisation du service du Chiffre. Elle exige de tous les agents des Postes le serment, toujours en vigueur, de « garder et observer fidèlement la foi due au secret des lettres ». L’Assemblée législative confirme ces lois sages, mais est impuissante à faire disparaître une multitude de censures locales nées de l’exaltation populaire. La Convention, afin de conjurer les menées des émigrés et des ennemis de l’intérieur, crée des comités de surveillance provisoires aux frontières et dans l’Ouest. Le Directoire reconstitue l’ancien Cabinet surtout pour les besoins du Chiffre. Napoléon reçoit de cet organisme des rapports qui deviennent par la suite quotidiens. Il y voit un moyen de surveiller ses ministres et sa turbulente famille, tout en estimant que les secrets d’État n’utilisent guère la voie postale. Des « bureaux de révision » sont installés dans les centres importants de l’immense Empire : Varsovie, Berlin, Hambourg, Bruxelles, Milan, etc.

L’activité du Cabinet noir, fébrile pendant la première Restauration et les Cent-Jours, connaît son véritable épanouissement à partir de 1815, Débordante et désordonnée, elle fait l’objet de protestations parlementaires de 1822 à 1828, qui aboutissent non pas à la disparition du bureau secret, mais à son transfert à la Police générale.

Sous la monarchie de Juillet, cet organisme prospère, en marge du service postal, aux ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur, végète pendant la IIe République et connaît sous le second Empire un regain d’activité, à la solde de la Police générale. La recette centrale des Postes abrite un seul spécialiste, Simonet, que la guerre franco-allemande de 1870 chasse. Le Cabinet noir se manifeste une dernière fois en 1888 au sujet du retrait illégal d’une circulaire royaliste. Enfin, durant les deux guerres mondiales, une censure généralisée traque les indiscrétions nuisibles au secret des opérations.

Le Cabinet noir n’a pas été une institution spécifiquement française ; des officines similaires existèrent notamment en Autriche et en Grande-Bretagne.

G. R.


Sous Napoléon III

Tout le second Empire est marqué par l’adaptation de la poste aux nouvelles données technologiques nées de la révolution industrielle. Il est caractérisé aussi par l’essor du timbre-poste, né d’un décret d’août 1848, fixant un tarif uniforme pour l’ensemble du territoire français, et d’un arrêté de décembre 1848, créant les trois figurines correspondant aux valeurs d’affranchissement en vigueur. Lorsque survient la guerre de 1870, des mesures d’adaptation s’imposent, et le courrier est transporté par air ballons-poste), par pigeons (les pigeon-grammes sont les ancêtres du microfilm) ou par boules de zinc, qui, pourvues d’ailettes, sont jetées dans la Seine et permettent de communiquer avec la capitale assiégée.


De la IIIe République à nos jours

L’évolution sociale et économique va provoquer l’extension du rôle de la poste : le réseau postal a acquis une telle densité que des activités nouvelles vont lui être confiées : à sa fonction originelle, le transport du courrier, vont se juxtaposer successivement le service télégraphique et des fonctions bancaires.


La fusion entre la poste et le télégraphe

Elle est opérée en 1878-79 sous la vigoureuse impulsion d’Adolphe Cochery (1819-1900). Il s’agit de mettre à profit la connexité des deux moyens de communication, que les messages soient formulés par écrit ou par transcription électrique. Il s’agit aussi de réunir sous une même autorité, dans les mêmes locaux, deux services jusqu’alors relevant d’administrations différentes : la poste relevant du ministère des Finances, et le télégraphe du ministère de l’Intérieur. Cette fusion est réalisée par décret du 5 février 1879 avec la double préoccupation de diminuer les frais d’exploitation pour l’État et d’augmenter la satisfaction des besoins de la clientèle. L’importance de ce nouveau service justifie une nouvelle structure gouvernementale, et, en 1879, Cochery devient ministre des Postes et Télégraphes. Mais ce service est successivement rattaché au ministère des Finances en 1887, au ministère du Commerce et de l’Industrie en 1889, et au ministère des Travaux publics en 1906. En 1906 est également créé un sous-secrétariat des Postes et Télégraphes ; en 1925 est créé un secrétariat général des Postes, Télégraphes et Téléphones, devenu ministère en 1929 et qui, en 1959, prend le nom de ministère des Postes et Télécommunications. Les activités financières se développent corrélativement depuis un siècle. Entre 1879 et 1883, les mandats triplent en nombre et décuplent en montant.


La naissance de la Caisse nationale d’épargne

En 1881, ce nouvel organisme est confié à la poste. Issu de la loi du 9 avril 1881, il constitue un établissement public d’État dont la gestion financière est autonome, mais dont l’exploitation est assurée par la poste. Ce qui revient à mettre à la disposition des épargnants, force vive du pays, la totalité des bureaux de poste pour y déposer leurs économies, qui, leur rapportant un intérêt, permettent à l’État de disposer de fonds pour lancer de grandes opérations sociales par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. La loi de 1881 est favorablement accueillie par l’opinion publique. L’institution connaît un essor rapide, dans un climat d’émulation avec les caisses d’épargne municipales : en 1900, la Caisse nationale d’épargne comporte 3 500 000 déposants, qui lui ont confié un milliard de francs-or.